Pour gérer la transition, le Soudan se dote d’un Conseil souverain…

Après la destitution, le 11 Avril dernier, du président Omar Al-Béchir par les forces armées soudanaises et l’exigence par la rue de la remise du pouvoir aux civils, le processus afférent au transfert de l’autorité à une instance civile a été mis en route ce mercredi 21 Août par la mise en place d’un Conseil souverain.

Chargée de superviser la formation du gouvernement et du Parlement de transition, cette nouvelle instance appelée à «gérer» le pays durant la période transitoire nécessaire pour tourner la page des trois décennies du règne du Général Omar Al-Béchir, comprend cinq militaires et six civils. Sa composition a été approuvée mardi soir par le Conseil Militaire de Transition. L’une des deux seules femmes qui siègent au sein de cette instance est issue de la minorité chrétienne du pays.

Le président de ce nouveau Conseil, le Général Abdelfattah Al-Burhan qui présidait jusqu’alors le CMT et qui, en application des termes de l’accord signé le 17 Août entre l’instance militaire de transition et les Forces pour la Liberté et le Changement représentant le mouvement de protestation, restera aux commandes du Conseil souverain pendant 21 mois avant de laisser sa place à une personnalité civile pour une période de dix-huit mois, a prêté serment ce mercredi devant la plus haute autorité judiciaire du pays. Pour sa prestation de serment, avec une main sur le Coran et un bâton de maréchal sous le bras, Abdelfattah Al-Burhan était vêtu de son uniforme militaire et coiffé de son habituel béret vert.

Les autres membres de cette nouvelle instance ont également prêté serment, le jour-même devant leur président. Parmi eux figure Abdallah Hamdok, économiste et ancien collaborateur de l’ONU qui, en prêtant serment en sa qualité de Premier ministre de consensus, a été invité à former son gouvernement avant le 28 Août pour que la première réunion entre le Conseil souverain et le gouvernement puisse se tenir le 1er Septembre. Force est de reconnaître, toutefois, que non seulement le délai imparti au nouveau Premier ministre pour la constitution de son gouvernement est relativement court mais que Abdallah Hamdok aura fort à faire puisqu’il est tenu de redresser une économie exsangue et de pacifier un pays fortement ébranlé par plusieurs conflits internes dont notamment celui du Darfour.

Mais, l’euphorie générée par la signature samedi dernier de l’accord de transition n’a été que de courte durée dans la mesure où un certain malaise reste, tout de même, perceptible du fait de la présence, au sein de ce Conseil, de Mohamed Hamdan Daglo, patron d’une unité paramilitaire fortement impliquée dans la répression de la contestation et, également, ancien numéro deux du défunt CMT qui avait pris la succession du président Omar Al-Béchir.

Fortement engagées et présentes en premières lignes lors des manifestations ayant conduit à la chute de l’ancien président soudanais, les femmes ont, pour leur part, exprimé leur profonde déception face à leur faible représentativité au sein de cette nouvelle autorité.

Ce lundi, a eu lieu, par ailleurs, une chose inimaginable il y a quelques temps à peine dans un pays dont les deux tiers de la population n’ont connu que le puissant Général Al-Béchir aux commandes de l’Etat pendant trois décennies; à savoir la diffusion sur les écrans de télévision des images de la comparution de l’ancien homme fort du pays devant un tribunal pour répondre d’accusations de corruption.

Aussi, Amnesty International a saisi cette occasion pour signaler que le procès pour corruption actuellement en cours contre Omar Al-Béchir ne devrait pas faire oublier que de très lourdes accusations pèsent encore contre l’ancien homme fort du Soudan puisque ce dernier doit également répondre de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et de génocide pour son rôle présumé dans le conflit du Darfour qui avait éclaté en 2003. Or, pour cela, il va falloir que le Soudan ratifie le Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale.

Cette ratification va-t-elle avoir lieu et les tombeurs du Général vont-ils consentir à remettre à une juridiction internationale leur vieux compagnon de route ? Attendons pour voir…

Nabil El Bousaadi

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