Protestations chinoises après le sommet de Camp David

Attendons pour voir…

Nabil EL BOUSAADI

Le Premier ministre japonais Fumio Kishida et le président sud-coréen Yoon Suk-yeol se sont retrouvés, vendredi dernier, à Camp David, à l’invitation du président américain Joe Biden, pour une sommet trilatéral se voulant « historique » et tenu afin de leur permettre de confirmer leur opposition aux velléités territoriales et maritimes de Pékin en Mer de Chine méridionale mais aussi pour donner l’occasion aux Etats-Unis de contribuer au rapprochement du Japon et de la Corée du Sud dont les relations sont très compliquées du fait notamment de ce souvenir encore très douloureux de l’occupation japonaise de la Corée de 1905 à 1945.

Ce rapprochement revêt une importance particulière pour Washington car aux yeux de ses alliés asiatiques, Pékin constitue une sérieuse menace à l’équilibre régional et que c’est à ce titre que le Premier ministre nippon a enclenché une profonde révision de sa politique de défense et que le président sud-coréen réclame, de son côté, une plus grande coopération militaire avec les Etats-Unis pour que son pays puisse être protégé par le fameux parapluie nucléaire américain.

Dans la déclaration commune, dite « Esprit de Camp David », qu’ils ont signé à l’issue de cette rencontre, les trois dirigeants qui se déclarent « fermement (opposés) à toute tentative unilatérale visant à modifier le statu quo dans les eaux territoriales de la région » Asie-Pacifique, réaffirment « l’importance de la paix et de la stabilité dans le détroit de Taïwan » et prévoient la mise en place d’une ligne directe pour approfondir leur communication et leur coopération en matière de renseignement, d’armement, de haute technologie et pour le lancement de programmes d’exercices militaires conjoints étalés sur plusieurs années.

Après avoir convenu de partager des données en temps réel sur la Corée du Nord et d’organiser des sommets annuels, les trois dirigeants entendent coopérer en matière économique par l’entremise d’un mécanisme d’alerte censé signaler les risques de pénurie de certains produits ou matières premières.

Mais, bien que le président américain ait affirmé que cette rencontre ne visait pas la Chine, il est clairement mentionné dans la déclaration finale y afférente que les participants s’opposent au « comportement dangereux et agressif » de Pékin dans la région Asie-Pacifique.

Il n’en fallait pas plus pour que, par le biais du porte-parole de son ministère des Affaires étrangères, la Chine accuse, dans un point de presse, « les dirigeants des Etats-Unis, du Japon et de la République de Corée [d’avoir] dénigré et attaqué la Chine sur les questions maritimes et liées à Taïwan », de s’être « immiscés dans (ses) affaires intérieures » et d’avoir « délibérément semé la discorde entre la Chine et ses voisins ».

Aussi, après avoir exprimé leur « vif mécontentement et [leur] ferme opposition » aux termes de la déclaration faite à l’issue du sommet tripartite de Camp David, les autorités chinoises ont déposé des protestations « solennelles auprès des parties concernées » et, dès le lendemain, procédé au lancement de manœuvres militaires – aériennes et navales – dans le Détroit de Taïwan, officiellement en guise de protestation contre l’escale faite, le 13 Août dernier, aux Etats-Unis, par le vice-président taïwanais William Lai qui constitue, aux yeux de Pékin, une nouvelle « provocation » ayant pour but de « renforcer la collusion avec les Etats-Unis ». 

D’ailleurs, pour le chef de la diplomatie chinoise, Wang Wenbin, la rencontre de Camp David n’est rien d’autre qu’une nouvelle « tentative de raviver la mentalité de la guerre froide en incitant à la division et à la confrontation par le biais de divers petits cercles fermés et exclusifs » car « si les pays concernés se soucient réellement de la paix et de la stabilité dans le détroit de Taïwan, ils devraient respecter le principe d’une seule Chine, cesser d’approuver et de soutenir les séparatistes prônant l’indépendance de Taïwan et leurs activités et prendre des mesures concrètes pour sauvegarder la paix et la stabilité régionales  (étant donné que) la question de Taïwan est une affaire purement interne à la Chine». 

L’intransigeance des parties en présence ne permet pas, pour l’heure, d’affirmer que le détroit de Taïwan va se transformer en un havre de paix mais attendons pour voir…

Nabil EL BOUSAADI

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