Provocations chinoises dans le détroit de Taïwan

Attendons pour voir…

Nabil El Bousaadi

« La Chine a été belliqueuse et a porté atteinte à la paix régionale tout en se livrant à de nombreux actes d’intimidation ». Tels furent les termes par lesquels, ce samedi 2 Octobre, le Premier ministre taïwanais a porté à la connaissance de la communauté internationale que l’aviation chinoise a mené, vendredi et samedi, deux incursions aériennes massives à l’aide de  93 avions de chasse et bombardiers, dans la Zone d’identification de défense aérienne (ADIZ) de Taïwan. Ainsi, vendredi, jour anniversaire de la Chine communiste, ce sont 38 chasseurs et bombardiers des forces chinoises qui ont « violé » le détroit de Taïwan au cours d’une opération qui, loin d’être anodine, risque de faire monter la pression entre les deux pays et de provoquer un conflit militaire aux conséquences imprévisibles.

Aussi, après avoir déclaré, dans un communiqué, que Taïwan, qui vit dans la crainte permanente d’une invasion de la Chine, « ne cèdera jamais » aux menaces, le porte-parole du Conseil des affaires du continent, le principal organe de décision de l’île en matière de politique à l’égard de la Chine, a reproché à cette dernière de « porter gravement atteinte au statu quo » dans le détroit de Taïwan et exigé « des autorités de Pékin qu’elles cessent immédiatement leurs actions provocatrices non pacifiques et irresponsables »

Est-ce à dire que la Chine voudrait provoquer une guerre avec Taïwan dès lors qu’elle considère cette île de 23 millions d’habitants, où s’étaient réfugiés les nationalistes chinois en 1949, comme étant une province rebelle qui devrait, tôt ou tard, retourner dans le giron chinois ?

C’est, en tous cas, ce que laissent entendre les nombreuses incursions effectuées, par l’armée chinoise, à un rythme quasi-quotidien, dans la zone d’identification de défense aérienne depuis l’arrivée de Xi Jinping à la tête de la Chine en 2012.

Ainsi, si, en 2020, 380 avions des forces aériennes chinoises étaient entrés dans la  zone d’identification de défense aérienne de Taïwan, ce sont plus de 600 chasseurs et bombardiers chinois qui, de janvier 2021 à ce jour, ont « violé » cet espace aérien dans une démonstration de force qui est clairement destinée à mettre à mal la flotte vieillissante des avions de chasse taïwanais.

Aussi, dans un communiqué en date du lendemain émanant du département d’Etat américain aux Affaires étrangères, en réaffirmant leur « engagement indéfectible » aux côté de Taïwan, les Etats-Unis qui se sont dits « très inquiets (des) provocations militaires » de la Chine car « déstabilisatrices (pour) la paix et la stabilité régionales » ont exhorté « Pékin à cesser ses pressions militaires, diplomatiques et économiques et sa coercition contre Taïwan »

Or, il n’en fallait pas plus pour soulever l’ire de Pékin qui a reproché, lundi, à  Washington d’avoir envoyé « un signal extrêmement erroné et irresponsable » en usant d’actions « provocatrices » telles la vente d’armes à Taïpeh et l’envoi de navires de guerre dans le détroit de Taïwan.

Hua Chunying, la porte-parole de la diplomatie chinoise ajoutera également que « les Etats-Unis devraient rectifier leurs erreurs, sincèrement se plier au ‘principe d’une seule Chine’  et gérer prudemment et de manière adéquate la question de Taïwan en arrêtant de soutenir les forces séparatistes indépendantistes taïwanaises ».

C’est donc dans un contexte très tendu qu’est venue à Taïwan, ce 5 Octobre, une délégation représentant le Sénat français conduite par Alain Richard, le président du groupe d’échanges et d’études Sénat-Taïwan, pour la tenue d’une réunion avec la présidente de Taïwan Tsai Ing-wen.

Mais, pour Alexander Huang, professeur associé à l’Université de Taipei, ces dernières incursions aériennes effectuées par la Chine en ce moment où, dans la région, se trouvent trois formations navales – à savoir, deux américaines et une britannique dont un porte-avions –  n’ont pas pour seul objectif  d’envoyer un message à Taiwan mais surtout pour dire « aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, le jour de sa fête nationale : ‘ne faites pas de bêtises dans ma région’ ! ».

La « mise en garde » de Pékin sera-t-elle entendue par Londres et Washington alors même que la Chine a toujours fait la sourde-oreille à leurs « exhortations » ? Rien ne l’indique mais attendons pour voir…

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