Réplique: Face au chaos… la riposte par les idées

Triste et sinistre image qu’offre le monde de lui-même : des migrants refoulés par des navires affrétés par des racistes aux portes de l’Europe ; d’autres migrants jetés carrément à la mer… Pendant ce temps là, les médias sont occupés par des gesticulations de politiciens jouant avant des armes de destruction planétaire; ailleurs d’autres politiciens sont empêtrés dans de petites affaires transformant les institutions démocratiques en PME familiales; ailleurs l’indigence intellectuelle des élites et leur myopie politique annihilent tout espoir de changement… bref c’est un été peu réjouissant pour l’avenir.

La tentation alors est forte de tourner le dos au monde et de scruter l’horizon en attendant  d’autres promesses. Sauf que les choses ne sont jamais définitives et absolues. La résistance passe aujourd’hui par la réhabilitation des idées, de la culture et de la lecture.

C’est le cas avec la présentation d’un livre dont la lecture est d’un grand effet tonique aussi bien pour l’esprit que pour la volonté. Rappelons que ce projet modeste s’inscrit dans une visée citoyenne engagée invitant à réhabiliter la pensée et la réflexion théorique au sein de la gauche démocratique. Celle-ci traverse une période historique inédite où elle est appelée mine de rien à revoir sa copie : se remettre à réinterpréter le monde avant de prétendre le changer puisque tout le discours sur les réformes d’antan ont abouti à une sorte d’impasse devant le mur du libéralisme que certains même à «gauche» n’hésitent pas à adopter comme un horizon incontournable.

Le  livre du jour est Un monde à changer de Daniel Bensaïd, philosophe et militant. On peut dire que nous sommes en présence d’une contribution au débat au sein de la gauche internationale à partir de deux données essentielles qui ont marqué les dernières années. D’abord, la débâcle de la social-démocratie européenne;  et ensuite le formidable élan social illustré par les manifestations et les mouvements sociaux, de formes inédites contre la mondialisation impérialiste.

«Un autre monde est possible» est devenu une sorte de mot d’ordre international qui mobilise à travers les continents. Il indique surtout le refus d’un monde impitoyable où la libéralisation sauvage accumule les dérèglements sociaux et les ravages écologiques.

Le tableau qui se dégage n’est pas brillant. «Une alternative est à rebâtir» écrit Daniel Bensaïd : la misère du monde est plus insupportable, et inacceptable que jamais. Un autre monde est nécessaire. Mais le passé mort pèse de tout son poids sur le présent. Pas de table rase en politique et là, Bensaïd pointe du doigt l’héritage, il est accablant : le stalinisme a discrédité la révolution et la social-démocratie les réformes. Que faire ? C’est la question stratégique qui revient à chaque tournant historique. Avec le livre Un monde à changer, nous n’avons pas affaire à une recette miraculeuse (l’émancipation sociale n’a pas besoin de cités idéales livrées clefs en main) mais à une réflexion militante, animée par «le pessimisme de la pensée et par l’optimisme de la volonté» pour paraphraser Gramsci. «Après les grandes défaites sociales et morales du XXème siècle, nous avons le droit (et le devoir) de recommencer, de renouer les fils brisés de l’émancipation, de changer le monde avant qu’il ne sombre dans la catastrophe sociale et écologique».

Le débat peut (re)continuer. Tombée à son degré zéro, à la fin des années soixante-dix du siècle dernier, la discussion sur les moyens du changement renaît timidement, à la recherche de nouveaux acteurs et de nouveaux espaces stratégiques.

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