Un beau projet qui risque de tomber dans l’oubli

Le Nouveau Modèle de Développement

Par Abdeslam Seddiki

Cela fait plus de trois ans que le rapport sur le NMD fut publié, après avoir été soumis à l’appréciation de SM Le Roi. Ce projet royal a suscité une montagne d’espoir et mobilisé l’ensemble des composantes de la société : partis politiques, syndicats, associations professionnelles, organisations des droits de l’homme, associations des femmes, des personnes en situation de handicap et la liste est longue. C’est dire que personne n’est laissé à l’écart. La commission que présidait Chakib Benmoussa n’a pas chômé. Elle a travaillé sans relâche y compris en allant à la rencontre des citoyens dans des contrés lointaines isolées et marginalisées. Le rapport général est le produit de tout cette intelligence collective que recèle notre peuple. Les propos tenus par cette jeune étudiante habitant dans un milieu rural résument parfaitement le sentiment dominant chez une bonne partie de nos concitoyens : « ils ont tout et nous on n’a rien ». L’expression en arabe est plus forte. Pour être explicite, le « ils » renvoit aux classes dominantes qui ne se soucient guère du sort du peuple laborieux ; « nous » c’est le peuple qui crève la dalle, les habitants des montagnes et des campagnes isolées qui n’ont pas accès aux services sociaux de base, qui vivent en vivotant. C’est à ce niveau là que réside l’abîme de la société marocaine.

Ce rapport intervient après la publication d’une série de rapports sur la situation économique et sociale du pays, notamment le rapport sur la richesse globale de 2016 et après que le Roi en personne a fait le constat de l’essoufflement du modèle de développement en cours. Le Maroc se trouvait donc au pied du mur et le changement de modèle s’imposait pour aller de l’avant.

Conscients des responsabilités qui sont les siennes, le PPS, à l’instar d’autres forces politiques, s’est engagé pleinement dans ce chantier en mobilisant l’armada de ses cadres tout en associant des compétences en dehors du parti. Le mémorandum que nous avions produit à ce sujet a été positivement apprécié par la commission. Dans ce document, le PPS a distingué cinq piliers du nouveau modèle : placer l’homme au cœur du processus de développement ; une croissance économique rapide et soutenue ; améliorer la gouvernance et assurer un climat propice à l’emploi et aux affaires ; la dimension valeur, culture et société ou les facteurs non économiques de développement ; la démocratie pour le portage du modèle de développement. Outre ce mémorandum, le PPS a soumis à la commission un deuxième document portant sur la relance post -covid.

Il faut reconnaitre que le rapport général a répondu à l’ensemble des interrogations et des attentes des citoyens. La démarche participative suivie s’est révélée féconde. Pratiquement tout le monde s’y retrouve à l’exception de quelques nihilistes de profession qui n’ont rien à proposer que le niet. C’est un fait résiduel qui existe dans toutes les sociétés. Toutefois, il faut relever une lacune de taille : la commission n’a pas précisé les modalités de sa mise en œuvre. Il était question d’un pacte national qui sera approuvé par l’ensemble des partis politiques. Selon nos informations, un projet dans ce sens a été soumis aux premiers responsables des partis politiques pour approbation. Et depuis silence radio ! Ce qui est bien dommage.

On espérait que le gouvernement investi après les élections de 2021, allait adopter le NMD comme base de son programme. D’autant plus que ledit gouvernement compte dans ses rangs d’anciens membres de la commission dont son président. Tel n’est pas le cas. Le programme gouvernemental s’est limité à signaler le NMD comme référence sans plus. Aucune des réformes structurelles préconisées par le NMD n’a été retenue. Ce faisant, nous sommes passés de l’essoufflement de l’ancien modèle de développement à l’essoufflement de l’espoir !

Le rapport sur le NMD n’est pas un supermarché (d’idées) où on vient choisir un produit et pas un autre. C’est un tout indivisible. Il est à prendre ou à laisser. Le gouvernement composé de partis droitiers et affairistes a opté pour « laisser ». Ils gèrent le pays dans l’intérêt des classes et groupes qu’ils représentent en se contentant de verser 500 DH aux pauvres pour les calmer. Et « ce n’est pas rien » aux dires du Chef du Gouvernement (machi sahla).

Nous sommes sur le point de rater une opportunité historique, si ce n’est déjà fait. Avons-nous encore le temps de rattrapage pour corriger les anomalies et appeler le gouvernement « dissident » à rentrer dans l’ordre ? Ou notre espoir s’estompera à jamais en attendant Godot. Seule consolation, le document peut parfaitement constituer une matière à enseigner dans nos universités. Il n’est pas exclu de voir d’autres pays se l’approprier.

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