«Un hommage au goût de la fierté»

Ahmed Badry est l’un des fondateurs de l’Institut Supérieur des Arts Dramatiques et de l’Animation Culturelle. Le FIESAD lui a rendu hommage lors de sa deuxième édition. Un homme qui a tant donné au théâtre marocain en tant que critique de théâtre, universitaire et professeur.

Al Bayane : Que représente cet hommage pour vous ?

Ahmed Badry : La première chose que je retiens, c’est la tradition. C’est-à-dire la tradition qui doit caractériser toute action culturelle. Nous sommes des générations qui se renouvèlent. Il y aura forcément, si les traditions sont respectées, l’enrichissement et la sédimentation de tous les acquis sur le plan intellectuel, et c’est ce que j’ai beaucoup apprécié. Evidemment, personnellement, j’étais très touché par cette relation qui demeure depuis 30 ans maintenant. J’ai quitté l’Institut en 1992, mais je continue toujours à avoir les mêmes contacts, les mêmes rapports enrichissants avec aussi bien les étudiants que j’avais que ceux qui sont venus par la suite. C’est donc l’aspect qui m’a le plus touché, en plus des témoignages de ceux qui ont fait le déplacement de France ou d’Allemagne parmi les lauréats. Je ne peux naturellement qu’en tirer une sorte de fierté.

Vous étiez président aussi du comité du jury. Quel bilan faites-vous des spectacles et la qualité des troupes qui ont pris part à cette 2ème édition?

La chose qui saute en premier aux yeux, c’est qu’il y avait une très grande diversité des styles : partant du style classique à des styles qui vont dans l’avant-garde. La recherche des styles qui s’inscrivent dans des cultures différentes comme l’œuvre des polonais où il y a un travail qui s’inscrit dans la tradition esthétique théâtrale de la Pologne avec des marques particulières. Et quand on passe de ce travail à celui effectué par les allemands, à titre d’exemple, on découvre tout à fait autre chose. Même son de cloche lorsqu’on change de cap, vers les mexicains ou autres. Donc la chose retenir de cette diversité culturelle, c’est la nécessité de la confrontation de ces différents styles, confrontation dans le sens d’un enrichissement.

J’espère que ce festival se développera davantage et aura un bel essor. Nous portons en nous des initiatives pareilles parce qu’il ne suffit pas de produire ou de diffuser le théâtre, il faut aussi l’inscrire dans une tradition, le renforcer et surtout, le partager avec le public.

Quid du théâtre marocain ? En d’autres termes, comment voyez-vous l’avenir du théâtre marocain, notamment avec cette nouvelle vague de jeunes s’inscrivant dans la recherche de nouvelles pratiques théâtrales et tendances esthétiques?

Il y a d’abord une chose que tout le monde observe : c’est que nous avons effectivement une génération développant des styles variés. On peut compter sur au moins 7 à 8 groupes qui ont des tendances et qui commencent à avoir un style et à constituer une voix, voire des voix. Je pense que le problème maintenant c’est que nous avons des créateurs et qu’il faudrait que les structures et le financement suivent parce que nous avons un bon nombre de créateurs ; des gens qui peuvent aller très loin avec ce qu’ils ont entre les mains. Pour ce faire, cela nécessite d’abord des structures sûres, des troupes régionales réelles et un cadre pour une troupe nationale et la préparation du public et sa formation à travers les écoles et les universités. Le théâtre c’est quelque chose d’essentiel. Car ce n’est pas seulement un spectacle, mais une affaire de formation, de dialogue, de rencontres entre humains. Toutefois, nous commençons à avoir un problème, celui de la formation du public que, malheureusement, la télévision déforme.

Mohamed Nait Youssef

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