Un jour nouveau se lève sur la Gambie…

Après avoir obtenu le feu vert de la CEDEAO, dont les troupes se sont attelé à sécuriser le pays préalablement à la venue du nouveau Président de Gambie, son entourage a annoncé que ce dernier rentrera à Banjul ce jeudi 26 Janvier en milieu d’après-midi.

La première mesure prise par le nouveau Chef d’Etat pour marquer le changement qu’il entend instaurer a été de nommer, en tant que Vice-Présidente, une figure de proue de l’ancienne opposition gambienne et farouche adversaire de l’ex-Président Yahya Jammeh, Madame Fatoumata Tambajang. Mais si cette mesure a été favorablement accueillie par une population gambienne lassée par une dictature qui aura duré plus de deux décennies, de nombreux défis – notamment d’ordre économique – attendent Adama Barrow et ce, d’autant plus que, si l’on en croit son principal conseiller, ce sont « près de onze millions d’Euros qui auraient disparu des caisses de l’Etat ces deux dernières semaines » ; un déficit qu’il va falloir combler au plus vite. Considérant, par ailleurs,  que plus de 60% de la population vit en-dessous du seuil de pauvreté, HalifaSallah le porte-parole de la coalition ayant remporté l’élection présidentielle déclare : «Aujourd’hui, notre économie est basée essentiellement sur l’endettement. Cela signifie que nous allons devoir faire entrer de l’argent dans les caisses de l’Etat. Ensuite, il faudra utiliser cet argent pour soutenir le secteur social et en premier lieu la santé et l’éducation. Mais nous avons un avantage, nous allons mettre en place un système basé sur la responsabilité, la transparence, la bonne gouvernance et le respect des droits fondamentaux. Je pense que cela va encourager les investisseurs à revenir dans le pays. En rétablissant l’Etat de droit, nous espérons aussi renouer des partenariats avec l’Union Européenne, les Etats-Unis et tous les acteurs de la coopération internationale».

Le nouveau président gambien entend, également, réformer l’omnipotente Agence Nationale du Renseignement (NIA) qui détient le triste palmarès d’arrestations, d’emprisonnements, de torture et d’assassinats de centaines d’opposants à Yahya Jammeh.

Ayant été violemment réprimés durant l’ancien régime, les journalistes espèrent retrouver la place qui leur revient. Prônant une refonte totale des forces gambiennes de défense et de sécurité, la journaliste en exil Aisha Dabo estime qu’il «faut que la police, les paramilitaires et l’armée comprennent que leur rôle est de protéger la population. Il faut en finir avec l’impunité. On parle d’arrestations et de torture de la part de la NIA. Beaucoup de gens sont morts là-bas. Il y avait les arrestations nocturnes, des dizaines de personnes ont disparu ça fait plus de dix ans et on ne sait toujours pas où elles sont».

Faisant suite, par ailleurs, à l’annonce faite par le Président Adama Barrow au titre de la mise en place d’une commission « vérité et réconciliation » dont les contours ne sont pas encore clairement définis mais qui revêt, toutefois, une extrême importance, Fatou Jagne Senghor, la Directrice de l’ONG de défense des droits de l’homme « Article 19», estime qu’il ne faudrait surtout pas «agir dans la précipitation (car) la vérité est à la base de la réconciliation surtout lorsque beaucoup d’injustices et d’atrocités ont été commises. Mais si le système est bâclé, les uns et les autres ne vont jamais être apaisés et cela pourrait créer un sentiment de frustration et renforcer l’impunité qui, elle-même, risque d’encourager d’autres crimes».

Ainsi, après les fortes émotions vécues par la population ces dernières semaines avec la guerre civile qui se profilait à l’horizon du fait de l’entêtement de l’ancien président, l’atmosphère est, désormais, à l’apaisement ; ce qui fait dire à Mohamed, tailleur au marché central de Banjul, qu’il «respire la liberté» alors que le vendeur de fruits qui tient l’échoppe voisine déclare pour sa part, avec un grand soupir de soulagement, «la démocratie c’est bien !».

Maintenant que l’ancien dictateur s’en est allé et que le Président élu s’apprête à prendre les rênes du pays, il semblerait, enfin, qu’en Gambie la vie soit réellement sur le point de reprendre son cours sous un meilleur jour étant entendu qu’après la pluie vient toujours le beau temps…

Nabil El Bousaadi

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