Un père, une mère…

Le don comme axe  dramatique des films de la 3ème journée de la compétition officielle du festival de Marrakech. Le don d’organes ; le don de soi. Mais c’est la famille dans sa structure monoculaire qui écrit le scénario des deux films de cette journée, le chinois, The donor et le français, l’histoire d’une mère. Des équivalences dramatiques mais deux univers esthétiques opposés.

Th donor de Zang qiwu est le récit d’un père qui face aux risques de voir sa modeste demeure démolie par les nouveaux projets d’urbanisation, cherchent de l’argent pour empêcher cela. Mais son petit boulot de réparateur de motocycles parvient à peine à subvenir aux nécessités de la vie quotidienne et aux frais de la scolarité de son fils unique (on est en Chine). Il décide de vendre un rein à un jeune riche qui en a besoin pour sauver sa sœur, «le soleil de sa vie». Il touche une importante somme et les deux familles font connaissance sous un faux prétexte, le père ayant caché la transaction à sa petite famille. Manque de chance, le rein ne fonctionne pas, «le donneur est trop âgé». Le jeune riche se tourne alors vers le rein du jeune garçon qu’il parvient à séduire avec d’alléchantes promesses (argent, études aux USA…). Mais le père refuse; résiste à l‘harcèlement du jeune bourgeois. Il ne veut pas va voir son fils amputé d’une partie de son corps. Mais celui-ci a atteint l’âge de 18 ans et n’a donc pas besoin de la permission du père; il a ses propres projets. Le père est alors acculé à une décision fatale.

Au-delà de cette dimension mélodramatique, The donor est d’abord une œuvre d’une grande beauté esthétique avec des plans époustouflants de la ville quadrillée par le réseau ferroviaire qui écrase toute vie humaine et par des autostrades qui réduisent les hommes à des fourmis. Le père, personnage tragique, évolue déjà dans un univers sans issue. Le film est en outre un constat accablant de la Chine du capitalisme cupide où une nouvelle classe sociale s’offre le luxe de tout pouvoir acheter. Tout se négocie comme une transaction commerciale. Le don d’organes, ultime geste de générosité humaine, devient une bonne affaire à traiter comme une marchandise. Le toute est inscrit dans une logique temporelle qui confine à la méditation.

Autre don, mais autre univers avec le conte philosophique de Sandrine Veysset qui nous transpose dans l’univers de l’enfance, des forêts nocturnes habitées par des voix et des fantômes. L’histoire d’une mère célibataire qui nourrit son enfant de contes ; avec une grand-mère mi-sorcière mi-artiste (une grande brodeuse). C’est un univers fermé que filme la réalisatrice pour décrire l’amour et la filiation maternelle (la jeune maman refuse d’aborder la question du père) avec cette quête pour récupérer l’enfant emporté par la mort : peut-on là aussi opérer une transaction pour récupérer un être cher ?

Le monde et ses tourments apparaît par bribes (les rencontres avec le maire) mais reste dans le hors champ laissant le spectateur avec des images qui réveillent des souvenirs d’enfance ou des instincts de paternité/maternité.

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