Un processus mouvementé

Station balnéaire de Taghazoute

Saoudi El Amalki

Le parcours de la station balnéaire de Taghazoute fut jalonné, depuis presque deux décennies, de faits en dents de scie rocambolesques.

Insérée dans le cadre du programme touristique national du plan Azur, le projet était lancé sur une plage sublime de l’océan Atlantique, aux saveurs du promontoire montagneux et aux clémences du climat caressant.

On avait donc fondé beaucoup d’espoir sur ces donnes naturelles pour booster la destination, déjà en pleine floraison, au début des années 80,  avec l’éclosion de sa consœur avoisinante. Mais, au fil du temps, le fiasco cuisant qu’essuyait le plan en question sur les cinq sites du pays choisis à cet effet, contaminait également celui de Taghazoute, à bien des égards.

A des exceptions nettement évidentes, celui-ci verrait, tout de même transplanter les premiers embryons d’une station, en cours de constitution, à la différence de ses pairs du royaume. Mais, à quel prix ? Elle aura connu, tout au long de son itinéraire décennal, toutes les peines du monde à voir le jour. C’est peut-être, l’édifice qui s’est adjugé tant de longévité dans les annales du tourisme national, avec pas moins de six ministres et autant de Wali, sans parler des organismes étatiques qui en assuraient le pilotage et le suivi.

Un budget astronomique fut injecté durant ces années de ballotage que la station n’a cessé de concéder, à cause de gouvernance et prise de choix des plus déconcertantes. Tout d’abord, au début de cette longue cavalcade, on s’est vu asséner un coup dur au dos par le désistement inopiné de l’investisseur saoudien, Della Al Baraka, après s’être octroyé la friandise juteuse de plus de 613 ha.

Puis, la défaillance mystérieuse, en raison de la crise mondiale de 2008, du fonds d’investissement dirigé par le consortium du groupe Colony Capital et la société Satcom, remit le compteur à zéro pour un maudit refrain.Des années plus tard, tout auréolé de sa trouvaille, Yasser Znagui, alors ministre de tutelle, arborait une nouvelle formule qui consistait à scinder la superficie du site en plusieurs entités, dit-on, maîtrisables et à les accorder, cette fois-ci, à 5 entreprises public/privé en l’occurrence : la Caisse de dépôt et de gestion (CDG), le Groupe Alliance Développement, Colony Capital, Société Sud partners et la Société marocaine d’ingénierie touristique (SMIT). «Cette fois, c’est pour de bon !», s’esclaffait Znagui devant une large assistance dont des journalistes, dans un palace d’Agadir, juste après la paraphe du protocole d’accord.

Les travaux de construction étaient prévus début 2011, pour une enveloppe budgétaire de plus de 6 millards de dirhams, en vue «de développer un éco-ressort touristique de faible densité, d’une capacité d’environ 8000 lits dont 5800 lits hôteliers». Qu’en est-il à présent, après ce coup de pouce ? Rien de plus rassurant, en fait.

Si, à l’époque, le retrait des aménageurs-développeurs qui avaient failli à leurs engagement, sans, pour autant, causer tant de dégâts, puisque les tintements des marteaux-piqueurs n’avaient pas encore résonné, il semble bien que leurs successeurs se sont évertués dans des comportements enfreignant aussi bien la légalité que la déontologie, en termes d’urbanisme. Il ne fait pas de doute que les intervenants dans ce nouveau labeur dont on avait scandé monts et merveilles, il y a une décennie, se partagent chacun, une part de cette déconvenue maculée de honte.

Une panoplie d’irrégularités déplorable entache actuellement les édifications de la station, transformée en « ghettos » quasi immobilier, violant du fond en large, les maquettes initiales, et partant, transgressant l’esprit même de la vision nationale du plan Azur adoptée, dont le fondement abyssal s’articulait autour de la notion purement touristique.

Quelle était donc la mission des structures de l’Etat qui s’attelaient, en principe, à veiller à l’évolution saine et décente des constructions ? Quel rôle précis de l’ex directeur de la Société d’Aménagement et de Promotion de la Station Taghazout (SAPST), en tant qu’interlocuteur des administrations en corrélation avec le site et sachant qu’il empoche, pour cette tâche, la bagatelle mensuelle de deux cent mille dirhams !? Pour ces commis de l’Etat dont la responsabilité est incontestable, la station Taghazout fut considérée comme un réel «domaine privé» auquel nul ne devrait fourrer le nez. Cet apanage mensonger n’était, en fait, qu’un quolibet croquemitaine pour tendre leur mainmise sur la station et faire passer les odieuses complicités.

On ne peut alors que se désoler face à cette supercherie qui prévaut la station qui évolue en hideuse amphibie. Quand on constate qu’un haut personnage de la hiérarchie de l’Etat et du parti s’adonner à des conduites frauduleuses pour une aussi capitale entreprise de l’économie nationale et se voir les infractions échoir sous les tentacules des bulldozers, on a envie de s’arracher les cheveux d’émoi et d’indignité.

Dans des nations qui se respectent, le contrevenant couvert de bassesse, s’empressera, sans doute, à présenter sa démission et s’éclipser sans demander son reste. De même, si on se retrouve dans une flagrante situation de triche et on s’entête à renier son délit, on ne peut que se «déguerpir» pour regagner l’Egypte, de crainte de se couvrir de dérision.

D’autant plus qu’on «souille», le long de la place Bijaouane de Chicha et bien d’autres insalubrités. Enfin, on est bien tenté de narrer cette série de contre-performances de ladite station en plein chaos, pour dévoiler une fois de plus, le déficit chronique de l’administration dont la magouille et l’incivisme gangrènent à vive allure.

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