Un savoir-faire ancestral en quête du renouveau

La poterie de Safi

Par Samir LOTFY – MAP

Jouissant d’une large notoriété qui dépasse les seules frontières nationales, la poterie de Safi, l’une des plus emblématiques et singulières de par ses dessins, ses motifs, ses couleurs, ses formes, la qualité de ses produits et un design attrayant, se trouve plus que jamais en quête de valorisation et de pérennisation. Bref, du renouveau notamment, face à la floraison de produits manufacturiers ou imités à moindre coût.

Faisant la fierté de toute une ville voire même, du Royaume, et formant une partie intégrante de l’identité et de la mémoire collectives safiotes, cette poterie demeure distinguée à l’échelle internationale, par son esthétique et sa qualité inégalables et surtout, via la dimension orientale que ses articles et objets confèrent aux espaces où, ils sont soigneusement exposés.

Toutefois, si le secteur de l’artisanat en général et celui de la céramique en particulier a subi de plein fouet les répercussions néfastes de la pandémie de la Covid-19, l’amélioration de la situation épidémiologique au Maroc, avec l’ouverture de son espace aérien et l’essor touristique enregistré en cette période post- Covid a eu pour effet d’enclencher une certaine dynamique de ce secteur, en incitant les artisans à reprendre leur activité et donc, à rompre avec les moments de « la vache maigre » dus au coronavirus.

Prendre le temps de profiter d’une belle ballade au coeur des petites ruelles de l’ancienne médina de Safi, avant d’arriver à la Coline des Potiers, c’est retrouver, de manière systématique, ce beau plaisir d’apprécier toute une gamme riche et variée de produits et d’objets de la céramique Safiote et donc, de constater de visu que la Cité de l’Océan dispose d’un potentiel énorme qui peut largement contribuer à son essor touristique et économique.

A Safi, l’art de la poterie est un « legs » indéniable qui se transmet de père en fils, de génération en génération c’est pourquoi, il n’est pas étonnant de trouver des familles dont, les noms sont indissociables de la céramique de la ville, et qui ont largement contribué au développement de ce secteur, composante fondamentale du tissu socio-économique local.

L’originalité de la poterie/céramique de Safi, réside dans le fait que les potiers locaux continuent d’adhérer et d’encourager les méthodes de travail traditionnelles et simples, celles héritées des aïeux notamment, quand il s’agit de pétrir l’argile et de mélanger les couleurs. Des articles « faits à la main » qui ne cessent de connaitre un fort engouement par une clientèle de plus en plus « large », « avertie » et « déterminée » à opérer un retour aux racines et aux traditions.

En effet, le secteur de l’artisanat se veut une composante fondamentale de l’environnement socio-économique de la ville de Safi, et combien même générateur de valeur ajoutée en termes de recettes, de création d’emploi, et de promotion du patrimoine culturel et touristique.

Selon une monographie du secteur de l’Artisanat à Safi, la poterie /céramique et l’une des activités les plus prépondérantes et dominantes au niveau de la région. Il s’agit d’un secteur phare disposant d’énormes potentialités et formant un pilier de l’économie. Il s’agit d’un pôle d’innovation national et d’un pôle économique du patrimoine, d’une activité dotée de main d’oeuvre qualifiée et qui contribue à attirer un marché promoteur aux niveaux national et international, et à promouvoir le tourisme. La poterie de Safi est un patrimoine et un savoir-faire séculaire très apprécié par le touriste.

Dans une déclaration à M24, la chaine télévisée de l’information en continu de la MAP, Mme Latifa Ziouani, artisane- potière, et propriétaire d’une galerie de poterie à Safi, a dit toute sa fierté et sa joie d’appartenir à une famille très ancienne qui opérait dans ce secteur, et avait contribué à son rayonnement et à sa préservation, notant que son amour et sa passion pour ce savoir- faire l’ont poussé tout en le pratiquant, à obtenir un diplôme universitaire avec un Mémoire de fin d’étude sur « la poterie de Safi ».

« Je suis très fière d’exercer ce métier qui fait partie intégrante de l’histoire et de l’identité de la ville de Safi et en même temps de mener des recherches scientifiques sur différents aspects liés à ce legs notamment, son histoire, ses couleurs, ses formes, ses matières, le jargon utilisé, le rituel…etc », a-t-elle enchainé, qualifiant la poterie de Safi de l’un des « ambassadeurs » du Royaume à l’étranger, et ce « témoin » des différentes civilisations qui s’étaient installées à Safi par le passé. La poterie de Safi est « le reflet » et l’illustration de tout un mode de vie et une prospérité que connaissait cette cité des siècles durant, a-t-elle dit.

Et de poursuivre que l’évolution de ce secteur ne peut être attribuée à une seule personne mais, à plusieurs grands maitres artisans qui, chacun, avait apporté sa pierre à l’édifice contribuant, sans nul doute, à la promotion et au développement de ce secteur qui, au-delà de son importance socio-économique et son rôle majeur dans la promotion de l’attractivité touristique de Safi, demeure un savoir- faire, un art qui illustre, si besoin est, la singularité du patrimoine de la ville, sa richesse ainsi que la coexistence qui, de tout temps, avait marquée le vécu des autochtones.

« Nous avons besoin d’oeuvrer en vue de développer davantage ce secteur et de promouvoir sa dimension internationale renouvelée, étant donné que la poterie de Safi jouit d’une notoriété mondiale et ne cesse de drainer des flux importants de touristes vers la Cité de l’Océan », a-t-elle dit, estimant qu’il est temps d’agir, main dans la main, pour la promotion du tourisme solidaire et surtout, celui culturel dans lequel s’insère le secteur de la poterie.

De son côté, Laghrissi Ahmed, potier et propriétaire d’un atelier à la Coline des potiers, a mis l’accent sur la relation corollaire qui, de tout temps, existe entre la poterie et la ville de Safi en raison notamment, de l’abondance des matières premières, rappelant que cet intérêt pour la poterie réside dans le fait que Safi était une « escale » incontournable pour nombre de civilisations qui s’étaient intéressées à cet art, entre autres, les Phéniciens qui faisaient de Safi « un Cap » pour leur commerce, et y utilisaient les objets en poterie pour le transport et la conservation de leurs approvisionnements.

Safi avait, par le passé, outre ses artisans locaux, accueilli nombre d’artisans en provenance de la ville de Fès, ainsi que des arabes issus de l’Andalousie qui avaient choisi de s’installer et d’exercer leur métier dans la Cité de l’Océan, en raison de l’abondance des matières premières, a-t-il précisé, estimant que les artisans en provenance d’Andalousie avaient, eux aussi, contribué au développement de la poterie de Safi, lui permettant de s’éloigner de son aspect « rural » ou « quasi-rural », via l’émergence de nouveau dessins et motifs ayant largement renforcé son esthétique et sa beauté.

Au rang de ces mesures figure la couverture sociale des artisans, un chantier de grande envergure lancé par Sa Majesté le Roi Mohammed VI, et qui ne pourra être qu’incitateur pour les artisans à l’effet de s’intéresser davantage à ce secteur et de promouvoir l’innovation, en vue de sa promotion et sa pérennisation pour les générations à venir, a-t-il conclu.

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