Célébration exceptionnelle de l’œuvre littéraire de Mohammed Berrada à travers 24 villes
Dans vingt-quatre villes marocaines, des conférences ont été organisées en une seule journée (samedi 26 octobre 2024) autour des œuvres complètes de Mohammed Berrada en nouvelles, romans, critique et traduction. Cette initiative, orchestrée par le Laboratoire de narratologie en partenariat avec plusieurs institutions, centres et associations culturelles et scientifiques, vise à célébrer l’œuvre littéraire de Berrada et son rôle sur plus de six décennies de contribution culturelle, qui ont ancré une culture critique moderniste et un style inédit avec une vision unique.
Ainsi, des conférences ont eu lieu dans des villes comme Casablanca, Oujda, Nouaceur, Tétouan, Meknès, Demnate, Zagora, Sidi Kacem, Fès, Béni Mellal, Mediouna, Daroua, Kénitra, Khouribga, Fkih Ben Salah, Benslimane, Marrakech, Agadir, Berrechid, El Jadida, Azemmour, Sidi Bennour, Safi, réunissant environ 111 participants, critiques et chercheurs, ainsi qu’un public diversifié, qui a assisté et participé aux discussions.
À Rabat, la rencontre s’est tenue à la Bibliothèque nationale, avec des écrivains, intellectuels et étudiants venus de Rabat, Casablanca, El Jadida, Fès, Meknès, Kénitra, Mohammédia, Settat, Khouribga, Berrechid… Parmi les participants, on comptait les écrivains et critiques Mohammed El Horadi, Saïd Yaqtine, Mohammed Daahi, Abdel Rahim Jiran, Najib El Aoufi, Idriss El Khadraoui, Miloud Othmani et Ibrahim Azough, qui ont rendu hommage au rôle de Mohammed Berrada comme pionnier au sein de l’université marocaine et à son influence dans la formation des idées et des projets culturels avancés à travers l’Union des écrivains du Maroc ou sa participation dans l’établissement d’un dialogue critique et culturel, touchant aux destinées humaines et aux questions nationales et humanitaires. Chouaib Halifi, coordinateur de la rencontre, a également souligné que cet hommage, qui a impliqué plusieurs générations de créateurs, critiques, chercheurs, lecteurs et amis, est l’expression d’une grande reconnaissance envers cet écrivain marquant, audacieux critique et humaniste.
Ibrahim Azough, représentant l’équipe de travail qui a supervisé les conférences, a mis en avant les conclusions générales et annoncé que l’ensemble des écrits et témoignages sera rassemblé dans un livre qui devrait être prêt l’année prochaine.
Dans son discours de clôture, Mohammed Berrada a souligné que cet événement représentait une « opportunité de dialogue et de réflexion sur l’expérience de création et de critique au Maroc ». Il a mentionné que lui-même, en tant que membre de la génération des années 1960, avait contribué aux côtés d’autres créateurs et professeurs pionniers, misant sur la littérature et la critique comme moyens de divertir et de soulever des questions émotionnelles profondes, tout en pariant sur la création comme moyen de libération de l’individu et de la société. Il a ajouté que « la mission de l’écrivain est de contribuer à rectifier les déviations à travers la rébellion contre l’héritage et les normes imposées par les classes et les traditions, qui cherchent à conserver leurs privilèges et les inégalités qui protègent l’exploitation et la domination… Ainsi, de nombreux écrivains se sont détachés de leur classe sociale pour en rejoindre une autre qui leur permettait de faire entendre leur voix et d’amplifier l’impact de leurs écrits et de leurs prises de position. »
Berrada a expliqué que « la création ne peut se limiter à un ensemble de valeurs et de thèmes qui accompagnaient l’enfance et la jeunesse de l’artiste ; les dimensions humaines, liées au destin et à l’avenir de l’humanité, imposent au créateur de se libérer de sa classe et de s’ouvrir à une vision universelle qui soutient les valeurs de liberté, de justice et de sens de la vie. »
Il a ensuite partagé qu’ayant grandi dans une classe sociale modeste, il s’était naturellement engagé pour cette classe, en faveur des marginalisés. Cela a façonné en lui une attitude protestataire face aux déséquilibres des décisions qui régissent les relations sociales et politiques. Il considère l’écriture créative comme un moyen de reconstituer des fragments du monde qui nous entoure, et que l’imagination devient ainsi un élément essentiel pour élargir les perspectives de la réalité. Selon Berrada, même si les mondes que crée un écrivain tirent de sa personnalité et de son expérience, ils restent en interaction avec le contexte social et intellectuel contemporain de sa vie. Il conclut que la « vision du monde » est essentielle pour comprendre une œuvre littéraire et justifier son existence, insistant que l’acte créatif ne forme pas une unité homogène en termes de signification, d’expression et de forme.
Dans la dernière partie de son témoignage, Berrada a évoqué son parcours, lié à la naissance du champ littéraire et culturel marocain depuis la période du protectorat français, où le mouvement national insistait sur l’importance de la langue arabe comme élément de l’identité marocaine et comme moyen de résister à la francisation de la société. La génération à laquelle il appartient a contribué à bâtir une littérature marocaine moderne, s’exprimant en arabe et en français, en lien avec les problématiques de création et de culture au Moyen-Orient et dans le monde.