Commémoration du bicentenaire de la naissance de Fiodor Dostoïevski
Mohamed Nait Youssef
Une sommité de l’écriture romanesque, un penseur lucide, prolifique et singulier, Fiodor Dostoïevski a marqué des générations de philosophes, de poètes, d’écrivains et de lecteurs à travers le monde. En effet, c’est dans les règles de l’art que la commémoration du bicentenaire de la naissance de l’écrivain russe s’est déroulée, jeudi 11 novembre, à la Bibliothèque nationale du Royaume du Maroc (BNRM), en présence de son directeur, Mohamed El Ferran, ainsi que les amoureux de littérature et des personnalités des mondes de l’art et de la culture.
Organisé, comme il se doit, par le Centre Culturel Russe avec le soutien de la BNRM en collaboration avec l’espace Sophia de la Créativité Sociétale et Solidaire, l’Association marocaine des lauréats des Universités et Instituts es-Urss, l’association pour le développement de l’Amitié Maroc-Russie, cet événement a célébré l’âme créatrice et la plume hors pair et universelle de Fiodor Dostoïevski.
Et pour apporter un éclairage sur l’héritage de ce génie, une table ronde placée sous thème : «le Maroc redécouvre l’esprit russe», animée par Dohmi Abdelati, conseiller du CCR, a été organisée dans ce cadre et elle a connu la participation d’une pléiade de chercheurs et d’universitaires.
«La table ronde et tous les événements ; le vernissage de la peinture, l’exposition des timbres, le concert de la musique classique consacrés au bicentenaire de la naissance de l’écrivant russe Fiodor Dostoïevski sont soutenus par l’Ambassade de la Russie au Maroc. Dostoïevski unit les gens. La création de l’écrivain est consacrée au thème de l’Homme. Sa biographie et sa créativité le confirment», a souligné le nouveau directeur du Centre Culturel Russe et conseiller de l’ambassade de Russie au Maroc, Petr Alexandrovich Lakhmenev, dans son mot inaugural à l’occasion.
Et d’ajouter : «mon pays prônait toujours la coopération dans les sphères de la culture, de la science, de l’éducation. Le Centre Culturel Russe à Rabat aide à réaliser et progresser ces tâches importantes».
Touria Hmiza : « Les frères Karamazov» adaptés à «Terrikte Al Bettache»
Touria Hmiza, professeur universitaire, a mis la lumière sur le roman «les frères Karamazov» adapté par le réalisateur marocain Chafik Shimi, au feuilleton «Terrikte Al Bettache» (2008). Le cinéaste, a-t-elle dit, a adapté cette œuvre romanesque traitant les questions de l’individu, de la société, de la relation de la religion avec l’Etat et des relations interhumaines des russes à la télévision marocaine tout en gardant son âme. Or, le plaisir du texte ainsi que les détails minutieux des personnages dans le roman ne pourraient être pas véhiculées facilement par l’œil de la caméra, a-t-elle fait savoir. «Le roman «les frères Karamazov» braque les lumières sur trois générations ; le passe, le présent et l’avenir des russes. C’est aussi un regard sur la décadence au niveau des valeurs et les maux que vit la société», a-t-elle expliqué. Par ailleurs, le réalisateur, poursuit-elle, s’est aventuré dans un univers marqué par des paradoxes, tout en évoquant les idées philosophiques puisées du roman, notamment le rapport aux religions. D’après, l’intervenante, le réalisateur a ‘’marocanisé’’ le roman, en recourant aux dialogues philosophiques et ambigus.
Driss Maliani : «certaines traductions arabes de Dostoïevski sont soient mauvaises ou commerciales»
Le poète, écrivain et traducteur Driss Maliani, comptant à son actif 17 livres traduis du russe à l’arabe, a souligné que Fiodor Dostoïevski est l’un des génies de la littérature et de l’art en Russie et dans le reste du monde. C’est un penseur, poète, philosophe, savant, dit-il, ayant influencé et marqué beaucoup de plumes et de philosophes dans les quatre coins du globe. Pour le traducteur, Dostoïevski, qui doit son succès au poète Pouchkine, est un romancier qui place humain au cœur de sa littérature et de son roman polyphonique. «La critique russe avait mal compris son génie, son style d’écriture et ses personnages complexes», a-t-il fait savoir. Pour ce qui est de la traduction, Maliani a pointé du doigt sur certaines traductions arabes de Dostoïevski qui sont la plus part du temps, selon ses dires, soient mauvaises ou commerciales. «Il faut revoir un bon nombre de traductions arabes faites par le bais des langues intermédiaires; ce sont en effet des traductions parfois réductives manquant de pertinence, de fidélité.», a-t-il affirmé.
Mohamed Lahbabi : «Dostoïevski a été séduit par la personnalité du prophète Mohamed»
Mohamed Lhbabi, professeur universitaire, a mis l’accent, quant à lui, sur la place de l’islam dans les travaux de Dostoïevski. Ses œuvres en relation avec l’islam, a-t-il rappelé, non pas eu beaucoup d’intérêts ni de place dans les analyses, les critiques et les recherches des critiques, des chercheurs parce que Dostoïevski était connu, pour certains, comme psychiatre qu’écrivain. Selon Lhbabi, Dostoïevski a été séduit par la personnalité du prophète Mohamed. «Il s’est intéressé à l’Islam quand il était dans la prison. Dans son roman «Le Double» a évoqué le prophète Mohamed qui est pour Dostoïevski un exemple à suivre», a-t-il souligné.
Ahmed Assid : Dostoïevski, le génie!
Pour le poète et écrivain, Ahmed Assid, l’univers de Dostoïevski est très vaste. Il est, dit-il, l’un des romanciers prolifiques au niveau philosophique notamment dans la construction des personnages, mais aussi dans le rapport entre le lecteur et le texte. «Il y a un génie dans le texte et les techniques d’écriture du romancier qui mise sur le personnage simple, marginal, réaliste et sincère qui interpelle et attire l’attention du lecteur. La personnalité de ce dernier trouve un prolongement dans le roman», a-t-il indiqué.
Dans son intervention, Lotfi Barji, professeur universitaire et chercheur, a présenté un diagnostique sur le rapport de certains lecteurs marocains, surtout les étudiants, avec les écrits et livres de Dostoïevski. «Il y a une problématique qui se pose chez les lecteurs marocains qui ont constaté que l’auteur explique et décrit longuement ses personnages marginaux ; chose qui agacent les étudiants.», a-t-il souligné. Ont participé également à cette table ronde, Mohamed Fikri, président de l’Association marocaine des lauréats des universités de l’ex-Union soviétique, Fatima El Abdi, professeur et Khalid Rahel, professeur chercheur.
Une vie, une œuvre…
La journée consacrée à Dostoïevski a été marquée par l’exposition intitulée «F. Dostoevski 200 ans de sa naissance» où les timbres postes des écrivains et poètes russes ont été accrochés sur les cimaises de la BNRM. Cette exposition retraçant la vie et projetant les lumières sur les œuvres de Dostoïevski a été préparée par le musée mémorial littéraire Dostoïevski de Saint-Pétersbourg. Au menu, des documents, des photos, des citations tirées de ses livres et des correspondances dévoilant de près son parcours littéraire si riche et sa vie d’auteur. Une enfance à la capitale, Moscow, en passant par une période d’études à l’école d’ingénieurs à Saint-Pétersbourg , jusqu’à la publication des romans : «du Grand Pentateuque», «Crime et châtiment», «l’idiot», «les démons», «l’adolescent» et «les frères Karamazov», l’exposition donne à voir l’univers romanesque de Dostoïevski par le bais de lithographies, de photographies remontant au XIXe siècle en copies numériques appartenant aux collections du musée Dostoïevski, ainsi que celles du musée littéraire de la maison Pouchkine.
Il n’y a pas mieux que la musique classique pour clore en beauté cette soirée sur les mélodies et morceaux de Mozat, Brahms, Beethoven, Tchaikovsky revisités par le «le Quator Accorde de Rabat».