«Confinez-vous ! Il y va de votre vie et celle de votre entourage»

Hamid Addi: la santé n’a pas de prix, témoignage

Par  Hamid ADDI,Avocat à la Cour

Des suites semble-t-il, d’une grippe foudroyante, qui a duré pendant plus d’une semaine et ayant présenté, les symptômes suivants : de fortes céphalées, une température qui oscille entre 39,5 et 40,5, une asthénie généralisée, une gène respiratoire, liée certainement à mon asthme et à mon tabagisme. Des courbatures, des douleurs thoraciques accrues sans irradiation des épaules (pour écarter toute hypothèse d’infarctus du Myocarde), une sorte de pharyngite,  des douleurs articulaires aiguës et enfin une petite toux sèche mais très légère. J’ai d’abord contacté tous les numéros verts. Mais pour ce qu’est de la ligne réservée au Coronavirus, je n’ai eu aucun répondant. Devant cette absence inique de retour, j’ai mis ma djellaba d’infortune, des babouches et une écharpe pour couvrir mon nez et ma bouche  au cas où !!!!!

Téméraire comme à l’accoutumée, je prends ma voiture  avec 39,5 de fièvre et je me rends à l’Institut Pasteur. Sur place, le vigile me conseille de faire le prélèvement auprès du Laboratoire Internationale d’Analyses Médicales («LIAM»), sis Boulevard Abdelmoumen. Je le contacte d’aussitôt. Pas de bol ou tant mieux.  Ce même jour, le ministère de la Santé leur a retiré l’accréditation pour effectuer les tests du coronavirus. Etant d’une curiosité débordante, j’ai demandé à la secrétaire dudit laboratoire, le prix pour effectuer un test. Deux mille cinq cents dirhams (2.500 ,00 MAD). Ma foi, dis-je,  fort excessif pour nous le commun des Marocains. Peut-être,  est-ce destiné exclusivement à une clientèle haute gamme ?

Ensuite, j’ai été redirigé vers le CHU Moulay Youssef. Tant mieux ! J’ai un mal pour un bien. Si j’ai quelques complications peu importe, je serai assisté par les médecins de l’hôpital public. J’aurai certainement un («I.N.P») identifiant national du patient, et ils auront mon historique et mes antécédents. Après un bref examen expéditif qui n’a duré en somme que 3 minutes, le médecin de l’hôpital du CHU de garde cette matinée du samedi,  m’a mis pendant 8 jours sous antibiothérapie à dose de cheval (augmentation à raison de 3  grammes par jour), du paracétamol, un sirop pour la toux (en l’occurrence Brufen, totalement contre-indiqué en ce sens)  et de vitamine C. Il pose comme diagnostic, une grippe virale. Etant fils de médecin et m’intéressant de très près à la médecine depuis mon enfance, je lui dis que pour une grippe virale, on prescrit du paracétamol et de la vitamine C. Il me répond : «prenez le traitement et vous irez mieux !» .Ceci étant,  je lui ai clairement dit que j’avais reçu une semaine auparavant plusieurs clients étrangers dans mes locaux. Il me répond de la manière suivante: «vous n’arrivez pas de l’étranger». Et par voie de conséquence, vous ne faîtes pas partie de la grille établie par le ministère de la santé pour vous effectuer un test.

J’ai suivi ses recommandations et me suis bien évidemment confiné chez moi en prenant le traitement prescrit. Aucune once d’amélioration !!! Dimanche soir, j’ai décidé de quitter le domicile familial, et me suis installé chez moi en confinement total pour protéger ma famille. La nuit de lundi à mardi, j’étais à 40,7 de température avec des sudations conséquentes et la plupart des deliriums y liés. Mardi 17 mars 2020, je me suis rendu de nouveau mais dans un piètre état aux urgences de l’Hôpital du CHU Moulay Youssef. Ce n’est qu’après une longue discussion avec deux remarquables médecins, et après les avoir informés, que j’avais reçu dans mes locaux des clients étrangers une dizaine de jours auparavant, je les ai bien évidemment salués sans me laver et/ou me désinfecter les mains après. A vrai dire, je n’ai pas suivi l’évolution du Covid-19. Je trouvais que les gens en faisaient trop, à telle enseigne que j’évaluais cela comme une psychose générale.

Du coup, après un  appel téléphonique passé par les deux médecins qui m’ont revu au CHU, à un certain Docteur Chraïbi à Rabat, certainement responsable de la cellule de crise auprès du ministère de la santé, j ai été admis au CHU Moulay Youssef, à 8h30 du matin. Il convient de souligner que l’état et le cadre des urgences du CHU à drastiquement changé entre samedi matin et le mardi. On m’a demandé de garder mon téléphone allumé. La pneumologue n’a eu aucun contact avec moi, le simple échange a été d’ordre téléphonique. Au fur et à mesure, elle vous pose des questions quant à vos symptômes et vos pathologies, tout en remplissant son formulaire!!!! C’est à ce moment bien précis, qu’apparaissent des infirmiers entièrement vêtus pour les circonstances. On aurait dit des cosmonautes (…).

 On m’a installé dans une chambre stérile avec eau chaude, double vitrage et confortablement équipée. Quelle fût ma surprise, à la découverte de cet espace de confinement. Tout était on ne peut plus impeccable, correspondant réellement aux normes internationales. Aucun contact avec qui que ce soit, car le personnel infirmier vous assiste par téléphone au besoin. Et on ne manque de rien. Ils sont aux petits soins. Par ailleurs, ce qui m’a marqué ce jour, c’est une femme avec son bébé de 2 ans qui était en totale panique. Peut-être est-elle claustrophobe ? Quoi qu’il en soit, j’ai essayé de la calmer avec des mimiques en lui conseillant une respiration profonde pour qu’elle reprenne ses esprits. Chose faite, elle a essayé tant bien que mal de savoir depuis quand j’étais enfermé et si j’avais passé la nuit dans ladite chambre. Je lui ai dit qu’on m’a mis en isolation vers 11 h et que s’il faille que je demeure dans cette chambre 15 jours de plus, je le ferai pour mon bien-être et celui des personnes qui m’entourent.

 Je suis mis en isolation jusqu’à 21h30. Le médecin et/ou l’infirmer en chef me dit : «Levez-vous Dieu est Grand. Grâce au Tout-Puissant, les résultats du Virus Coronavirus, dit Covid-19 se sont révélés négatifs. Vous êtes réellement un miraculé». Tant mieux pour moi et les miens. Je ne saurais vous décrire ce que mes propres yeux ont vu sur place ce jour. Je préfère garder cela pour moi par respect à la dignité humaine. Je tiens à remercier toute l’équipe du CHU Moulay Youssef pour leur professionnalisme et bienveillance. Mes vifs remerciements s’adressent aussi à la  pneumologue, cheffe de service des maladies infectieuses. Je lui rends hommage par la présente ainsi qu’à toute l’équipe. Qu’elle soit assurée de ma gratitude et ma reconnaissance.

Je tiens également à saluer les médecins du secteur privé qui continuent d’exercer en ces moments critiques, et qui mettent leur vie, et celle de leur entourage en jeu, et à leur tête leur doyenne.  Si vous me le permettez, ma mère, le Docteur Leila Sekkat, docteur d’Etat en médecine diplômée de la faculté de médecine de Montpellier, 4e femme médecin au Maroc, exerçant son art, depuis 1972 avec amour et abnégation, dans un quartier populaire à Casablanca. Je lui rends hommage ce jour, et lui souhaite une longue vie personnelle et professionnelle. Mes plus vifs remerciements s’adressent également à Sa Majesté Le Roi Mohammed VI, le monarque visionnaire qui a été salué de toutes et tous, et qui a su brillement gérer cette crise sanitaire avant l’heure aux fins de limiter des dégâts collatéraux.

De manière hasardeuse, deux journalistes du journal électronique Febrayer.com m’ont proposé de faire un reportage en ce sens. J’ai bien évidemment répondu positivement en vue de sensibiliser nos concitoyens sur le désastre que pourrait causer un virus aussi résistant. Enfin, et pas des moindres, trois médecins différents : le Docteur Loubna Khayar, le docteur Hakam, le Docteur Moreno, qui m’ont clairement dit ce qui suit : «vous êtes un revenant, vous avez développé le virus dit COVID-19. Il s’est révélé négatif lors du dépistage nasal. Si l’équipe qui  vous a pris en charge avait poussé les examens en amont, avec notamment un prélèvement au niveau de la flore intestinale, il se serait révélé positif». Aujourd’hui, grâce à Dieu je me porte mieux, Alhamdoulilah. Je suis toujours mon traitement puisque j’ai développé quelques séquelles liées aux céphalées, particulièrement l’oeil gauche avec œdème et baisse de l’acuité visuelle, en espérant que tout rentre dans l’ordre dans une dizaine de jours.

La santé n’a pas de prix. Le seul conseil que je peux vous donner, si vous le permettez, est le suivant : «confinez-vous ! Il y va de votre vie et celle de votre entourage».

Hamid Addi, Avocat, relate son expérience d’une journée au sein du Service des Maladies Infectieuses de l’Hôpital Moulay Youssef à Casablanca.

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