Hassan Aboutayeb, expert en tourisme et développement durable
Le chèque-vacances constitue une des pistes censées insuffler une nouvelle dynamique au tourisme interne à travers un soutien indéniable au pouvoir d’achat du touriste national et la lutte contre l’informel. Dans un entretien à la MAP, l’expert en tourisme et développement durable, Hassan Aboutayeb, explique le fonctionnement de ce mécanisme expérimenté ailleurs, en Europe.
En quoi consiste le mécanisme des chèques-vacances ?
Les chèques-vacances sont des titres de paiements qui servent à financer des dépenses liées aux vacances (transport, hébergement, restauration, activités culturelles et de loisirs). Ces titres ne peuvent pas servir à l’achat de biens de consommation ou autres. Ils sont généralement accordés pour aider les salariés ayant un pouvoir d’achat limité et également pour encourager le tourisme.
Le salarié paye une partie des chèques vacances et l’entreprise se charge de l’autre partie à raison de 50% jusqu’à 80%. Ces chèques sont exonérés des charges fiscales et sociales en plus d’être déductibles du bénéfice imposable. Pour les employeurs, ils permettent de motiver et fidéliser les salariés et de consolider la culture de l’entreprise.
Cette compensation existe en Europe depuis plusieurs dizaines d’années. En France, par exemple, elle est offerte à près de 10 millions de personnes avec une dépense moyenne du consommateur de 380 euros par séjour ou même des visites culturelles sur la journée.
Quelles sont les perspectives de l’application de ce mécanisme au Maroc et sa contribution à l’émergence d’un tourisme interne solide face à des flux de visiteurs étrangers en berne?
La mise en place des chèques vacances au Maroc est tout à fait envisageable. Elle représente l’une des doléances des professionnels de tourisme depuis plusieurs années.
Malheureusement, les pertes en tourisme à cause de la crise sanitaire liée à la pandémie du nouveau coronavirus (covid-19) ne pourront pas être compensées par le tourisme interne. Cependant, ces chèques pourraient favoriser un départ en vacances pour près de 2/3 de la population marocaine qui séjourne généralement chez la famille ou louent des appartements meublés.
Les flux touristiques seraient ainsi réorientés vers les hébergements touristiques classés y compris dans le milieu rural (gîtes et auberges, etc). A cet effet, le budget voyage serait amplifié et la durée moyenne de séjour allongée tout en appuyant un secteur touristique en pleine crise.
Les chèques-vacances peuvent être initiés dans un premier temps par le secteur public et les grandes entreprises privées de plus de 80 employés. Pour ces dernières, il serait judicieux d’implémenter des avantages fiscaux afin de les encourager à offrir ces chèques. Bien entendu, l’adhésion à ce système doit être réalisée sur la base du volontariat que ce soit pour les employeurs ou les employés affiliés à la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) ou fonctionnaires de l’Etat.
Quel soutien pour le pouvoir d’achat du touriste national ?
Il est clair que
la mise place des chèques vacances va participer considérablement à augmenter
le pouvoir d’achat des touristes marocains car elle participera à financer au
minimum 50% du coût des vacances.
Par conséquent, les Marocains voyageront plus souvent pour des durées de séjour
plus longues et pourront se permettre de partir en famille. La réalité
aujourd’hui est que les familles, en particulier celles qui sont nombreuses,
restent chez elle alors qu’elles participent grandement à l’économie du
Royaume. Nous avons besoin d’une véritable politique de tourisme social et
solidaire via des partenariats public-privé et tissu associatif.
Il sera question de proposer des formules avec un bon rapport qualité/prix tout en intégrant des valeurs éthiques, durables, de respect de l’Environnement, car qui dit social et solidaire dit aussi respect des lieux.
Les collectivités territoriales seront les premières gagnantes car cela va renforcer considérablement le développement territorial et notamment en milieu rural. De plus, cela va participer à réduire l’informel qui est un fléau dans nos destinations touristiques.