2018

Par : Abdeslam Seddiki

Une année vient de s’achever, une autre commence. Ainsi va la vie. Jamais d’interruption. Pour beaucoup de gens d’ailleurs, tellement les années se suivent et se ressemblent qu’ils n’arrivent  pas à se rendre compte de ce passage  en attendant des jours meilleurs. Et au-delà du caractère festif qui accompagne généralement cet événement, les messages de sympathie et de communion qui  meublent les réseaux sociaux et autres, les vœux de bonne année adressés de part et d’autre, ce qui est en soi positif et donne un sens à la vie en communauté, l’avènement d’une nouvelle année est l’occasion de dresser les bilans et de prospecter l’avenir.  Car tous les comptes, tant publics que privés,  sont arrêtés au 31 décembre de chaque année.  L’heure est donc aux bilans. Le pluriel est utilisé à dessein.

Il y a plusieurs bilans à vrai dire : un bilan économique, un bilan social, un bilan financier… Et plus on va dans les détails, là où réside le diable,  plus la tâche devient complexe.  Essayons de voir comment se termine  l’année 2017 avant de jeter un regard prospectif sur la nouvelle année. Pour 2017, notre pays s’attend à faire une «bonne récolte» en réalisant un taux de croissance qui dépasserait vraisemblablement les 4% contre 1,6% réalisés en 2016.

Cette hausse s’explique essentiellement par la progression de la production  agricole de 15 %, car les activités non agricoles n’enregistreraient qu’une croissance modeste de 2,5%. Le déficit budgétaire  se situerait à moins de 4% poursuivant ainsi son trend baissier.  L’inflation demeure inférieure à 2%. La dette du Trésor se stabilise autour de 64 % et la dette publique globale dépasserait de peu les 80%. Globalement, on considère que les fondamentaux de l’économie sont dans un état relativement sain même si il ya lieu de s’en inquiéter et ceci à deux niveaux d’analyse au moins.

Le pays est fortement pénalisé par son ouverture sur l’extérieur et il est loin de tirer profit des « opportunités » offertes par la mondialisation.  Ainsi, la contribution de la demande extérieure à la croissance resterait toujours négative malgré une légère amélioration prévisible pour 2017. La croissance est essentiellement tirée par la demande intérieure (consommation des ménages et  investissement) qui y  contribuerait  pour 4,3%.

Corollaire de cette anomalie, on assiste à une aggravation du déséquilibre de la balance commerciale qui représente aujourd’hui 20% du PIB pour se situer à 200 milliards DH, soit 4 fois plus son niveau en 2000. Qui plus est, les activités exportatrices, dont on loue les performances, recourent largement au marché extérieur pour s’approvisionner en biens intermédiaires. Alors qu’elles exportent en moyenne 37% de leur production,  elles satisfont leurs besoins à hauteur de 38% du marché extérieur. On est ainsi dans une situation de vases communicants.  Tout ceci rend fragiles les équilibres macro-économiques dont on se targue par ailleurs. Situation qualifiée par le HCP de «pseudo situation de stabilité macro-économique»!

Toujours est-il que ces résultats ne devraient pas être cantonnés dans la logique de «Robinson Crusoé» qui cherche à maximiser son utilité dans son ile isolée,  mais plutôt les voir par rapport à leur impact sur la vie des citoyens et se poser cette question lancinante et gênante à la fois : qui profite des résultats de la croissance et comment est partagé notre gâteau national ? Ce qui nous amène à (re)poser la question sociale.

Force est de constater que les indicateurs sociaux ne s’améliorent pas d’une façon substantielle et visible.  Le chômage, surtout des jeunes, persiste voire s’aggrave. Une économie importatrice ne fait que créer des  emplois de qualité  à l’extérieur et des emplois précaires à l’intérieur.  La grogne sociale monte partout et touche essentiellement les régions qui ont souffert de la marginalisation et du manque de services publics de qualité. Le dialogue social, de nature à apaiser la situation, a connu une année blanche si l’on excepte une ou  deux réunions de prise de contact et de courtoisie.  L’extension de la couverture sociale aux non-salariés et aux professions libérales  avance à pas de tortue, ce qui risque de tuer dans l’œuf tout  l’espoir ouvert par ce chantier social d’envergure…

Ce sont autant de défis qui se posent pour la nouvelle année qui commence, auxquels viendraient s’ajouter, malheureusement,  les caprices du ciel.  Il faut retrousser  sérieusement les manches et relever la cadence du travail en libérant toutes les initiatives et en mobilisant toutes les forces vives de la Nation. Les attentes pour 2018 sont immenses.  Va-t-elle être meilleure que  celle qu’on vient de laisser derrière nous? Il faut toujours l’espérer…

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