Le Maroc, est-il une nation moderniste? En voie de la modernité, rectifieraient d’aucuns. Ni l’un ni l’autre, rétorqueraient d’autres! Le dilemme est d’autant plus accentué qu’il s’affronte à de cuisants revers, dans le vécu quotidien. On a beau brandir l’étendard de la liberté pour tous, notamment au lendemain de la mise en place de la loi suprême, notre pays continue à sombrer dans les hiatus de la pratique.
Le contraste entre le slogan et le tangible est criard, en dépit de la solennité du texte et du contexte. Dans la foulée, le Maroc a adopté, après cumulations de rudes ébauches, la plus étoffée des constitutions de son histoire. Certes, nombre de zones d’ombre constituent constamment des fausses notes dans un document résolument tourné vers l’instauration des principes des libertés, à l’image du non-entérinement du concept de l’Etat civil, farouchement avorté par les forces conservatrices qui menaçaient, à l’époque, de «descendre» dans la rue, en cas de contrariété.
Malgré alors cette éminence constitutionnelle, préconisée et protégée par les hautes sphères de l’Etat, des archaïsmes aigus continuent à sévir dans une société effervescente. On confondra sans scrupule les manies malsaines des pervers au sujet desquels la loi est répressive et les libertés individuelles, bafouées au grand jour.
En fait, de quelles libertés individuelles parle-t-on alors ? Pis encore, on notera non sans indignation, que sur des façades de lotissements, les syndics ont le culot de transcrire «réservé aux familles !», tout en chargeant le concierge d’interdire à quiconque d’y accéder, sous quelque prétexte que ce soit, au lieu de vaquer à des tâches domestiques (gardiennage, jardinage, stationnement…). De quel droit se permet-on de se comporter de la sorte ? Inutile de rappeler que ces unités de logements sont, pour la plupart, «infestés» par des barbus qu’ils transforment en ghettos générateurs de voix électorales. Il y a lieu, en revanche, de constater que le projet «d’habitat réservé aux jeunes», dans le cadre de la politique de la ville, conforterait le calvaire des célibataires, même si la conduite des enclos pour familles est blâmable. Le principe des libertés est alors quotidiennement piétiné, sans que les partis politiques, particulièrement ceux de la modernité et du progrès, ne pipent mot, face à ces transgressions. Du pain sur la planche pour préserver ces libertés, dans une nation qui se proclame, du moins sur papier, adepte du modernisme.