La pièce de théâtre « IL » de Driss Ksikes
Par Idriss TEKKI – MAP-
Dans sa pièce de théâtre intitulée « IL », en représentation depuis novembre dans un théâtre parisien, l’écrivain et dramaturge marocain Driss Ksikes raconte une histoire bouleversante à la fois contemporaine et intemporelle.
Sur une mise en scène de Malika Zirari, le spectacle, sous forme de six tableaux, transporte le public dans un voyage époustouflant, à travers le quotidien de six personnages retenus dans un lieu clos, hantés par les fantômes du passé et qui luttent pour s’arracher à une existence de servitude.
Il s’agit de trois hommes et de trois femmes qui habitent un lieu souterrain cerné par un mur infranchissable où ils y vivent écrasés sous le poids de leurs humiliations et obsédés par les souvenirs d’un passé peu glorieux.
Leur quotidien est scandé par les séismes du monde supérieur et hanté par ‘’IL’’, puissance invisible et inaccessible qui les domine.
Les protagonistes ne connaissent ‘’IL’’ que par la voix de son supposé messager Ilan dont l’existence est carrément mise en doute par certains des personnages, qui rêvent de briser ce mur qui les empêche d’accéder au monde des terriens et de ne plus courber l’échine.
Mais pour quitter ce bas-monde, ils sont mis au défi de trouver, en six jours, la clé qui leur ouvrira la voie d’un monde supérieur.
Et afin d’accentuer leurs angoisses, Ilan les invite à chercher tout d’abord la clé à l’intérieur de chacun d’entre eux, dans ce qui s’apparente à une invitation à une introspection des protagonistes.
La pièce, brillamment interprétée en alternance par les comédiens Fred Aklan, Jeremy Assoun, Khadija Azizi, Alexandra Burais, Céline Crespy, Laura Dallo, Rémi Deswarte, Mathieu Gordien, Thaïs Moreau, Quentin Nicolet, Lorena Negrescu et Guy Vareilhes, de la compagnie Kalimate, créée par Malika Zirari, capte l’attention dès le départ.
L’intrigue est complète et le spectateur est conquis dès le début de la pièce par la crudité de la scène. Il se retrouve face à six figures immobiles toutes vêtues de noir et au visage défiguré. Dans une ambiance rythmée par les murmures des personnages qui se chuchotent cachés, chacun, derrière l’une des six figures, le public est d’emblée engagé dans ses propres réflexions.
Porteur d’une forte charge émotionnelle et à la faveur aussi d’une mise en scène originale et sublime, le spectacle invite à la méditation sur nombre de questionnements, notamment d’ordre existentiel, à travers les histoires personnelles racontées par les protagonistes.
Avec une mise en scène qui puise dans une véritable originalité et des comédiens qui portent à merveille non pas seulement des personnages, mais aussi des pans entiers de l’être humain, avec une sensibilité et une émotion débordantes, le spectacle se veut inoubliable.
Face à l’adversité et au sentiment d’oppression dans un lieu sombre éclairé par les néons où ils sont retenus, les personnages se parlent sans se regarder. Se considérant des “sous-hommes” ou “des bons à rien”, ils se veulent transparents en se livrant à des confidences sur leurs déboires avant de se trouver coincés sous l’emprise de « IL ».
Dans cette ambiance troublante, ils s’interrogent aussi sur leur capacité à retrouver un place dans le monde d’en haut, où conflits armés, misère et hypocrisie humaine sont les maîtres mots, encore faut-il qu’ils parviennent à se libérer du joug de « IL ».