Créer un fonds spécial pour le cinémanational amazigh au niveau des régions

A cœur ouvert avec Rachid Bouksim, directeur du festival international amazigh  

Préparé par Saoudi El Amalki

La 15ème édition du festival Issnin Ourghinternational du film amazigh d’Agadir revient cette année encore avec plus d’enthousiasme,à la grande joie des adeptes du septième art, mais également des défenseurs de la culture amazigh. Appuyé par le conseil de la région du Souss Massa, la commune urbaine d’Agadir et l’Institut Royal de la Culture Amazigh (IRCAM), le FINIFA que s’ingénie d’organiser sans répit, il y a quasiment deux décennies, l’association initiatrice de cette activité dont l’ampleur est en passe d’embrasserl’universalité, à travers l’incorporation et la diversité des projections mondiales, donne rendez-vous avec ses fans, à partir du 11 septembre jusqu’au 15 du mois prochain. Ce serait sans doute, des moments de partage,de plaisiret de passion que procurel’événement de haute intensité aux cinéphiles et experts aguerris du cinéma mais aussiauxlarges masses des affluences. C’est pareillement une occasion de mettre le point sur le niveau de qualité de la production du cinéma amazigh et dela propagation de la culture etl’amazighité, en généraldans l’éventail culturel et artistique du royaume, en vue de concrétiser l’originalité et l’authenticité de diversité linguistique tel queratifié expressément dans la Constitution de la Nation. Cette tradition de cinéma amazigh qui s’incruste dans la région Souss Massa et son chef-lieu qu’est Agadir, contribue de manière foncière à la vulgarisation du cinéma amazigh, en drainant un public pléthorique aussi bien de nombre de contrées du pays que des coins de la planète. Cette notoriété marquée par la constance du festival et la résilience de ses initiateurs dont deux militants qui émergent du lot à savoir, Rachid Bouksim, directeur actif et créatif du festival, en compagnie de son ami fidèle, laborieuxRachid Moutchou, président l’associationorganisatrice et bien d’autres. En vue d’en savoir plus sur cette 15ème manche du festival, le confrère, du alter ego Bayane Al Yaoum, Houcine Echaabi a fait appel à Rachid Bouksim, son directeur qui a voulu accorder l’entretien ci-après :

Vous êtes au compte à rebours du coup d’envoi du festival Issni nOurghdans sa 15 ème édition. Sans doute, les préparatifs vont-ils bon train, voulez-vous nous approcher du programme général au niveau des films en compétition ainsi que les activités parallèles ?

Rachid Bouksim : Tout d’abord, permettez-moi de vous dire que nous considérons la 15 ème manche du festival comme un point de tradition, après 18 ans de travail persévérant pour la  promotion et la divulgation du cinéma amazigh tant à l’échelon du Maroc qu’à celui dumonde. Cette année, le festival revêt aussi un cachet spécifique, puisqu’il célèbre 30 ans de la naissance du cinéma amazigh marocain qui a connu l’apparition du film historique :« Tamrhart n ourgh ». En cette occasion, je voudrais bien rendre hommage au réalisateur Lahoucine Bizgarne, tout en lui souhaitant prompt rémission. De même, je tiens à saluer le producteur Saïd Boussiphone pour leur abnégation inébranlable. L’an 2024 incarne également la seconde année de l’insertion du concours international au sein du menu du festival, ce qui représente une initiative que nous trouvons très enrichissante. Nous avons reçu plus d’une centaine de films de toutes les parties de la planète et de ce fait, l’opération de la sélection fut âpre, au côté des critères artistiques et esthétiques. La commission des choix a tenu en compte l’importance de la préservation de l’aspect identitaire amazigh qui constituele cœur et l’esprit du festival et, sur ce nombre de films ont été éliminés pour des motifs déterminés.

A partir de cette programmation, en quoi se distingue la 15 ème manche du festival Issni n Ourghpar rapport a ses  précédentes ?

 Cette édition présente 35 films répartis sur de courts et longs métrages, ainsi que des films imaginatifs et documentaires qui s’articulent autour de 3 compétitions : amazigh, mondial et spéciale au prix de la culture amazigh avec la collaboration de l’IRCAM. Les thématiques proposées en cette édition sont diversifiées et attractives, englobant l’histoire, lamémoire et l’environnement, avec une forte participation de femmes réalisatrices. Les films participants varient entre des pays comme le Canada, la Chine, le Maroc, l’Algérie, la France, l’Arabie Saoudite, l’Argentine, le Bahreïn, l’Arménie, l’Italie, l’Allemagne… Le jury se compose de personnalités diverses reflétant la diversité culturelle de cette édition. Cette année, nous présentons au public une édition unique et inventive et le festival FINIFA reste un espace notoire pour découvrir la culture amazigh et la célébrer, tout en ouvrant une fenêtre sur les cultures du monde à travers le 7 ème art.

Votre festival (FINIFA)comporte plus d’une compétitiondont l’une est amazigh et l’autre est internationale même si elle n’est pa amazigh, quoique le festival Issni n Ourgh soit de nature exclusivement amazigh. A votre sens, cette combinaison ne causerait-elle pas une certaine parasite sur l’identité du festival, comment pouvez-vous expliquez cette dualité ?

L’organisation du festival avec 3 catégories de compétitions n’est pas chose aisée. Nombre de festivals mondiaux qui ont réussi dans ce sens constitue une source d’inspiration pour nous. Le point commun qui réunit les trois catégories c’est le langage cinématographique et l’amazighité est partie prenante de cette diversité universelle, comme c’est le cas pour les peuples autochtones aux deux Amériques et les habitants autochtones en Australie, les kurdes, les arabes au Golf persique et autres.  Nous partageons des valeurs identiques, mais chaque peuple à son propre rythme. Exemple, nous sahraoui et peuples du Sahara, nous vivons sur le rythme du temps, alors que les peuples du nord vivent conformément au rythme de leur horaire. Finalement, c’est la même vérité mais la conception diffère. C’est la raison pour laquelle, la présence de nombre de compétitions dans le festival Issni n Ourgh est un plus précieux pour nos jeunes et notre public voire notre pays en général.

Comment trouvez-vous l’état du cinéma amazigh actuellement aussi bien au plan de la production et la quantité qu’au plan de la créativité et la qualité ? Pensez-vous qu’il progresse ou régresse ?

Malgré le fait que le Cinéma Amazigh manque de stratégie claire de la part des responsables sur le secteur culturel, il s’ingénie à assurer un rang dans l’échiquier artistique national. Des jeunes créateurs ont opté pour le web pour diffuser leurs ouvrages, ce qui mérite tous les éloges, mais il reste insuffisant et ne fournit guère d’utilités escomptées sur le long terme. Le YouTube n’est pas une tribune d’opinions, mais aussi un espace à profit mercantile. Le festival national du film demeure en fait, le seul endroit où il est possible d’assister,par son biais, au produit national en ses multiples langues : amazighité, Hassani, dialecte… l’Etat a initiéune judicieuse action, en appuyant la culture Hassanipar la création d’un fondsafin de soutenir la production qui jette l’éclairage sur cette culture. Cependant aujourd’hui, il est temps que l’Exécutif  prenne une nouvelle démarche relative à la célébration de cette diversité culturelle, à travers la création des fonds régionaux pour l’appui du cinéma, en mettant l’amazighité au cœur de ce projet. Les producteurs amazigh sont totalement épuisés de se prendre en charge par leurs propres ressources, tandis que le soutien étatique est aux abonnés absents. Il est donc nécessaire de créer un fonds spécifique au cinéma amazigh pour encourager et motiver les producteurs et les réalisateursà narrer les histoires du pays. Au Maroc, le nombre des vrais producteurs est limité, puisque la majorité se focalise sur la présentation des services ou des rôles de producteurs exécutifs. En dépit de tout cela, l’identité amazigh est une richesse n’a pas de prix et pour que le Maroc se distingue sur la scène internationale, il va falloir promouvoir cette culture féconde qui constitue l’une de ses forces majeures,

Dans doute, votre festival s’impose en tant que festival de cinéma thématique sur le paysagedu mouvement de cinéma. Quels sont vos paris à présent, après une décade et demie d’expérience ? Quelles seraient vos contraintes inhérentes aux aspects d’organisationnel,decommunication et de finances, eu égard à la multiplicité des partenaires et à l’ascendance de votre expertise ?

Comme précédemment indiqué, le festival qui atteint la quinzième édition, après dix-huit ans d’existence, nécessite chaque année des demandes de soutien, des sociétés, parrains… Si nous voulons vraiment participer à faire évoluer notre culture et notre nation, il faut que ce festival se poursuive, sinon il serait plus convenant de jeter les clés sous la paillasson. Hélas, la même problématique se perpétue, depuis déjà la première édition. Parfois, la responsabilité incombe aux décideurs, mais parfois encore, c’est nous qui sommes pointés du doigt. A coup sûr, il existe des centaines de festivals qui nécessitent de l’intérêt, mais la tentative de satisfaire tout le monde sans nuls critères ni paramètres professionnels logiques est une peine vaine. Le cinéma comme tout autre événement culturel, nécessite de gros moyens. C’est une opération permanente sur toute l’année et la plupart des membres des troupes œuvrant dans les festivals sont des volontaires. Ce dont j’ai vraiment peur, c’est que l’engouement s’estompe et que ces gens finiront par renoncerà l’action de volontariat dans l’avenir.Une autre problématique dont font face les créateurs et les organisateurs des spectacles, c’est bien la gratuité de l’offre culturelle. A mon sens, il faudrait proscrire ce phénomène nocif et revoir les statuts au pays pour renforcer notre culture.Comme on paie le ticket pour assister à un match de football, il sera obligatoire de payer le prix de billet pour voir un film, un show musical ou une pièce de théâtre. Le secteur privé devra aussi s’investir dans le secteur de culture, à travers des avantages fiscaux. 

Comment voyez-vous l’apport de l’art de cinéma à l’identification et la valorisation de la culture et les arts amazigh, ainsi que le rayonnement et la généralisation de ce qui s’est réalisé comme acquis et ce qui est encore en suspens au niveau des attentes en terme de droit linguistique et culturel ?

Pour répondre à votre question, je pense que la constance de l’existence de l’amazighitéà présent, revient aux efforts de nos mères et tous les intellectuels et les artistes amazigh, soit reconnus ou non. Par exemple, les artistes de Royaiss ont présenté un chef-d’œuvre de toute exception et les créateurs amazigh l’ont films dans des lieux attrayants. Mais, cette œuvre était victime de calamité naturelle ou à l’intervention humaine. Il faut bien dire que la radio amazigh a joué un rôle important et il ne manquera pas de saluer vivement les acteurs pour leur engagement. Aujourd’hui, la langue amazigh s’est officialisée et il nous est loisible maintenant de poursuivre la création et la narration des histoires. Et comme on dit, il y a des choses que nous ne pouvons exprimer par des mots, ce qui implique que l’image exerce une forte influence en communication, en dialogue et en échange…

Top