Dossier médical partagé
Ouardirhi Abdelaziz
Le Maroc enregistre de grands progrès concernant le système national de santé. Ces avancées concernent plusieurs domaines, les infrastructures, les équipements, les ressources humaines, la qualité des soins, le médicament, le budget, la gestion, la planification, l’accueil des malades. Leur prise en charge et leur suivi, sont autant d’étapes importantes qui exigent une traçabilité, et des outils modernes de gestion pour assurer, accompagner et garantir une meilleure prise en charge médicale des patients.
A cet effet, l’ancien ministre de la Santé, le professeur khaled Ait Talab avait lancé un marché de près de 190 millions de DH, celui-ci devait permettre de mettre en place un système informatisé intelligent avec comme finalité un dossier médical partagé.
Sitôt arrivé, installé, le nouveau ministre de la Santé Amine Tahraoui, a pris la décision de mettre en stand by, en veilleuse le projet de son prédécesseur. Comment doit-on interpréter cet arrêt soudain d’un projet destiné à mettre un terme, à en finir avec la lourdeur administrative des dossiers physiques, et ouvrir la voie à un system de santé intelligent.
Un enjeu de santé publique
Le dossier médical partagé (DMP) répond à un enjeu de santé publique, il permet pour les médecins du public, comme ceux du privé , de disposer de la bonne information, au bon moment, où que ces praticiens exercent, où ils se trouvent au niveau de toutes les régions du Maroc, au nord, au sud, à l’est ou à l’ouest. Pour les professionnels de santé, le dossier médical partagé, c’est la disponibilité d’informations pertinentes, utiles, vérifiées, qui sont le gage d’une meilleure prise en charge médicale des patients.
En un seul clic, le médecin qui est à Laâyoune dispose de tout le contenu du patient qui est en face de lui, et qui était hospitalisé à Tanger, dans un établissement de santé public ou privé.
Que contient le dossier médical partagé ?
Dans le cadre de modernisation de notre système de santé, le dossier médical partagé se présentera comme un carnet de santé numérique personnel, partagé et sécurisé, qui permettra aux professionnels de santé de retrouver l’ensemble des informations médicales du patient, notamment les antécédents médicaux, chirurgicaux et obstétricaux du patient, d’éventuelles allergies, les traitements en cours, le volet médical de synthèse, les lettres de liaison de séjour hospitalier, les compte-rendu d’hospitalisation et de consultation, les résultats d’examens (radios, scanner , IRM , échographie, analyses biologiques)
Pathologies, facteurs de risque (tabagisme – alcoolisme.)
Historique des remboursements (CNOPS – CNSS – autres).Il est très clair que c’est un outil qui a énormément faciliter l’échange d’informations actualisées concernant le patient et de coordonner les différents professionnels de santé autour du projet de soins, avec les informations pertinentes et essentielles à cette coordination, une approche innovante, moderne qui va révolutionner la prise en charge des patients. Ce dossier est une très bonne initiative, un projet porteur, qui permettra de réaliser un bond en avant dans la prise en charge des malades, des économies importantes pour les patients et les caisses d’assurances maladies.
Quid de l’attribution des marchés publics
On ne comprend pas vraiment ce qui justifie la mise en stand by d’un tel projet qui est en harmonie avec le chantier de la nouvelle réforme du secteur de la santé.
A ce sujet, le ministre de la Santé Amine Tahraoui a été interpellé par les parlementaires lors des questions orales. Certains craignent, ne cachent pas leur désapprobation, ne comprennent pas, que sitôt installé au département de la santé et de la protection sociale en octobre 2024, le ministre de la Santé a tout de suite pris la décision de geler et d’annuler plusieurs appels d’offres dont celui du dossier médical.
Dans l’attente d’une décision, il y a tout lieu de croire que nous assisteront très prochainement aux lancements de nouveaux appels d’offres concernant ces projets.
Cette éventualité n’est pas à écarter, bien au contraire. Ce qui me pousse à poser quelques userons de bon sens : qui décide de la passation des marchés publics ? Qui contrôle les marchés publics ? Quelles sont les principales règles à respecter ?
Il ne fait aucun doute que l’ancien ministre de la Santé qui a lancé à deux reprises ces marchés a agit avec circonspection, mesure et prudence, qu’il a obéi et respecté toutes les procédures.
Pourquoi donc le nouveau ministre est venu balayer d’un revers de la main, toutes les décisions prises.
Il faut craindre que chaque nouveau ministre, une fois installé, annule lui aussi les décisions prises par son prédécesseur à ce poste, ce qui suscite bien des questions, des doutes.
Dans le domaine de la santé, notre pays a besoin de disposer d’un programme très clair sur 10 ans, de compter sur des professionnels de santé aux compétences avérées, qui cumulent aussi une bonne expérience dans le domaine de la gestion des établissements sanitaires, qui savent et maitrisent tous les outils numériques, pour accompagner la reforme de notre système de santé.
On ne peut se permettre la politique qui consiste à faire un pas en avant et deux en arrière.