Un réseau opaque, des artistes spoliés et des contrats illégaux

Scandale à la 1-54 Marrakech Art Fair

Par Nizar Lasri *

Tout commence lorsqu’un groupe de jeunes artistes marocains est invité à une résidence artistique sous le nom de Alkebulan Gallery & Residency, aussi appelée Spread Museum. Présentée comme une opportunité unique de création, cette résidence leur promet un espace de travail, une exposition et une mise en avant de leur travail, sans but lucratif.

Mais très vite, des zones d’ombre apparaissent. Un contrat leur est imposé, prévoyant une exclusivité sur leurs œuvres et une cession de droits totalement déséquilibrée. Plusieurs artistes s’interrogent sur ces clauses et demandent des explications avant de signer. C’est à ce moment-là que tout bascule.

Menaces, destruction d’œuvres, expulsion forcée en pleine nuit sous la pluie… Les artistes, refusant de céder leurs droits sans garanties claires, sont chassés sans explication. Le plus choquant ? Spread Museum continue de détenir et d’exploiter leurs œuvres pour promouvoir une exposition à laquelle ils n’ont pas consenti. Et ce n’est pas tout.

Un contrat signé par… une entité qui n’existe pas ?!

En analysant les documents, une faille monumentale apparaît : Spread Museum n’a aucune existence légale. Ce nom, sous lequel ces contrats ont été rédigés, ne correspond à aucune entité enregistrée. En clair, les artistes ont été invités par une structure fantôme, sans cadre juridique réel.

D’un point de vue purement légal, un contrat doit être signé par des parties juridiquement existantes. Or, ici, ce n’est pas le cas. Ces contrats sont donc nuls et inopposables.

Face à une fraude caractérisée et à des atteintes graves aux droits fondamentaux des artistes, une action en justice a été engagée.  

« Cette affaire révèle une organisation frauduleuse d’une gravité exceptionnelle, reposant sur des manœuvres dolosives, un abus de confiance aggravé et une atteinte manifeste au droit de propriété intellectuelle. Plus encore, les faits relèvent d’une exploitation abusive assimilable à de la traite des êtres humains à des fins de travail forcé, caractérisée par la contrainte morale exercée sur les artistes et leur mise en situation de vulnérabilité. L’élément intentionnel est établi : cette entité, dépourvue d’existence juridique légale, a sciemment orchestré une dépossession systématique et organisé un détournement de créations sous couvert de promesses fallacieuses. Ces infractions, d’une particulière gravité, nécessitent une réponse judiciaire exemplaire. » — Me Rabab Ezzahiri, avocate des artistes.

Un silence troublant et des interpellations politiques

Alors que l’exposition litigieuse figure toujours dans le programme parallèle de la prestigieuse 1-54 Marrakech Art Fair, aucune réaction officielle de la foire n’a été enregistrée.

Face à ce mutisme, la députée Loubna Srhiri (PPS) a saisi le ministre de la Culture, exigeant des explications et des mesures concrètes pour éviter que d’autres artistes ne subissent le même sort.

Renforcement de la protection des artistes

Ce scandale met en lumière un besoin urgent : celui d’un cadre juridique plus strict pour encadrer les résidences artistiques et protéger les artistes contre les abus. Car aujourd’hui, sans cadre légal solide, des structures fictives peuvent opérer en toute impunité.

Mais une chose est sûre : cette affaire ne restera pas sans suite.

  • membre du secteur des étudiants du PPS
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