Dix ans après la crise post-électorale qui, en 2010/2011, avait fortement secoué le pays et fait quelques 3.000 morts et une année seulement après que les élections municipales et régionales du 13 Octobre 2018 aient été entachées de fraude et marquées par la violence, la Côte d’Ivoire semble être, de nouveau, sur le point de vivre des moments «très tendus» à l’occasion des présidentielles qui devront s’y dérouler en Octobre 2020.
Ainsi, ce lundi, au lendemain du départ du président Emmanuel Macron de Côte d’Ivoire après la visite qu’il y a effectué durant le week-end et alors que le jour-même Guillaume Soro, qui avait été Premier ministre entre 2007 et 2012 et qui avait annoncé sa candidature à la magistrature suprême du pays le 18 octobre dernier, devait retourner au pays après six mois d’absence pour y lancer sa campagne électorale, la justice ivoirienne a émis un mandat d’arrêt international contre ce dernier.
Motif ? L’ancien chef de la rébellion contre l’ancien président Laurent Gbagbo, 47 ans, qui avait présidé l’Assemblée nationale ivoirienne de 2012 à 2019 mais qui est devenu un farouche opposant au chef de l’Etat Alassane Ouattara avec lequel les relations s’étaient progressivement détériorées serait visé par une information judiciaire pour «détournement de deniers publics, recel et blanchiment de capitaux portant sur la somme de 1,5 milliards de francs CFA (2,25 millions d’euros)», selon le procureur. Il serait également accusé de préparer un complot contre «l’autorité de l’Etat et l’intégrité du territoire national» au vu des «éléments en possession des services de renseignements» qui établissent «clairement que ce projet devait être mis en œuvre incessamment» a ajouté Richard Adou, le procureur de la République, sur la télévision publique ivoirienne.
Le lancement de ce mandat d’arrêt est intervenu à l’issue d’une journée particulièrement tendue durant laquelle les forces de l’ordre déployées en grand nombre avec du matériel anti-émeute avaient empêché les partisans de Guillaume Soro et les médias d’accéder au terminal de l’aéroport où son avion personnel devait atterrir et au siège de son parti, le GPS (Générations et Peuples Solidaires). Les forces de l’ordre avait pour mission de «refouler tout individu se rendant à l’aéroport pour un éventuel accueil de l’ex-président de l’Assemblée Nationale (et) d’empêcher tout attroupement ou regroupement» sur le trajet pouvait-on lire sur une note de la préfecture de police d’Abidjan transmise à l’AFP.
Attendu impatiemment par ses partisans, Guillaume Soro aurait été «empêché de rentrer dans son pays (et) prendre sa place dans le processus électoral» a annoncé Alain Lobognon lors d’une conférence de presse improvisée rapidement dispersée par les forces de l’ordre. Aussi, l’avion qui devait le ramener en Côte d’Ivoire a finalement atterri à Accra au Ghana.
Mais si, d’après une source poche de la présidence ivoirienne, Guillaume Soro aurait lui-même choisi «de se dérouter sur Accra pour éviter une arrestation à son arrivée» dans la capitale ivoirienne, son entourage déclare que ni l’intéressé ni ses proches n’ont été informés de l’existence d’un quelconque mandat d’arrêt à son encontre.
Est-ce à dire qu’à moins d’une année de la prochaine élection présidentielle, la Côte d’Ivoire serait sur le point de vivre une nouvelle crise politique ? Attendons pour voir…
Nabil El Bousaadi