Guerre en Ukraine
« Pas de problème » : Vladimir Poutine a proposé vendredi plusieurs solutions pour exporter les céréales bloquées en Ukraine à cause du conflit, le président en exercice de l’Union africaine Macky Sall se disant « rassuré » après une rencontre avec le chef de l’Etat russe.
L’offensive déclenchée par la Russie en Ukraine a paralysé les exportations alimentaires de ces deux géants de l’agriculture, faisant craindre une crise alimentaire mondiale, en particulier en Afrique.
Face aux inquiétudes grandissantes, le président sénégalais et président en exercice de l’Union africaine, Macky Sall, s’est entretenu vendredi trois heures à Sotchi (sud-ouest de la Russie) avec Vladimir Poutine.
« Nous sortons d’ici très rassurés », a déclaré M. Sall à l’issue de la rencontre, ajoutant avoir trouvé le chef de l’Etat russe « conscient que la crise et les sanctions créent de sérieux problèmes aux économies faibles, comme les économies africaines ».
« Il n’y a pas de problème pour exporter les céréales d’Ukraine », a jugé M. Poutine, dans une interview diffusée après l’entretien, évoquant des moyens d’exporter à partir de ports ukrainiens, d’autres sous contrôle russe ou via l’Europe centrale et orientale.
Vladimir Poutine a mentionné la possibilité d’exporter en passant par les ports ukrainiens de Marioupol et de Berdiansk, situés sur la mer d’Azov, qui donne accès à la mer Noire, et conquis par les forces russes au cours de leur offensive.
« Nous sommes prêts à offrir un passage sécurisé aux bateaux utilisant ces ports, y compris aux bateaux ukrainiens », a-t-il déclaré.
Il a aussi évoqué des exportations via les ports de la mer Noire toujours sous contrôle ukrainien, notamment celui d’Odessa.
Pour cela, il a une fois encore exigé que les eaux de ces ports soient « déminées » par l’Ukraine, assurant qu’en échange la Russie permettra un passage sécurisé. Une position qualifiée de « chantage » par Kiev.
Parmi les autres voies possibles, selon M. Poutine : un transport sur le Danube « via la Roumanie », « via la Hongrie » ou « via la Pologne »; ou encore « le plus facile, le moins cher », via le Bélarus, à condition de lever les sanctions occidentales contre ce pays.
Au début de l’entrevue, M. Sall, qui était accompagné du chef de la Commission de l’Union africaine, le Tchadien Moussa Faki Mahamat, avait demandé à Vladimir Poutine de « prendre conscience » du fait que l’Afrique était « victime » de la situation.
L’ONU craint en effet « un ouragan de famines », essentiellement dans des pays africains qui importaient plus de la moitié de leur blé d’Ukraine ou de Russie.
Sall a souligné que « la majorité des pays africains » avait « évité de condamner la Russie » à l’occasion de deux votes de l’ONU.
Il a en outre relevé que les tensions alimentaires avaient été aggravées par les sanctions occidentales, qui affectent la chaîne logistique, commerciale et financière de la Russie et l’empêchent d’exporter ses précieux engrais.
Il a donc appelé à ce que le secteur alimentaire soit « hors des sanctions » imposées par les Occidentaux à Moscou.
La paralysie des exportations ukrainiennes et russes a entraîné une flambée des cours des céréales et des huiles, dont les prix ont dépassé ceux au moment des printemps arabes de 2011 et des émeutes de la faim de 2008.
Le programme de l’ONU pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a souligné que huit à 13 millions de personnes supplémentaires pourraient souffrir de sous-nutrition dans le monde, si la crise durait.
Or les voyants sont au rouge, plus aucun navire ne sortant d’Ukraine, qui était aussi le quatrième exportateur de maïs, en passe de devenir le troisième exportateur mondial de blé et assurait à elle seule 50% du commerce mondial des graines et de l’huile de tournesol avant le conflit.
Le Kremlin affirme que le blocage n’est pas de son fait, ni le résultat de la présence de la flotte de guerre russe au large de l’Ukraine. Pour éviter que la crise ne perdure, il a réclamé la levée des sanctions et le déminage des ports ukrainiens.
Le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, sera toutefois en Turquie le 8 juin pour discuter avec son homologue Mevlüt Cavusoglu de l’instauration de « couloirs maritimes » permettant la libre circulation des marchandises en mer Noire.