De la cellule familiale à la sphère associative

La célébration du nouvel an amazigh : Innayer

Hammou Belghazi

« Mais qui sont donc ces Berbères ? », se demande Francis Manzano dans un article paru en 2006. En réponse à cette question, on peut dire que le Berbère ou, plus exactement, l’Amazigh se caractérise par la langue, le courage, l’hospitalité, les arts culinaires, la générosité, le tapis, … et Innayer : le nouvel an amazigh, célébré dans la nuit du 13 au 14 janvier. Et ce, au Maroc et dans le reste de l’Afrique du Nord, depuis plus d’un millénaire.

La célébration d’un tel évènement, n’en déplaise aux colporteurs d’opinions réductrices et d’idéologies obscurantistes de tout bord, n’est pas la fille prématurée des temps modernes, placée en couveuse pour pouvoir s’y développer et être à terme. Sa date de naissance remonte à l’Antiquité (voir Tertullien, De l’idôlaterie). Antique, la célébration en question l’est sans doute mais elle n’est pas un vestige des coutumes et traditions d’une époque révolue. Innayer fait partie des composants identitaires amazighs. C’est une fête agraire par excellence, une pratique étroitement liée à la terre : source de la vie et symbole de l’identité.

Il y a moins de trois quarts de siècle, la cérémonie ou le rituel d’Innayer se limite à la famille et diffère selon les régions. Mais, en dehors des différences régionales, les rites y afférents ont un même et seul objectif : l’augure d’une nouvelle année prolifique, une année d’abondance et prospérité. On prépare pour l’occasion un repas copieux. Les plats les plus courants et les plus répandus sont le couscous aux légumes d’hiver et à la viande de volaille ; le plat à base de fèves, pois chiche et blé dur concassé ; les fruits secs, etc. Lors de la veillée on doit maintenir une ambiance de joie et de réjouissances et éviter les discussions funestes ou négatives afin d’éloigner les mauvais augures pour le cycle annuel qui commence.

Aujourd’hui, comme tout un chacun peut s’en rendre compte, la fête d’Innayer dépase les limites de l’enceinte de la cellule familiale pour atteindre les sphères associatives. Grâce à l’impulsion de nombreuses Associations amazighes, des célébrations ont lieu dans toutes les villes du Maroc, de l’Afrique du Nord, des Iles Canaries et de l’Europe. Elles sont organisées sous forme d’activités culturelles et scientifiques. Célébrer Innayer de la sorte, c’est exprimer sa dimension identitaire. Les célébrations revêtent différentes formes : des conférences sur diverses thématiques (culturelles, historiques, socio-anthropologiques, politiques…) en rapport avec l’identité amazighe, des prestations musicales (ahidous, ahouach, concerts modernes…), des diners dansants, des expositions d’artisanat, … et la liste est longue. Bien que les conférences et journées d’études fassent partie des éléments constitutifs de la célébration d’Innayer, la gastronomie et la musique y occupent le premier rang.

Les cérémonies du nouvel an amazigh, considérées dans le cadre de la sphère associative, c’est-à-dire à l’extérieur de la cellule familiale, présentent une bonne vitalité parmi les célébrants. Et son institutionnalisation en mai 2023, au Maroc, comme jour férié ne peut que nourrir et renforcer ladite vitalité.

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