3ème édition du Forum des métiers du film d’animation
DNES à Meknès Mohamed Nait Youssef
À l’Institut français de Meknès, une vingtaine de studios venus du Maroc, du continent africain et du monde arabe ont pris part à latroisième éditionduForum des métiers du film d’animation qui a eu lieu les 10, 11 et 12 mai, dans le cadre du Festival International de Cinéma d’Animation de Meknès (FICAM®). Trois jours de débats, de rencontres et d’échanges sur l’avenir de la filière de l’animation, mais aussi de la création d’un marché du film en Afrique, ont ponctué la programmation de cette édition. Al Bayane est allé à la rencontre des professionnels. Dossier.
Un marché du film africain est possible
Un premier pas a été franchi en fédérant les énergies et les professionnels du métier autour d’une plateforme ambitieuse, voire prometteuse.
«Je pense que les échanges d’expériences dans des contextes qui ne sont pas forcément similaires. C’est pour ça que cette année on a eu 13 studios marocains, dont certains qu’on a découverts, et qui travaillent en virtuel avec les grands studios en Europe. On a trouvé une thématique « de la production à l’exploitation » pour que l’ensemble de la chaîne du cinéma puisse se rencontrer, échanger.», nous confie Fabrice Mongiat, directeur délégué de l’Institut français de Meknès.
Les défis sont de taille. Mais, la volonté d’y arriver est là. «On espère, à long terme, et sa la vision qu’on a avec la Fondation Aïcha, c’est de créer le marché du film africain à l’instar du marché du film international d’Annesy. Il y a de la place parce que Annecy nous soutient dans la démarche.», rassure Fabrice Mongiat. Selon lui toujours, il y a de la place parce que le cinéma d’animation, c’est 30% du cinéma mondial vu l’importance économique du cinéma. Au fil des années, cette plate-forme d’échanges, le forum a su réunir des studios d’animation marocains et étrangers et des écoles d’arts, de cinéma et de journalisme. Il est désormais un véritable rendez-vous attendu par les professionnels du métier.
Le forum, une structure structurante :
Daniel Atchali, représentant du studio MESS Pictures (Togo) a pris part pour la deuxième fois au FICAM a été impressionné par la qualité de la programmation et des échanges. « Je n’ai jamais vu cette qualité d’organisation d’un événement dédié à l’animation en Afrique, notamment ce nombre important de rencontres professionnelles, mais aussi de stands. C’est une expérience unique, j’espère que ça va continuer parce qu’on en a vraiment besoin pour que le secteur se professionnalise.», a affirmé Atchali qui est aussi responsable de l’association de cinéma d’animation au Togo. Selon lui, créer un marché d’animation, à l’instar de celui d’Annecy, est réalisable. «Je pense que ça a déjà commencé. C’est notre espérance parce qu’ici on arrive à s’exprimer, surtout les professionnels du continent africain. On a la parole pour se pencher sur les défis du secteur de l’animation dans nos pays. », a-t-il révélé.
Yassine Lahrichi, animateur en série et directeur général de Neverseen est un habitué du FICAM et de son forum qui souffle sa troisième bougie. «J’ai appris juste avant le FICAM 2024 qu’il y aura des studios africains. Pour moi, c’était une très belle nouvelle parce que j’ai eu l’occasion de découvrir plusieurs studios, notamment lors de quelques événements en France et au Maroc. Mais, cette année, il y a autant de studios de la Côte d’Ivoire, de la Tunisie, du Togo, du Maroc et des personnes qui travaillent pour leur compte propre.», a-t-il déclaré.
Malgré les challenges au niveau des financements et le manque de moyens, dit-il, ce sont la passion du métier et la volonté de percer, de faire quelque chose qui comptent parce qu’on est, selon ses dires, dans l’ère de la créativité. « Aujourd’hui, on ne peut pas se cacher derrière les moyens techniques, on peut faire des choses en misant sur l’humain, sur de très belles histoires même si on a des budgets limités. », a-t-il affirmé.
Adja Soro, fondatrice du Studio KÄ (Côte d’Ivoire), a déjà assisté à la 20ème édition du FICAM en tant que membre du jury du court-métrage d’animation. Cette année, elle a pris part à une conférence sur « la production de la série d’animation en Afrique. » «Cette année j’ai la chance d’avoir ce stand, de participer à des conférences et de présenter ce que l’Afrique de l’Ouest à de mieux à présenter en animation. », s’est réjouit-elle.
Une vingtaine de studios, de grands espoirs à vivre…
Une vingtaine de studios, de grands espoirs sont à réaliser dans les prochaines années. «Ce qui est intéressant encore une fois grâce au FICAM, c’est que les studios se sont multipliés. On sait que les studios commencent à se structurer et à avoir des équipes, à former et surtout à produire.», révèle Ali Rguigue, directeur général d’Artcoustic. Et d’ajouter : «on cherchait ce seuil de rupture pour qu’on puisse produire du marocain ; ce sont des équipes complètement marocaines et qui vont aller produire pour les chaînes et même studios qui produisent pour l’international. Ça nous confirme qu’aujourd’hui les pouvoirs publics, d’ailleurs le ministère de la Culture et de la communication a pris part au sujet de manière globale.» Pour lui, le lien avec le FICAM permet de fédérer toutes ces énergies et institutions. «On s’est assuré que tout le monde a mis la main à la pâte en ce qui concerne le sujet de l’animation. », a-t-il témoigné.
Selon lui, la nouveauté, c’est le renforcement du volet de la formation des générations futures en matière d’animation. «Il y a deux ans on avait pensé l’école Flow Motion School (FMS) qui permet de former tout le monde dans les métiers de l’animation. Cette année, on est à 60 lauréats, dont 30 qui ont tous travaillé dans les métiers de l’animation. Cette année, on en a pris 60 pour rajouter aussi les métiers art, design. Donc, toute la partie art, design, cinématique, création de personnages. On a invité tous les studios à prendre part à ce projet pour pouvoir repérer leurs talents, repère les spécialités dont ils ont besoin.», a-t-il expliqué.
Les défis du cinéma d’animation en Afrique…
Le cinéma d’animation est nouveau en Afrique. C’est un secteur, il faut le dire, qu’il est actuellement confronté à de nombreux défis structurels.
«On vient de démarrer ! La filière de l’animation en Afrique fait face à plusieurs défis : la formation, le financement, la diffusion et même l’écriture parce qu’on a beaucoup d’histoires, de contes et de légendes à raconter.», a précisé Daniel Atchali.
Et d’ajouter : «en animation, quand tu commences par écrire, et si tu ne sais pas là où tu vas ; tu vas te confronter à un problème de budget qui est très important et crucial. Et puis le film sera difficile à réaliser. »
Par ailleurs, Adja Soro estime que les choses avancent parce que les professionnels essayent de faire de la pédagogie et du plaidoyer auprès de leurs gouvernements.
«Beaucoup de jeunes commencent à comprendre que ce sont des métiers de l’animation. On essaie de s’ouvrir sur des marchés et des festivals internationaux, le FICAM, entre autres. On essaye de créer des collaborations et des accords de coproduction qui se font de plus en plus entre nos pays d’Afrique et du reste du monde. C’est une nouvelle ère qui nous permet d’être optimistes quant à l’avenir de l’animation en Afrique.», a-t-elle fait savoir.
Pour la fondatrice de Studio KÄ, la formation est l’un des problèmes majeurs auxquels font face tous les pays africains. «Il n’y a pas assez d’écoles en Afrique qui forment des techniciens qui nous permettent de produire des animations de qualité et d’être compétitifs sur le marché international.», a-t-elle déploré. Et d’ajouter : «On a de belles histoires, on a notre culture à raconter, mais on a cette défaillance de qualité. »
Face à cette réalité, Adja Soro garde quand même de l’espoir, notamment avec les formations qui vont s’ouvrir l’année prochaine au Maroc.
«On a des initiatives en Côte d’Ivoire, il y en aura d’autres qui s’ouvrent au Sénégal. Le deuxième enjeu, c’est le financement. En France, il y avait une obligation de diffusion du contenu français sur les chaînes nationales. Mais, nous dépendons beaucoup de l’extérieur pour financer nos projets.», a-t-elle expliqué.
Pour Ali Rguigue, directeur général d’Artcoustic, les défis qu’on a aujourd’hui, c’est d’abord pouvoir produire rapidement. « Il va falloir former encore une fois très rapidement et s’assurer qu’on a la chaîne entière c’est-à-dire la rédaction, la recherche artistique, l’écriture et la formation. On devait se pencher sur l’écriture.», a-t-il alerté.
De la nécessité d’un business model innovant
Pour que la filière de l’animation se développe en Afrique, il faudrait penser un business model adéquat aux spécificités du continent.
«Nous sommes obligés de penser d’une façon très originale, très innovante notre business model pour pouvoir réaliser des projets. Donc, ça va prendre plus de temps et ça joue aussi sur notre compétitivité.», a insisté Adja Soro. En outre, dit-elle, il y a ce challenge de plaidoyer auprès des ministères afin qu’ils prennent conscience qu’il y a de l’importance à financer ses initiatives, non seulement pour le côté business, mais aussi même pour le côté d’impact social et culturel.
Produire marocain…
Ali Rguigue ayant cette ambiance de développer le secteur de l’animation “made in Morocco” a insisté sur l’importance de la production locale afin de préserver les valeurs et la mémoire marocaines.
«Aujourd’hui, il y a la plateforme Forja qui est sortie, et c’est la première plateforme de la SNRT qui va fédérer les programmes de la deuxième chaîne. Mais sur la plateforme, la section enfant manque de programmes. Chose qui explique le besoin ou ce qui a à combler dans l’animation. Et si on prend 20 studios et que chacun puisse produire un programme par an, on est sur 20 programmes. Le résultat : une plateforme 100% marocaine avec du contenu marocain qu’on peut contrôler avec nos enfants.», a-t-il fait savoir. D’après lui, c’est très important de se détacher de la partie mainstream(Netflix, Amazone…)