Deux figures féminines de notre temps

Hors champ : Ouverture de la compétition officielle

Comme il le signale dans le générique de fin, c’est un film tourné sans autorisation ; le tournage qui a duré plus de trois ans a usé de différents stratagèmes y compris en combinant des scènes tournées dans de vrais décors et d’autres fabriquées numériquement.

En somme, des images volées, à l’instar du film Taxi de Jafar Panahi. Le frère de ce dernier est d’ailleurs présent dans le générique du film comme producteur. Le résultat est un constat accablant de l’Iran d’aujourd’hui. Mais un constat qui refuse de s’enfermer dans les clichés véhiculés à l’égard de l’Iran des Ayatollah. Si un voile noir pèse sur la vie sociale, le film va au-delà du voile pour capter les signes de cette vie qui palpite comme le feu de la braise sous la cendre. Centré autour de la figure de la femme, le récit s’ouvre largement sur la réalité multiple d’une société en mouvement à l’image de ses écolières qui s’acharnent à jouer au football malgré les injonctions morales de la directrice, chantent et dansent dans le bus du transport scolaire. L’une d’entre elles rate même ce bus, un matin, car elle est revenue à la maison chercher son vernis à ongle, pourtant strictement interdit. A l’opposée du rythme infernal du film sud-coréen, ici, le récit s’offre des moments de pause avec des scènes poétiques, des plans fixes de méditation…ou avec des images en abime, par exemple lorsque Hanieh vient admirer, de temps en temps, un aquarium : des poissons aux jolis couleurs mais qui se meuvent dans un univers fermé.

Le film est en outre truffé de clins d’œil aux films de ses aînés. En matière d’engouement des jeunes filles pour le football, cela nous rappelle, Hors jeu de Jafar Panahi qui décrit comment une femme qui est amenée à se déguiser pour accéder au stade de football. La scène où Hanieh se rase les cheveux n’est pas sans rappeler la femme sans cheveux dans la voiture de Ten de Abbas Kiarostami…une sorte de filiation artistique qui assure au film une autre forme de légitimité, qui en fait un film iranien, même sans le visa de ses détracteurs bureaucrates.

Mohammed Bakrim

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