Dkhil : «Le règlement définitif de la question du Sahara se trouve au Maroc»

C’est au Maroc où le règlement définitif de la question du Sahara se trouve, à travers le parachèvement de l’œuvre d’édification d’un Etat de droit et des libertés et d’un modèle de régionalisation adaptée à la réalité locale, a affirmé Pr El Bachir Dkhil, cofondateur du polisario ayant regagné la mère patrie en 1992.

Dkhil, dont l’expérience et les recherches ont fait de lui un expert très écouté sur les questions du Sahara, est actuellement enseignant à l’université et président de l’Association Forum Alternative.

S’exprimant lors d’une rencontre-débat, organisée mardi soir à Rabat par le centre des études et recherches Aziz Belal (CERAB), il a souligné que le modèle de régionalisation à mettre en place doit émaner de la réalité marocaine et non pas d’ailleurs. Toute autre régionalisation calquée sur le modèle jacobin ou autre ne sera pas en mesure de répondre aux exigences de la région dans son ensemble.

C’est d’ailleurs à travers ce processus que les grandes nations de la démocratie (landers en Allemagne, cantons en Suisse, régions autonomes en Espagne, Etats fédéraux aux USA, etc.)

Ont réussi à promouvoir et consolider la réconciliation nationale, et partant l’idéal démocratique dans son ensemble, a-t-il expliqué, estimant que c’est à travers une telle entreprise laborieuse que les peuples de la région sauront aussi réaliser le rêve du Grand Maghreb, que d’aucuns tentent d’enterrer à jamais.

Les projets en cours au Maroc contrastent totalement avec le régime atroce pol-potien, qui se perpétue dans les camps de Tindouf à travers des lots quotidiens de la terreur, la répression, les arrestations, les exécutions sommaires et d’autres pratiques inhumaines, a-t-il ajouté, rappelant que son retour au Maroc en 1992 a été décidé quand il s’est aperçu que la question du Sahara s’inscrit dans le cadre d’une stratégie visant à «créer au Sahara un foyer de tension pour libérer le Maroc» (option révolutionnaire au Maroc).

Ce n’est donc pas le devenir du Sahara qui préoccupe les auteurs de ce projet, mais bel et bien le Maroc qu’ils veulent déstabiliser, comme l’avait dit plus clairement en 1976 Houari Boumédiène, qui considérait l’affaire du Sahara comme une pierre dans le soulier du Maroc pour l’empêcher d’avancer.

Revenant sur la genèse du polisario, il a affirmé qu’il faisait partie, dès 1973 d’une cellule de trois membres et plus tard d’un groupe de 25 membres qui constituaient une organisation armée, partie de Laâyoune pour la Mauritanie.

Il a également fait état d’une série événements qui l’ont marqué depuis son enfance dont un soulèvement au cours duquel les forces d’occupation espagnoles avaient déployé quelque 9000 soldats contre des manifestants sahraouis désarmés.

Il n’avait que 4 ans à l’époque (né en 1954), et depuis lors il vivait déchiré entre deux mondes (occidental et bédouin sahraoui), tout en suivant des études dans un établissement espagnol et des cours dans un Masdjid (Kouttab) comme le voulait sa mère, une poétesse en langue hassanie qui avait sa propre vision artistique et philosophique de la vie.

D’autres soulèvements ont contribué aussi à lui faire comprendre la valeur de la liberté et de la dignité, et en particulier à partir de 1970, alors devenu lycéen et un des premiers enfants de la région à obtenir son baccalauréat.

Comme ses congénères, il lisait beaucoup et avait une préférence pour des auteurs comme Franz Fanon (Les damnés de la terre) ainsi que pour nombre de leaders de la gauche marocaine (Ali Yata, Laâbi, Serfati) et espagnole, sans oublier Radio le Caire et d’autres mouvements de libération nationale dont les idées ont constitué la plate-forme idéologique de la réunion de Zouirate (Mauritanie) du 28 avril 1973, qui s’était soldée par la création du polisario (Al Jabha Chaâbia li-Tahrir Saqiat Hamra et Oued Dahab : front populaire pour la libération de Saqiat Hamra et Oued Dahab).

Il ne s’agissait que de la libération de ces régions de l’occupation espagnole et non pas de la création d’une quelconque république, a-t-il dit, précisant que le mouvement a été récupéré dès 1974 par l’Algérie, qui allait imposer à partir de 1975 ses éléments à la tête de l’appareil dirigeant du polisario, qui gère à présent une population composée de Sahraouis algériens, mauritaniens et marocains.

Pour ce faire, l’Algérie avait mené par l’intermédiaire de ses services de police, un véritable coup d’Etat contre El Ouali Mustapha Sayed, démocratiquement élu lors du congrès du 25 au 28 août 1974 à la tête du polisario pour le remplacer par un dirigeant inamovible qui est inféodé à Alger.

«J’étais moi-même arrêté et emprisonné avec d’autres dirigeants du polisario dans une caserne quelque part perdue dans le Sahara algérien sans que personne ne sache où nous sommes», ajoutait-il, notant que l’organisation de la Marche verte en 1975 leur a été d’un grand secours en obligeant leurs geôliers de les libérer sans conditions.

Selon lui, la mort d’El Ouali Mustapha Sayed, lors de l’attaque du 9 juin 1979 en Mauritanie, a été l’œuvre des services secrets algériens, qui voulaient se débarrasser de lui, car il ne servait pas leurs intérêts.

L’Algérie avait haussé le ton au lendemain de la Marche verte en décidant de créer en 1976 la RASD pour une population marocaine censée se prononcer lors d’un référendum d’autodétermination pour décider de son sort, c’est-à-dire de créer sa propre république ou pas, a-t-il ajouté, estimant que c’est là la première contradiction du plan algérien.

Quant à Mouammar Kadhaffi, il avait lui aussi mis la main à la pâte en décidant de financer, dès 1972, un groupe retranché en Mauritanie pour déstabiliser le Maroc, a-t-il affirmé, ajoutant qu’un tel projet n’a pas rencontré de succès.

Au Maroc, où le dossier de la libération du Sahara de l’occupation espagnole avait été déposé dès 1966 à l’ONU, une nouvelle ère d’ouverture avait commencé depuis la fin des années 80, au terme de laquelle, feu SM Hassan II avait lancé son appel «la patrie est clémente et miséricordieuse», permettant ainsi à de nombreux Marocains de se libérer du régime pol-potien de Tindouf et de revenir dans le pays.

D’autres vont suivre pour ne laisser en fin de compte qu’un groupe de Sahraouis, issus du Sahara algérien et mauritanien entassés dans des baraques de fortune, utilisés par le polisario comme monnaie d’échange et fonds de commerce inépuisable pour bénéficier des aides des organisations internationales, aides constamment détournées par certains dirigeants, a expliqué Bachir Dkhil, qui avait occupé différentes responsabilités au sein de ce mouvement (responsable au Croisant rouge, diplomate en Suisse, responsable politique au sein de l’armée, etc.), avant de revenir au Maroc comme d’autres l’avaient fait.

Il ne reste plus grand-chose dans les camps de Tindouf, car presque 70% des Sahraouis marocains vivent dans les provinces du sud, a-t-il conclu.

M’Barek Tafsi

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