Droit d’accès à l’information: l’IBO dans …le rouge

Pratiquement deux années après sa validation en conseil de gouvernement, plus exactement le 31 juillet 2014, le projet de loi sur le droit d’accès à l’information, ayant suscité moult débats, vient d’être adopté au niveau de la commission compétente à la Chambre des représentants.

La mouture proposée ainsi en 2014, et qui n’était, d’ailleurs, qu’une version actualisée d’un texte déjà présenté en conseil de gouvernement en mars 2013, n’a pris le circuit législatif qu’après presque trois ans. Et durant toute cette période ponctuée de débats, de commentaires et d’analyse, il n’y avait pas eu un véritable accès à l’essentiel pour pouvoir apporter les changements recommandés tout au long de ce parcours. Le texte a ainsi résisté aux changements.

En effet, les amendements apportés n’ont pas touché le fond, alors que ce droit d’accès à l’information constitue un pilier fondamental du système national d’intégrité (SNI). Cet état de fait porte ainsi un coup dur à l’indice du budget ouvert (IBO) qui évalue le degré de participation des citoyennes et des citoyens à l’élaboration et surtout au contrôle des finances publiques.

Et pourtant la constitution de juillet 2011 a consacré le droit d’accès à l’information. Son article 27 stipule explicitement que «les citoyennes et les citoyens ont le droit d’accéder à l’information détenue par l’administration publique, les institutions élues et les organismes investis d’une mission de service public».

Et pour bien cadrer ce droit, le même article précise que «le droit à l’information ne peut être limité que par la loi, dans le but d’assurer la protection de tout ce qui concerne la défense nationale, la sûreté intérieure et extérieure de l’Etat, ainsi que la vie privée des personnes, de prévenir l’atteinte aux droits et libertés énoncés dans la présente Constitution et de protéger des sources et des domaines expressément déterminés par la loi».

Ombre d’opacité

C’est dire que les restrictions ne sont possibles que par la loi dans le but de protéger et pour prévenir les atteintes à d’autres droits ou autres domaines. Alors que dans la version validée par la commission compétente, le champ de ces restrictions serait élargi et ne cadre pas avec ce qui est envisagé par le texte constitutionnel.

Pour Me Abdeltif Ouaamou, membre du bureau politique du parti du progrès et du socialisme (PPS) et membre de la Chambre des conseillers, le champ des restrictions et des exceptions ne respecte pas le sens véhiculé par l’article de la Constitution.

Et de souligner qu’il y aurait une volonté d’élargir le champ des interdits et par ailleurs les zones d’opacité seront protégées. Ce qui va, a-t-il encore soulevé, à l’encontre de l’esprit de la Constitution et de sa mise en œuvre d’une manière saine, transparente et démocratique. L’information devrait être communiquée sans aucune restriction dans le cadre du respect du texte constitutionnel, tout en sensibilisant et en responsabilisant les citoyennes et les citoyens en matière d’exploitation des données mises à leur disposition, a-t-il ajouté.

Information minimale

L’analyse de ce juriste chevronné cadre en effet avec les résultats d’une enquête sur le budget ouvert pour l’année 2015 au Maroc. Ainsi, le royaume occupe la 74 ème place sur 102 pays avec une note de 38 sur 100. Ce qui correspond à la zone de l’information minimale. Selon les mêmes résultats, le Maroc est devancé par la Jordanie et la Tunisie, qui ont obtenu respectivement 55 et 42 points sur 100, mais a fait mieux que l’Algérie (19) et l’Egypte (16). Cela revient à dire que des lectures exagérées seraient faites pour réduire le champ d’accès et élargir celui des restrictions. Ainsi, les termes protéger et prévenir ont été vaguement expliqués alors que les concepts de transparence et de redevabilité ont été cadrés sémantiquement et politiquement.

Alors que les exceptions et les restrictions devraient être associées et clairement expliqués par des risques ou des préjudices et devraient d’ailleurs être justifiés. En plus de ce cadrage, les sanctions prévues contre les contrevenants et qui renvoient au code pénal (article 446 relatif à la violation du secret professionnel) poussent les fonctionnaires à préférer la rétention de l’information car les sanctions prévues dans le sens contraire, celui de ne pas la communiquer, ne dépassent pas des mesures disciplinaires éventuelles et limitées.

Tout compte fait donc, le fonctionnaire préférerait le risque de mesures disciplinaires que le code pénal.  De même, le risque est également encouru par le citoyen qui demande l’information. En effet c’est l’administration qui apprécie si l’usage de l’information est conforme ou non avec l’objet déclaré à l’occasion de la demande. C’est dire que dans le cas supposé de non-conformité, le citoyen se retrouve dans la case de l’article 547 du code pénal relatif à l’abus de confiance qui est appliqué. Cela revient à dire que l’information est protégée des deux côtés. Et trop de lois tuent la loi.

B. Amenzou

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