El Arbi Mrabet : l’UE s’entête à faire accepter au Maroc la réadmission des migrants

Tout en affichant sa volonté de jouer un rôle de trait d’union entre l’Union européenne (UE) et une bonne partie de l’Afrique subsaharienne, constituée surtout de membres de la CEDEAO, le Maroc n’a pas encore réussi à faire admettre à celle-ci qu’il est devenu désormais une terre d’accueil des migrants africains et non plus un pays de transit, a affirmé El Arbi Mrabet , auteur  d’un ouvrage intitulé «le Maroc et les migrations africaines irrégulières», qui vient de paraître aux éditions alf Abarre».

Des négociations en cours depuis fort longtemps entre les deux parties pour parvenir à un accord multilatéral sur la réadmission n’ont pas encore abouti, malgré les tentatives de l’UE, a-t-il dit, précisant que le Maroc dispose lui aussi de ses atouts pour défendre ses positions qui concernent d’autres domaines de coopération entre les deux parties.

C’est pourquoi, il est nécessaire pour le Royaume de renforcer sa position à travers la réalisation de taux de croissance économique plus élevés et d’engagements notamment plus conséquents en matière de protection de l’environnement et de lutte contre les changements climatiques dans la perspective de favoriser un développement durable du pays, a-t-il estimé.

Intervenant lors d’une rencontre-débat, organisée jeudi soir à Rabat à l’initiative du Centre d’Etudes et de Recherches Aziz Belal (CERAB), l’auteur a indiqué que ce travail est le fruit de ses recherches mais également de son expérience en tant qu’enseignant, de chercheur et de responsables de diverses missions nationales et internationales.

Peu de travaux de recherche sont réalisés au Maroc sur les relations entre le Royaume et l’Union européenne, à part deux brillantes thèses de doctorat de leurs auteurs Sa Majesté Mohammed VI et Fahd Yata, a-t-il fait savoir.

Professeur de l’enseignement supérieur, doyen, gouverneur chargé des relations avec la MINURSO au Sahara marocain, El Arbi Mrabet a exercé de nombreuses responsabilités universitaires et professionnelles au plan national et international, ainsi que des activités de recherche et d’encadrement. Son expérience très riche, diversifiée et dans la durée, en fait un expert éprouvé « passé maître en la matière ». Il est actuellement chercheur associé au CREDESPO, Dijon.

Présentant son œuvre, il écrit par ailleurs que «Regardant vers le sud, sans oublier ni ses liens avec l’Orient arabe ni son amazighité partagée avec les autres pays du Maghreb et certains Etats du Sahel, le Royaume se veut, depuis fort longtemps, le trait d’union entre l’UE et une bonne partie de l’Afrique subsaharienne, celle avec laquelle l’Empire chérifien avait tissé des liens commerciaux, cultuels et culturels solides, celle qui avait été un temps son alliée dans la lutte africaine pour la décolonisation. Toutes les deux avaient connu des migrations forcées et volontaires».

« L’UE affirme prendre la mesure de ses erreurs et des défis qui se posent de plus en plus à elle. Dans sa Communication du 13 mai 2015 « Un Agenda européen en matière de migration » – qui ne concerne pas que les Etats africains parties à la Conférence euro-africaine sur la migration et le développement- la Commission européenne adopte un langage plus clair en mettant l’accent sur certains problèmes qu’elle abordait timidement dans le passé. L’Agenda admet d’emblée qu’en Europe même, il y a « de sérieux doutes concernant l’adéquation de [la] politique migratoire à la pression exercée par des milliers de migrants, la nécessité d’intégrer les migrants ou les besoins économiques d’une Europe en déclin démographique », que l’UE doit «[s’]attaquer aux causes profondes de la migration», dont certaines sont liées à la mondialisation, d’autres «à chercher dans les guerres et les crises».

Le Maroc ne dispose pas d’une nouvelle politique migratoire finalisée

Répondant à l’auditoire, MRABET a indiqué qu’en dépit des différentes opérations de régularisation des migrants en situation irrégulière, le Maroc ne dispose pas encore d’une nouvelle politique migratoire. Il travaille certes dans le cadre d’une certaine stratégie, mais il est toujours en train d’élaborer sa nouvelle politique migratoire. C’est pourquoi, le débat en cours sur la question ne peut contribuer à dégager une vision plus claire sur le sujet et ce au moment où l’UE a engagé une nouvelle réflexion pour redéfinir les contours de la migration.

Quoiqu’on fasse, personne au monde n’est en mesure d’arrêter la migration, qui constitue un élément incontournable pour le développement des civilisations à l’instar du rôle de l’eau pour la vie, a-t-il dit, expliquant que les migrants ne constituent pas une menace pour la sécurité de l’UE. Ils ne représentent en tout que quelque 4 pc de la population de l’UE et il ne sert à rien de les stigmatiser en les accusant de maux dont ils sont étrangers comme le chômage ou autres.

Rachid Benlabbah : 87% des  mouvements migratoires africains sont se réalisent à l’intérieur de l’espace africain

Présentant son point de vue critique sur le livre, Rachid Benlabbah, professeur et chercheur à l’Institut des études africaines de Rabat, a indiqué que l’œuvre d’El Arbi MRABET est un travail de référence qui jette la lumière sur la question épineuse de l’émigration et de l’immigration, et dévoile certaines vérités, selon lesquelles 87 pc des mouvements migratoires africains se réalisent à l’intérieur de l’espace africain.

Il a également fait savoir que la publication de cette ouvrage vient à point nommé, après la rupture entamée par le Maroc en matière de traitement de la question migratoire, lui qui est devenu une terre d’accueil et d’établissement permanent des immigrés surtout africains, a-t-il dit.

La modération de cette rencontre a été savamment assurée par Ahmed Oubella, membre du Bureau du CERAB.

M’Barek Tafsi

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