Embrasser l’au-delà des instruments habituels!

Intervention de BAM sur le marché secondaire

Par Manal ZIANI -(MAP)

Au-delà des instruments habituels et en parfaite adéquation avec sa mission principale de maintenir la stabilité des prix, Bank Al-Maghrib (BAM) s’apprête à intervenir sur le marché secondaire des bons du Trésor, avec pour objectifs de réguler le marché et gérer l’insuffisance de liquidité.

Quoique ses statuts le permettent, BAM n’a jamais fait appel à cet instrument de politique monétaire. Son gouverneur, Abdellatif Jouahri, l’avait d’ailleurs souligné lors du point de presse tenu à l’issue de la 4ème et dernière réunion trimestrielle de 2022 du Conseil de la Banque, précisant que, si opérée, cette intervention sera la première dans l’histoire de l’institut d’émission.  Prenant la forme d’achats ou de ventes des titres émis par le Trésor sur le marché secondaire, cette mesure, BAM explique, appartient à la catégorie des opérations ayant pour but de gérer une situation d’excédent ou d’insuffisance de liquidité à caractère durable. Quels objectifs face au contexte actuel alors ? et quelles implications sur l’économie ?

Un instrument « quantitatif » de la politique monétaire

Concomitamment aux « instruments de prix », la Banque centrale peut faire appel à des instruments « quantitatifs », en l’occurrence les réserves obligatoires et l’intervention sur le marché secondaire des bons du Trésor, indique l’économiste et spécialiste en politique de change, Omar Bakkou, dans une interview accordée à la MAP, relevant que ces interventions sont destinées à gérer une situation d’insuffisance de liquidité à caractère durable à travers l’achat par BAM des titres émis par le Trésor sur le marché secondaire.

Le non recours à cet instrument auparavant se justifie notamment par « l’accalmie » sur le marché monétaire ainsi que les niveaux historiquement bas de l’inflation connus durant la période qui précède la crise sanitaire, explique l’expert.

Revenant sur les instruments dits « de prix », M. Bakkou souligne qu’ils regroupent principalement les opérations d’apport ou de retrait de liquidité par voie d’appel d’offres à titre hebdomadaire destinés à combler le déficit de liquidité sur le marché monétaire, en octroyant des avances à sept jours rémunérées au taux d’intérêt fixé par le Conseil de BAM, qui n’est autre que le taux directeur, son arme principale d’intervention.

Bank Al-Maghrib peut aussi, en tant que prêteur en dernier ressort, envisager des interventions pour une durée inférieure à sept jours rémunérées à des taux fixés sur la base du taux directeur, afin d’atténuer l’incidence des fluctuations imprévues de la liquidité bancaire, ou voire même des interventions « permanentes » à 24 heures pour ajuster la trésorerie des banques.

Par ce « prix », qui est le taux auxquels sont rémunérés les prêts et emprunts des banques auprès de la banque centrale, l’institut d’émission réussit la maîtrise de la masse monétaire en agissant « indirectement » sur la liquidité des banques, et, partant, sur les crédits et l’économie.

Ainsi, note l’économiste, l’intervention de BAM sur le marché secondaire des bons du Trésor est considérée comme un instrument « quantitatif » qui agit directement sur la quantité de la monnaie en circulation, permettant à la banque centrale de réguler le marché et gérer la liquidité des investisseurs.

Relèvement du taux directeur et achat des titres du Trésor : une contradiction ?!

Première intervention du genre, cela signifie que BAM procédera à l’achat des titres émis par le Trésor sur le marché secondaire, et non pas à la vente. Cette politique mène à une injection de la liquidité, ce qui contredit, de première perception, la politique d’un relèvement du taux directeur ayant pour but principal de faire face à l’inflation.

L’analyse approfondie de cette annonce ne mène pas vers une contradiction, mais dévoile plutôt un autre objectif derrière, affirme M. Bakkou, précisant que cette opération n’a pas pour finalité d’accroître la liquidité mais de réguler le marché des bons du Trésor et de la dette publique, et remédier à la « déformation » de la courbe des taux, qui commence à afficher une tendance à la hausse.

« Anticipant d’éventuels relèvements du taux directeur dans le futur, les investisseurs revendiquent des taux plus élevés sur les titres détenus à moyen terme. Cette surréaction se répercute automatiquement sur le marché des bons du Trésor par crainte de dégradation de la valeur de ces instruments financiers détenus en portefeuille », explique le spécialiste.

Cette annonce a donc pour but d’agir sur les anticipations des banques, leur poussant ainsi à revoir le taux d’intérêt réclamé en contrepartie de la détention des bons du Trésor à moyen terme, a-t-il ajouté, faisant remarquer qu’il s’agit d’une « mesure d’accompagnement à la politique du relèvement des taux directeur », ayant pour but de remédier aux effets négatifs de ce relèvement sur le marché des bons du Trésor.

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