En Afrique 75% des infrastructures de transport restent à créer

La Conférence de Rabat pour le Développement durable, dans sa 4e édition qui a réuni plusieurs experts et acteurs économiques d’Europe et du Continent, s’est penchée sur «La mobilité durable en Afrique, enjeux et évolutions». L’occasion de faire le point sur la question du transport en Afrique, de découvrir et débattre sur les solutions d’aujourd’hui, comme celles prévues pour le futur proche.

Un constat fait l’unanimité, celui de l’opportunité phénoménale donnée au continent d’avoir un terrain vierge (75% des infrastructures restent à créer). En effet, les différents panels ont mis l’accent sur les enjeux et défis que partagent les grandes métropoles africaines.

La Conférence de Rabat pour le Développement durable a été articulée autour de séances plénières et de panels où ont été débattus par des experts nationaux et internationaux, toutes les réflexions convergeant vers ce que pourrait être une approche africaine : «le transport public urbain, quelle approche durable en Afrique ?», «Les solutions de financement en Afrique», «La mobilité électrique», «la modernisation des infrastructures».

Concernant le transport public et à la question de quelle approche durable du secteur dans le Continent, les experts ont estimé qu’au vu de l’évolution de nos villes, nos modes de transports doivent suivre la cadence au risque de constituer une menace pour les sociétés. D’autant plus que les systèmes de transport peuvent réduire considérablement la pauvreté et permettre de lutter contre l’exclusion sociale en assurant l’accès à l’emploi, aux biens et aux services, sans oublier bien évidemment l’impact des transports publics sur la santé des citadins, mais aussi sur les changements climatiques.

Pour ce faire, il est nécessaire de répertorier les nouvelles solutions et technologies accessibles aujourd’hui en matière de mobilité durable, prendre en considération les spécificités marocaines et africaines en matière de besoin en transport public urbain, en prenant en compte les expériences durables d’ores et déjà initiées et en s’adaptant à une «Ubérisation» grandissante et à fort succès auprès des usagers.

La question de la gouvernance pour le transport urbain en Afrique a également fait l’objet de débats. Il en ressort la nécessité de mettre en place les structures et mécanismes de gouvernance au niveau local avec le soutien d’un cadre institutionnel et législatif national. Pour cela, il est indispensable, estiment les experts, de décentraliser les compétences d’organisation du transport urbain au niveau des collectivités locales comme c’est le cas au Maroc. En fonction des pays, la bonne échelle serait régionale, dans d’autres, elle serait urbaine. Les experts ont recommandé la mise en place d’autorités couvrant de préférence tous les modes comme il en existe dans d’autres métropoles telles que Dubai, Londres ou encore Lyon.

Réduire les délais entre la décision de construire un système de transport et la date de mise en service reste l’un des défis importants pour la gestion de projets de développement urbain et de mobilité.

En effet, il a été constaté que la lenteur dans la réalisation des projets d’infrastructures est en contradiction avec le développement rapide des villes africaines. Ce retard dans le développement du transport public doit, toutefois, être vu comme une opportunité car, encore une fois, les nouvelles technologies permettent de brûler certaines étapes.

L’occasion de créer un modèle qui fasse le saut des infrastructures classiques permettant de créer son propre socle de mobilité et de développement électrique. Car les solutions de mobilité électrique existent, assurent les experts. Elles sont agiles et apportent de la souplesse dans le réseau et les sujets d’électrification. Il a été constaté que les acteurs sont prêts à travailler de manière collaborative pour accompagner les acteurs locaux à enclencher ce mouvement. Ils attendent des demandes de démonstrateurs d’initiative publique ou privée, et évidemment un cadre régulatoire favorable.

A charge pour les autorités d’attirer et former les talents et compétences qui vont développer, gérer, opérer et administrer les systèmes de transport en développant par exemple, des structures de formation, en évitant la fuite des cerveaux et en définissant des statuts spéciaux qui permettent de mieux payer les cadres du transport public.

Sur les questions de financements, les experts ont souligné l’importance de définir des mécanismes de financements structurels et pérennes. Plusieurs pistes ont été évoquées: taxes sur les carburants, versement transport, péage urbain, captation de la plus-value foncière/immobilière, fonds dédiés etc…

Les participants ont également insisté sur la complémentarité entre les financements institutionnels (Banque Africaine de Développement et Banque Mondiale), financement privé (en distinguant les investisseurs institutionnels privés et le recours à l’épargne publique) et le financement par externalités évitées, notamment les péages, les taxes… Les banques de développement, présentes, rappellent qu’elles sont là quand le financement privé ne suffit pas à porter le risque/ les investissements. Les experts ont également insisté sur le gisement des sources de financements issus de l’épargne du grand public, en donnant l’exemple des gisements de l’épargne asiatique, qui servent en particulier déjà l’appui au développement des projets en Afrique.

En conclusion, il est à souligner que des efforts ont été certes déployés, à des niveaux différents, pour le développement des infrastructures de transport. Néanmoins, le continent africain, qui connaît actuellement une croissance économique structurelle sans précédent, a un besoin urgent de développer ses infrastructures de transport, pour faire face à l’évolution sans cesse de la demande : la croissance démographique, la rapide expansion urbaine et la forte industrialisation conjuguée avec une dynamique socio-économique de plus en plus importante. Pour réussir une transition vers un transport durable, il est nécessaire de penser un système de transport collectif (complémentarité, multimodalité, efficacité pragmatisme, optimisation…) bâti autour des déplacements où le train, le tram, le bus électrique, les taxis,…, se rejoignent tous au niveau des gares ferroviaires, hubs urbains de mobilité durable, dans le cadre de la politique d’aménagement des territoires.

Il est également nécessaire de privilégier des modes propres et économes en énergie et en espace. Enfin, mettre en place des montages financiers et institutionnels adéquats et innovants prenant en compte les caractéristiques de ce genre de projets, dont la réalisation traduit un signal fort de la volonté d’asseoir les fondements d’une nouvelle politique de déplacement.

Fairouz El Mouden

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