Entre transition et défis

Souveraineté sanitaire au Maroc

Ouardirhi Abdelaziz

L’histoire de la médecine est intimement liée à celles des ressources humaines, des médecins, infirmiers, mais aussi  la disponibilité des médicaments, des produits de santé et leur accessibilité. Des pays que l’on croyait très performants et disposant d’un système de santé exemplaire, se sont retrouvés lors de la pandémie Covid dans des situations dramatiques.

Le sujet de la souveraineté sanitaire ne laisse personne insensible, quoi de plus normal dés lors que nous savons tous qu’il s’agit avant toute chose de notre santé, de notre bien-être. Et dans ce registre, il est essentiel de rappeler que le médicament occupe une place très importante pour soulager nos douleurs, pour traiter nos pathologies , pour restaurer notre santé défaillante en cas de faiblesse ou de maladies .

Intervenant lors d’un webinaire organisé par la chambre Britannique de commerce pour le Maroc sous le thème : « Souveraineté sanitaire au Maroc : Entre défis et ambitions », le professeur Bouchra Meddah , directrice des médicaments et de la pharmacie au ministère de la Santé et de la protection sociale , a passé en revue l’importance du médicament pour un pays comme le Maroc, sa disponibilité, son accessibilité et donc notre capacité à produire localement pour ne plus dépendre des autres .

Al Bayane revient sur certains aspects essentiels de cette intervention et analyse le contenu des éléments qui ont une importance indéniable dans le développement et la réussite de notre système de santé et ce au moment où notre pays met progressivement en place la couverture sanitaire universelle.   

Garantir l’accessibilité financière et géographique

Dans ce sens,  alors que le Maroc sous la conduite éclairée de Sa Majesté le Roi Mohamed VI, entreprend la réalisation de très grands projets sociaux dans le domaine sanitaire, des projets révélateurs de l’attention particulière qu’accorde le Souverain à la protection à l’élargissement de l’accès des populations aux services de santé, à l’amélioration de la qualité des soins, à la disponibilité des médicaments et produits de santé.

Notre pays déploie des efforts pour assurer sa souveraineté sanitaire, et la couverture médicale généralisée. Ce sont deux impératifs, deux défis auxquels le Maroc va s’atteler dès aujourd’hui. 

Si on prend l’exemple des médicaments et des produits de santé et la couverture sanitaire universelle, cela va impliquer directement l’accessibilité financière, l’accessibilité géographique à ces produits de santé. Cela veut dire d’abord des médicaments et des produits de santé disponibles pour éviter des tensions, des ruptures de stocks. Un modèle de pression soutenable pour le système de financement de la santé, et rémunérations aussi pour les entreprises du secteur.

La pandémie de la Covid-9, a démontré au grand jour un manque flagrant de plusieurs ressources nécessaires éventuellement dans notre continent en Afrique, et ces manques ont eu des répercussions sur le secteur de la santé qui dépassent parfois les conséquences directes de la Covid .

Sollicitude Royale sans cesse renouvelée pour la santé

Cette pandémie a forgé un consensus des différents acteurs des secteurs public et privé de la santé autour de l’urgence de développer la fabrication locale de médicaments, la souveraineté sanitaire, l’indépendance. Dans ce sens, en annonçant le projet de la couverture sanitaire universelle, Sa Majesté le Roi Mohammed VI que Dieu l’assiste, a placé un prérequis, ou tout au moins un lien direct entre un plan de relance économique et le grand projet de la couverture sociale universelle.

« Cette crise a révélé un ensemble de dysfonctionnements, de déficits et elle a eu un impact négatif sur l’économie nationale et l’emploi. C’est pourquoi nous avons lancé un plan ambitieux de relance économique, et un grand projet de couverture sociale  universelle. »

En effet, le challenge de la généralisation de la couverture sanitaire universelle et principalement sa soutenabilité financière.

Dans un message adressé aux participants de la journée mondiale de la santé organisée à Rabat en 2019, sous le thème : soins de santé primaire, la voie vers la couverture santé universelle,

Sa Majesté le Roi Mohamed VI, avait affirmé que pour honorer cet engagement de la couverture médicale universelle, il convient pour notre pays de réunir certaines conditions fondamentales, pour notre système de santé. Parmi lesquelles, l’adoption d’une politique pharmaceutique nationale pertinente pour garantir à la fois, l’accès aux traitements prioritaires, les médicaments des programmes de santé publique, et l’encouragement de la production locale pour assurer la souveraineté sanitaire et la souveraineté médicamenteuse.

Priorité à la production nationale

Donc la souveraineté sanitaire implique à la fois la capacité de produire, de fournir localement les soins, les médicaments, les examens nécessaires pour poser le diagnostic, dans le respect des standards internationaux. Elle requiert également la maitrise des coûts afin de répondre aux besoins actuels et futurs induits par la généralisation de la couverture sanitaire  universelle.

Dans ce même registre, Il faut aussi ajouter la protection contre la  concurrence étrangère, la limitation des brevets, et encourager la préférence nationale.

Pour relever ces défis, le ministère de la Santé s’est mobilisé en collaboration avec l’organisation mondiale de la santé (OMS ) pour élaborer une nouvelle politique pharmaceutique nationale 2022-2026. Une nouvelle politique pharmaceutique qui est adaptée aujourd’hui au contexte actuel, mais aussi pour répondre aussi aux défis futurs, et ce dans une approche participative.

Dans ce sens le département de la Santé et de la protection sociale,  a initié plusieurs ateliers avec les différents représentants des secteurs, et également les représentants des professionnels de la santé, et la société civile . On a inclus toutes les différentes parties prenantes des secteurs public et privé. Le résultat de toutes ces consultations, de tous ces travaux sera prochainement présenté par le professeur Khaled Ait Talab, ministre de la Santé.

Les travaux des différents ateliers et les propositions reçues des différents acteurs, et les organisations professionnelles ont fait émerger un consensus autour d’un certain nombre d’actions.

Développer le made in Morocco

La première, c’est une action de prérequis pour la création d’une agence nationales de régulation du secteur des médicaments et des produits de santé, de tous les moyens nécessaires pour accompagner l’ambition et les besoins du secteur, aussi bien du point de vu réglementaire, qu’au niveau du contrôle qualité, et au niveau de la souveraineté médicamenteuse.

Un travail en profondeur a été entrepris jusque-là. Et comme on peut le constater, ce ne sont pas les pistes d’actions qui manquent encore. Faut-il avoir les moyens de l’exécution. L’urgence de cette action est d’autant accentuée que notre pays est candidat aujourd’hui pour l’accueil du siège de l’agence Africaine des médicaments.

Deuxièmement, c’est la nécessité de développer le made in Morocco  , mais aussi le made with Morocco. A titre d’exemple, le protocole d’accord visant le développement de l’industrialisation et du sourcing local des dispositifs médicaux et produits de santé a été signé en décembre 2021 entre le ministère de la Santé et le ministère de l’Industrie, ainsi qu’avec l’association Marocaine des groupes de santé, et le cluster médical Morocan médical and médical industry, afin de mettre à la disposition des établissements industriels locaux toutes les expertises institutionnelles, le potentiel humain et technique qualifié pour les accompagner .

Quid des prix des médicaments ?

Dans le cadre de la préparation de la couverture sanitaire universelle, le ministère de la Santé en collaboration avec la chefferie du gouvernement, le ministère des finances et le ministère chargé du budget, sont en train de préparer un projet de révision des prix des médicaments.

Il est utile de rappeler que les coûts des médicament impactent sur les caisses, nous avons entamé des discussions avec le système Britannique pour voir leur expérience dans l’élargissement de la couverture sociale ; pour voir quels sont les mécanismes et les mesures mises en place dans le secteur de la fixation des prix des médicaments.

L’élément humain au centre de notre dispositif sanitaire

Tous les éléments que Bouchra Maddah, directrice des  médicaments et de la pharmacie au ministère de la Santé et de la protection sociale, a exposés lors de son intervention, sont importants. Mais il faut reconnaitre que l’élément central, le cœur battant de notre système de santé sont ses ressources humaines.

En effet, les médecins, les infirmières, les infirmiers, les techniciens, les sages-femmes, sont notre principale richesse. Et la plus belle preuve, c’est leur mobilisation lors de la pandémie du Covid-19.

Ces professionnels étaient en première ligne, jour et nuit, 24 H / 24 H, au chevet des malades et ils ont pu soigner 1 million 300 milles citoyens sans jamais se départir de la tache.

S’il est vrai que la santé à un coût, et que le niveau de santé d’une population est intimement lié aux moyens qui sont consacrés pour assurer les meilleurs soins possibles à cette même population. Il faut aussi reconnaitre que quels que soient les moyens financiers, ou la haute technologie dont on peut disposer pour effectuer des soins, ces derniers ne seront jamais efficaces, performants, de qualité, si on ne dispose pas de ressources humaines en nombre suffisants.
Au Maroc, l’un des principaux défis que doit relever notre système de santé est justement celui de la pénurie des ressources humaines.

Il semble utile et opportun de rappeler ici, comme nous le faisons toujours, que la réussite de toute réforme qui cherche à asseoir sur des bases solides son système de santé, de mettre en place la couverture santé universelle, que cela dépend en grande partie des ressources humaines (médecins-infirmiers…) , qui constituent le principal intrant. C’est de la performance et du nombre du personnel utilisé, que dépend en majeure partie, la qualité des soins dispensés et le bon fonctionnement des structures de santé et partant la santé et le bien- être de notre population.

La lettre Royale adressée aux participants à la 2è conférence nationale sur la santé organisée les 1er, 2 et 3 juillet 2013 à mis en exergue la place des ressources humaines. Sa Majesté le Roi Mohammed VI avait rappelé à cet effet que : « ……Partant de notre intime conviction quant au rôle central de l’élément humain pour l’aboutissement des chantiers de reforme, nous vous invitons à entourer la question des ressources humaines dans ce secteur vital,  de toute l’attention qu’elle mérite.

Il convient donc de leur assurer une formation de qualité et, par conséquent, de garantir leur mise à niveau et leur adaptation à l’évolution scientifique et technologique intervenues en matière de traitement, de prévention, de gestion et de gouvernance sanitaire, et ce , conformément aux normes internationales.

Il est également nécessaire d’assurer des effectifs suffisants dans toutes les spécialités et tous les métiers de santé pour répondre à la demande croissante en services de santé et d’encourager la recherche et l’innovation dans les domaines de la médecine, de la pharmacologie et de l’industrie nationale du médicament .. »

Tout est clair, tout a été dit, il ne reste plus qu’à se mettre au travail et à remédier aux lacunes.  

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