«J’écris à partir de mes sentiments d’humain»

L’écriture a-t-elle des missions à accomplir? Que vaut le texte quand il ne répond pas aux questions et aspirations de son contexte? L’écriture est-elle une issue pour l’Homme, un lieu pour lui rendre hommage, le fêter et le transcender?  Le dramaturge Abdelkrim Berrechid dans son monodrame «les gens et les pierres» célèbre l’humain et nous le confie.

Al Bayane : Vous avez présenté votre monodrame «les gens et les pierres» à la 18e édition du festival national du théâtre. Parlez-nous du processus d’écriture de cet ouvrage? Qu’est ce qui a changé depuis les années 70 ?

Abdelkrim Berrechid : Beaucoup de choses ont changé depuis les années 70. Lors de la présentation de l’ouvrage, j’avais évoqué la situation du monde à l’époque, avec ses conflits idéologiques, notamment durant la guerre froide. A cette époque, les complots étaient à la mode. L’écriture avait, à un moment donné, son contexte, ses circonstances et ses conditions qui étaient très dures, mais malgré tout, les choses étaient claires. Au moins, on savait où on marchait. Le monde a changé. Aujourd’hui, on vit une autre époque, un autre contexte avec la guerre contre le terrorisme, la destruction de l’Iraq, de la Syrie… J’écris à partir de mes sentiments d’humain dans la mesure où l’être humain forme un tout avec sa diversité et sa pluralité. L’art et l’écriture sont des moyens pour s’ériger contre les prisons, qu’elles soient physiques ou symboliques.

Pourquoi le monodrame? Est-ce un canal pour mieux incarner la condition humaine?

Le monodrame exprime la solitude de cet homme solitaire, mais solidaire. Dans la pièce, il ne s’agit pas de monodrame parce quand un homme choisit d’être seul et solitaire, il trouve une issue dans son imaginaire. Il invite des protagonistes qui peuplent son imagination. Dieu a créé l’homme pour parler et s’exprimer. Le monodrame est une extériorisation de la solitude, de l’étrangeté, de la quiétude ontologique et de l’exil.

L’homme des temps modernes est, si nous n’osons le dire, déchiré au niveau de sa conscience, sa vision et même de ses choix. Quid de votre écriture dans ce sens?

Dans l’écriture, je crois en l’Homme. Je le fête dans sa splendeur, sa grandeur et son humanisme. De nos jours, l’Homme a perdu son essence. La société l’a métamorphosé. Il est devenu un objet de publicité, d’écrans et de vitrines au lieu d’être un sujet passant à l’acte et à la mise en œuvre. Pis encore, cette perte de vraies valeurs humaines, qui entache la vie et la dignité de l’être humain, a rendu le monde sans essence. Cette société est une société de l’image et de la consommation ; l’homme est devenu un «étant». La société devrait être une société de droit, libre, civile, non pas une jungle, une société machinale. On aspire à une société qui vénère l’Homme, l’humain.

Où en est-on de l’écriture dramatique en général et du monodrame, en particulier au Maroc ?

Le Maroc a un grand potentiel en matière d’écriture d’une manière générale et de monodrame, d’une manière particulière. Cette dernière est basée essentiellement sur la réflexion rationnelle. L’homme, quand il est seul, s’interroge, pense et questionne. Et pour penser, il a besoin du silence et de la solitude.

Mohamed Nait Youssef

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