L’arganier dispose de mécanismes uniques d’adaptation et de résilience

Propos recueillis par Meryem HERRAG – MAPA la veille de la célébration du deuxième anniversaire de la journée internationale de l’arganier, Abdelaziz Mimouni, chef du Centre régional de la recherche agronomique d’Agadir présente, dans une interview accordée à la MAP, l’écophysiologie de cet arbre, que l’on ne retrouve nulle part au monde, sauf dans le sud ouest du Maroc.Cet expert marocain met, en outre, en relief la résistance de cet arbre à la sècheresse, la désertification et l’érosion et évoque les moyens pour améliorer le secteur de l’arganier.

Quelle est la nature de l’écosystème qui favorise le développement de l’arganier?

L’arganier est une espèce rustique qui appartient à la famille tropicale des Sapotacées, dont elle est la seule représentante septentrionale dans la région méditerranéenne. Au Maroc, cet arbre se trouve dans la région du Souss-Massa et s’étend de l’oued Tensift au nord, à Tiznit et Tafraout au sud, et aux abords du Jebel Siroua à l’est. Des arganiers se trouvent aussi à la Basse-Moulouya dans les Beni-Snassen au nord-est du pays et aux bordures du Sahara dans le Draâ.  L’arganier se trouve dans des zones où la pluviométrie est très variable. Il pousse depuis le niveau de la mer jusqu’aux environs de 1.400 m d’altitude. L’actuelle arganeraie concerne plusieurs unités et étages bioclimatiques allant des zones semi-arides fraîches et dans les zones subhumides dans la montagne du Haut-Atlas jusqu’aux zones tempérées du Sud avec des températures qui peuvent atteindre 45°C. Il semble que l’arganier apprécie l’air humide avec une influence océanique, mais il disparaît dans les zones de montagnes avec les basses températures prolongées.

Comment l’arganier contribue-t-il à la lutte contre la désertification et l’érosion ?

L’arbre de l’arganier est peu exigeant en matière de type de sol avec une présence dans différents types de sol allant des sols peu évolués, sablonneux et lourds aux sols avec salinité. Cependant, il pousse rarement dans des sables mobiles qui nuisent au bon développement de son système racinaire. De ce fait, l’arganier joue un rôle primordial dans la lutte contre la désertification avec ses caractéristiques physiologiques et écologiques particulières. Cet arbre est unique dans la tolérance et l’adaptation aux changements climatiques. En effet, l’arganier dispose de mécanismes uniques d’adaptation et de résilience à la rareté de l’eau en comparaison avec d’autres espèces.Durant les sécheresses prolongées que connaît la majorité de son aire géographique, l’arganier s’adapte avec différents mécanismes tels que la chute de ses feuilles, des fruits et avec les premières pluies, il reprend vie contrairement à l’olivier ou l’amandier.  En ceci, dans les régions arides et semi-arides où il pousse, l’arganier est quasiment irremplaçable dans la conservation des sols et pour la lutte contre l’érosion des sols. En effet, l’arganier protège le sol par l’ombre portée de sa cime dense dans les régions subdésertiques où l’ennemi principal de la végétation est la sécheresse et la dessiccation solaire. Aussi, d’une manière globale, l’arganeraie assure la protection du sol contre l’érosion éolienne et contre le ruissellement. L’arganier joue un rôle capital dans l’amélioration de la fertilité des sols par leur enrichissement en éléments fertilisants et surtout l’augmentation de leur matière organique, ce qui contribue à la séquestration du carbone et par la suite l’atténuation des effets des changements climatiques.

Quels sont les moyens pour améliorer le secteur de l’arganier ?

La nouvelle stratégie de développement agricole « Génération Green », tracée par le ministère de l’Agriculture, prévoit un ensemble d’actions pour l’amélioration de la productivité, la rentabilité et la durabilité du système de l’arganeraie face aux changements climatiques.  Parmi les principales activités, il est prévu l’accélération du programme de plantation d’arganier en forêt en rehaussant, dans le cadre de l’objectif 2020 de réhabilitation de l’arganier forestier, de 146.000 ha à 400.000 hectares (ha). Aussi, il est prévu la plantation de 50.000 ha en arganiculture afin d’alléger la pression anthropique et industrielle sur les forêts d’arganier naturelles et pour stabiliser la production et améliorer sa qualité en passant de 5.600 tonnes de production de l’huile d’argan en 2020 à 20.000 tonnes en 2030.  La stratégie vise aussi à accélérer la recherche & développement par la capitalisation sur les avancées techniques, notamment en termes de multiplication des nouvelles variétés sélectionnées et performantes. En effet, les variétés ou clones performants est un point clé à prendre en considération pour assurer une productivité durable et optimale chez l’arganier. Actuellement, la recherche des écotypes ou clones performants, soit par l’exploitation de la diversité génétique existante ou par le volet de l’amélioration génétique, constitue un besoin nécessaire pour la sauvegarde et le développement de la filière arganier.  Dans cette perspective, des écotypes ou clones performants et résistants aux changements climatiques doivent évoluer de façon à répondre aux besoins de la profession et des agriculteurs. D’ailleurs, parmi les doléances prioritaires de l’interprofession, des pépiniéristes, des organismes de développement (l’Agence nationale de développement des zones oasiennes et l’arganier, directions régionales de l’agriculture, directions provinciales de l’agriculture…) et des agriculteurs, c’est la sélection d’un matériel végétal performant à travers la création de variétés de haut potentiel selon les besoins des agriculteurs et investisseurs.Aussi, la stratégie « Génération Green » met à la disposition de l’interprofession des moyens pour la valorisation et la modernisation de l’outil de transformation et de conditionnement au niveau des unités locales et nationales, à travers des incitations pour la certification et le marketing et la recherche de nouveaux partenaires commerciaux et de nouveaux débouchés. Dans ce sens, la stratégie « Génération Green » prévoit d’augmenter les quantités de l’huile d’argan conditionnées pour passer de 20% à 50% et aussi promouvoir l’export.Pour une meilleure profitabilité, équité et durabilité de la filière d’argan, la stratégie propose la structuration du tissu des producteurs autour de groupements intégrés, avec un soutien à l’émergence de GIE/(Groupement d’intérêt économique) intégrés amont-aval regroupant les coopératives et consolidant la production, la transformation, le contrôle qualité et la commercialisation.Toutes ces actions peuvent constituer un levier pour la durabilité et la modernisation de la filière de l’arganier dans les dix prochaines années.

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