cette question et à agir en commun pour l’élaboration et la mise en œuvre de cette politique publique.
Le CNDH recommande, à cet effet, que cette politique intègre quatre grandes composantes concernant la situation des réfugiés et des demandeurs d’asile, les étrangers en situation administrative irrégulière, la lutte contre la traite des personnes et les étrangers en situation régulière.
S’agissant de la situation des réfugiés et des demandeurs d’asile, le Conseil invite le gouvernement marocain à reconnaître effectivement, en attendant la mise en place d’un dispositif législatif et institutionnel national de l’asile, le statut de réfugié délivré par le HCR, en délivrant aux réfugiés statutaires un titre de séjour.
Il lui recommande aussi de mettre en place une politique d’insertion desdits réfugiés et de leurs familles, en matière de logement, de santé, de scolarisation des enfants, de formation et d’emploi et de permettre aux réfugié-e-s statutaires marié-e-s, mais parvenus seul-e-s sur le territoire national, de procéder légalement au regroupement familial.
Le CNDH demande également au gouvernement de garantir le respect du principe de non-refoulement en tant que pierre angulaire du droit des réfugiés, en permettant notamment aux demandeurs d’asile potentiels de formuler, à leur arrivée sur le territoire marocain, une demande d’asile et de mettre en place un dispositif juridique et institutionnel national de l’asile, qui se fonde d’une part sur les principes énoncés dans le préambule de la constitution marocaine de 2011, et qui organise d’autre part le statut du réfugié au Maroc et les conditions de l’exercice du droit d’asile reconnu dans l’article 30 de la constitution.
Dans l attente de la mise en place dudit dispositif, le gouvernement, suggère le CNDH, est invité à renforcer le partenariat avec le HCR et accompagner son action en lui facilitant notamment l’accès aux demandeurs d’asile sur l’ensemble du territoire national.
Le CNDH appelle le gouvernement, le bureau du HCR au Maroc et la société civile marocaine à commencer, dès à présent, des discussions pour l’élaboration et la mise en œuvre de cette politique d’insertion, tout en exprimant sa disponibilité à y concourir.
Concernant les étrangers en situation administrative irrégulière, le CNDH estime qu’il est temps que le gouvernement considère officiellement l’élaboration et la mise en place d’une opération de régularisation exceptionnelle de certaines catégories de migrant-e-s en situation administrative irrégulière, selon des critères qui tiennent en compte la durée de séjour au Maroc, le droit de vivre en famille, les condition d’insertion dans la société marocaine, les accords d’établissement conclus par le Royaume avec des pays amis.
Il exhorte les organisations internationales du système des Nations unies, les pays partenaires du Maroc, notamment européens, et l’Union européenne à agir activement pour la réussite d’une telle opération, en mobilisant les ressources humaines et financières nécessaires pour la mise en place d’une véritable politique d’insertion des migrant-e-s régularisables. Considérant les contraintes économiques et sociales qui pèsent sur un pays comme le Maroc, une coopération internationale ambitieuse est à cet égard vitale, insiste le Conseil, estimant que cette dimension devrait figurer comme une des priorités du partenariat pour la mobilité, récemment conclu.
Considérant le fait que le Maroc, comme l’ensemble des pays du monde, continuera à accueillir durablement des groupes de migrant-e-s en situation irrégulière, et sans contester le droit des autorités à contrôler l’entrée et le séjour des étrangers, le CNDH rappelle fermement que les dits étrangers sont protégés par l’ensemble des garanties constitutionnelles, notamment contre la discrimination, les mauvais traitements, les procès inéquitables, et sont titulaires de droits affirmés par le droit international dont la Convention et l’Observation générale N 2 du Comité, récemment adoptée.
Dans ce cadre, le CNDH invite le gouvernement à garantir aux migrants irréguliers en cas d’arrestation, de mise en détention provisoire ou de jugement l’accès effectif à la justice (accès à des avocats et des interprètes compétents, accès aux autorités consulaires, accès aux procédures d’asile, accès aux soins, etc.), à développer des programmes de formation et de sensibilisation destinés aux personnels des administrations chargées de la question de la migration (forces de l’ordre, police des frontières, personnel des prisons, juges, personnel soignant).
Il lui suggère aussi d’accorder une attention particulière à la prise en charge matérielle et juridique des mineurs étrangers non accompagnés et des femmes migrantes, en veillant notamment à l’accompagnement psychologique et médical des victimes des violences, à bannir toute forme de violence exercée contre les migrants en situation irrégulière lors des opérations d’interpellation, à prendre des mesures pour dissuader les employeurs qui exploitent les migrants en situation irrégulière, et à garantir à ces derniers les possibilités d’accéder à l’inspection du travail sans crainte et à faciliter l’enregistrement des nouvelles naissances et l’octroi des certificats de décès.
Tout en saluant l’action de la société civile impliquée dans la défense des droits des migrant-e-s et des demandeurs d’asile, le CNDH estime que son implication active et concertée est essentielle dans ce domaine et appelle à la mise en place d’une plateforme permanente de concertation entre les pouvoirs publics et la société civile nationale et internationale, permettant l’échange d’information, la mobilisation de l’aide humanitaire et de l’expertise juridique nécessaires, la diffusion des bonnes pratiques, les retours volontaires aidés. Pour ce qui est de la lutte contre la traite des personnes, le CNDH invite le gouvernement à introduire dans le code pénal des dispositions réprimant le recrutement, le transport, le transfert, l’hébergement ou l’accueil de personnes, par la menace du recours ou le recours à la force ou d’autres formes de contrainte, par enlèvement, fraude, tromperie, abus d’autorité ou d’une situation de vulnérabilité, ou par l’offre ou l’acceptation de paiements ou d’avantages pour obtenir le consentement d’une personne ayant autorité sur une autre aux fins d’exploitation.
Dans le même sens, le CNDH propose que la définition de l’exploitation comprenne au minimum, l’exploitation de la prostitution d’autrui ou d’autres formes d’exploitation sexuelle, le travail ou les services forcés, l’esclavage ou les pratiques analogues à l’esclavage, la servitude ou le prélèvement d’organes.
En outre, le Conseil recommande d’introduire dans le Code pénal des dispositions protégeant particulièrement les mineurs, en considérant la commission d’une infraction de traite des personnes à leur égard comme une circonstance aggravante.
Afin d’assurer une protection effective des victimes présumées de la traite des personnes, le CNDH propose d’amender l’article 82-7 du Code de procédure pénale afin d’assurer la protection des victimes, des témoins, des experts et des dénonciateurs en ce qui concerne les infractions de traite des personnes.
Afin de faciliter la mise en œuvre des recommandations précitées, le CNDH propose au gouvernement de s’inspirer des dispositions de la loi type contre la traite des personnes élaborée par l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (UNODC) en 2009.
Pour accompagner les réformes législatives proposées, le CNDH recommande au gouvernement de lancer une enquête nationale sur le phénomène de la traite des personnes, d’élaborer, d’une manière concertée, un plan national de lutte contre la traite des personnes, de mettre en place un programme spécifique de formation en vue de renforcer les capacités des responsables de l’application des lois en matière de lutte contre la traite des personnes, de renforcer la coopération entre les différents services concernés par la lutte contre la traite des personnes (Police des frontières, Sûreté nationale, Gendarmerie Royale, Justice), ainsi que le partenariat avec les associations œuvrant dans le domaine de lutte contre la traite des personnes et la protection des victimes.
Le CNDH invite le gouvernement, en ce qui concerne les étrangers en situation régulière, à procéder à la révision des articles 24, 25 et 26 du Dahir n 1-58-376 du 3 joumada I 1378 (15 novembre 1958) réglementant le droit d’association tel qu’il a été modifié et complété par les lois n 75-00 et 07-09 dans un sens alignant le statut juridique des associations étrangères sur celui des associations nationales.
Il préconise également la révision des articles 3 et 4 de la loi n 9-97 formant code électoral telle qu’il a été modifiée et complétée par les lois 23-06 et 36-08 et afin d’accorder aux ressortissants étrangers résidant au Maroc la possibilité de participer aux élections locales en vertu de la loi, de l’application des conventions internationales ou de pratiques de réciprocité.
Le Conseil propose en outre la révision de l’article 416 de la loi n 65.99 formant code du travail dans un sens permettant aux travailleurs migrants d’accéder aux postes d’administration et de direction des syndicats professionnels auxquels ils sont affiliés, ainsi que la ratification des Conventions N 97 et 143 de l’OIT sur les travailleurs migrants, vu leur impact structurant sur les garanties des droits sociaux de cette catégorie de travailleurs.
Dans le même sens, et vu l’importance des nouvelles garanties offertes par l’article 8 de la Constitution en matière des libertés syndicales, le CNDH recommande la ratification de la Convention N 87 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical.
Il invite le gouvernement à négocier systématiquement, dans le cadre des accords économiques bilatéraux ou multilatéraux, et sur la base de réciprocité, l’ouverture du marché du travail tout en protégeant les droits sociaux des travailleurs par des clauses sociales adéquates.
Pour réussir, le CNDH estime que cette nouvelle politique publique, pressante et en rupture avec la situation et les pratiques actuelles, exige une implication active de l’ensemble des acteurs sociaux et des partenaires internationaux du Maroc. A cet effet, il formule plusieurs recommandations en direction du Parlement, des médias, des entreprises et de l’action syndicale
Le CNDH souligne en conclusion qu’en relevant un tel défi, le Maroc pourrait constituer pour de nombreux pays du Sud, confrontés à des problématiques similaires, un exemple bénéfique.