Le couscous est-il menacé ?

Après la prière du vendredi, la Grande Mosquée se vide. La clameur monte dans la place adjacente pour vanter la qualité des produits à l’étalage alors que les commerçants des alentours retrouvent leurs échoppes. En très peu de temps la foule se disperse ; alors que les flâneurs essayent de trouver où se sustenter.

Juste derrière la mosquée, ce qui fût un marché structuré est devenu un grand espace de restauration rapide. Au coin ; des gens, de condition et d’âge différents, sont attablés comme ils peuvent devant un commerce transformé en cuisine. Dedans, des femmes s’agitent autour de faitouts alors que les demandes s’effectuent. De la grande gas3a, pour tant de dirhams, à emporter à l’assiette individuelle avec sa dose de petit lait à consommer sur place. Le moment est celui du couscous.      

Le couscous est le plat convivial par excellence. Le vendredi, il est au menu dans presque toutes les maisons de notre beau pays. Il fut un temps où ce plat magique était aussi celui des fêtes ; celle où les tolbas psalmodiaient le texte saint et les louanges au prophète ou celle qui se terminaient au petit matin par le marsaoui et les noubas andalouses.

Le couscous est aussi le plat du pauvre qui rassasie les ventres. Chez les gens d’en bas, si le pain reste sacré car bénédiction de Dieu ; le grain de couscous, consommé pour ne pas être abandonné, permet d’aller directement au paradis croit-on.

C’est ce qui explique l’importance de la consommation marocaine en blé (trois fois plus que la moyenne mondiale) et en autres céréales, à tel point qu’il faut en importer pour quelques centaines de millions de dollars. Il manque à cette consommation annuelle la moitié environ pour l’assurer. Pour l’instant rien n’augure que le couscous soit menacé !

Au fait c’est le prix de l’huile qui fait tache. Son augmentation est sur toutes les langues. Celles-ci se délient pour aborder la spéculation sur le foncier, les scandales qui s’ensuivent, les sommes d’argent en jeu traduites en centimes pour apprécier leur importance, la corruption et la dépravation de certains, la sécheresse et ses conséquences sur la vie de tous les jours. Le renchérissement continuel des prix à la pompe et ses incidences et la négligence dont souffre les affaires publiques sont étayées par des exemples du vécu de chaque intervenant.

Les conditions exogènes de cette inflation sont effleurées sans trop de détails. L’intérêt est beaucoup plus porté sur les développements de la cherté de la vie et le manque d’information sur les moyens d’affronter ce fléau et d’y mettre fin. Les gens s’expriment en usant de l’indéfini pour parler des responsables. Une autocritique sur le choix du vote calme les ardeurs revendicatives. Le jeu de mots sur le pigeon, sa fiente qui tombe du haut et se faire pigeonner tombe comme un rideau sur une scène de théâtre.

La déception est grande autant que la désillusion sur l’action gouvernementale et son efficacité. Ce microcosme social, autant qu’il peut refléter dans son activité celle d’une partie de la population, semble vivre ses heurs et ses malheurs en fonction de la possible disponibilité de son alimentation. Au quotidien, les gens continuent à le supporter dans la bonne humeur et la convivialité sans sembler attendre son amélioration. L’horizon est celui de la grande fête, celle du sacrifice du mouton…

C’est le plus vieux qui, en se levant de la table, le dit : tant qu’un grain de couscous peut se préparer dans ce pays, il n’y aura aucune peur pour l’avenir. Notre peuple est travailleur, il saura comment affronter l’adversité comme il est resté vigilant pour défendre son intégrité territoriale. Il faut seulement que ceux d’en haut fassent le travail pour assurer les besoins de ceux d’en bas en santé, éducation, logement décent et autres besoins. Qu’Allah nous aide à améliorer nos politiques publiques.  

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