Invité aux Etats généraux de la culture, Mohamed Amine Sbihi, a donné le résultat de sa politique culturelle depuis 2012 qu’il estime «positif», même s’il est critiqué par des acteurs du milieu.
Accompagné d’un clown fardé de blanc, le ministre de la Culture a été reçu sur un tapis rouge jusque dans le grand chapiteau du théâtre Nomade. Dans le cadre des Etats généraux de la culture organisés dans les anciens abattoirs de Casablanca, Mohamed Amine Sbihi a été invité vendredi 11 novembre pour détailler le bilan de ses quatre années au ministère de la Culture sous le précédent gouvernement de Benkirane.
L’homme du Parti du progrès et du socialisme a reconnu que «la culture a toute sa place dans la société marocaine mais que le ministère n’a pas mis en place une stratégie nationale à long terme», contrairement au tourisme et à l’agriculture. «Il est temps qu’une véritable politique de la culture se développe alors que le Maroc a les moyens», estime Mohamed Amine Sbihi.
Des propos dont se réjouit Aadel Essaadani, coordinateur général de l’association culturelle Racines : «On commence à parler de politique culturelle en utilisant les bons termes. On ne parle plus de poésie ou de philosophie mais bien de budget et de projets culturels au sens plus large, comme le théâtre ou le cirque».
Des progrès malgré un budget encore trop faible
Le ministre a fait le bilan de l’augmentation de budget accordé à la culture, qui a fait un bond de 20% depuis 2012 pour atteindre 711,2 millions de dirhams en 2016. Un montant pourtant estimé «insuffisant pour répondre à l’ensemble des attentes» par le ministère.
«Début 2012, nous avions un budget inférieur à 11 millions de dirhams pour soutenir des projets culturels. Aujourd’hui, il est de 65 millions mais nous aimerions atteindre les 100 millions de dirhams en 2020», détaille le ministre. Il rappelle que le ministère de la culture a soutenu la production de 3.113 projets depuis 2014, acceptés en fonction d’un cahier des charges, «qui ne se base pas sur le contenu», rassure-t-il.
Pour relancer les financements, Mohamed Amine Sbihi a évoqué un partenariat avec une grande banque marocaine, dont il a préféré taire le nom en attente de la confirmation de son directeur général en tournée en Afrique avec le roi Mohammed VI. Ce partenariat donnerait la possibilité aux projets sélectionnés par le ministère de recevoir des subventions et l’obtention d’un crédit intéressant de la part de cette banque.
Le budget reste tout de même trop faible, selon Abderrahmane Allal, responsable des études et de l’analyse politique à l’Institut Prometheus de démocratie et de droits de l’homme. «Le secteur est encore trop pauvre en terme de moyens attribués à la diffusion», estime le chercheur en sciences politiques et droits de l’Homme.
Un manque en ressources humaines
«Il y a bien un effort, des structures sont construites», concède Aadel Essaadani en évoquant les 54 nouvelles structures culturelles construites sur le territoire. Mais cet acteur de la culture marocaine estime qu’il «manque de ressources financières et humaines pour faire fonctionner les infrastructures que nous avons. Et une fois que l’on a les structures et les activités, il faut avoir le public», ajoute-t-il.
Le ministre de la Culture est conscient de ces carences en ressources humaines : «On se retrouve face à des problèmes de compétences pour gérer les sites, comme pour en faire la promotion, concevoir les plaquettes explicatives ou prévoir des guides et audioguides», énumère-t-il. Mais selon lui, la société civile doit «défier les institutions» pour créer de nouvelles choses et utiliser ces espaces culturels.
Un manque d’éducation
Mais le problème n’est pas uniquement budgétaire : «Sans politique éducative, on ne peut pas créer un marché de la culture», explique Rahamim Raymond Benhaim, président de l’association Racines. Aaadel Essaadani renchérit : «Pour que la consommation d’un bouquin entre dans les habitudes des Marocains, il est nécessaire de préparer les enfants à avoir un goût pour la culture, soit par des émissions de télévision qui parlent de livres, soit en leur en offrant un pour leur anniversaire». L’éducation est donc la clé pour préparer les futurs consommateurs de la culture à se comporter comme un véritable public.
Théa Ollivier (Tel Quel)