Le roman maghrébin et l’art de décrire le monde

Ellipse: Le miroir d’encre

Le miroir d’encre

Par Noureddine Mhakkak

I- Citation de Stendhal : «Un roman est un miroir qui se promène sur une grande route. Tantôt il reflète à vos yeux l’azur des cieux, tantôt la fange des bourbiers de la route».

II- J’ai aimé tant lire les romans de l’écrivaine Assia Djebar. C’était un grand plaisir pour moi d’acheter l’un de ses romans et de le lire attentivement. Lle lire avec beaucoup de plaisir et avec une soif littéraire incroyable. Car lire un roman d’Assia Djebar me mène toujours vers un univers romanesque très riche. D’abord par sa diversité et en plus, par la création étonnante de ses personnages dynamiques. Des personnages très complexes. Des personnages qui connaissent bien leur chemin dans la vie mais qu’ils choisissent un autre chemin pour la simple raison, celle de vivre en danger, en plein danger même. C’est le cas presque de tous ses personnages et surtout les personnages féminins. Assia Djebar donne une place très importante aux femmes dans tous ses romans. On peut citer là, à titre d’exemple, son beau roman «Les enfants du nouveau monde» où la femme vit sa liberté en pleine lumière malgré les efforts des hommes de son entourage qui ont essayé, mais en vain, de lui faire couper ses ailles pour ne pas se voler loin de leur autorité. El on ne peut pas ne pas citer aussi les autres forts romans, où les femmes arabes prennent la parole pour parler de leurs vies tels «Loin de Médine», «Les nuits de Strasbourg», «La femme sans sépulture», «Nulle part dans la maison de mon père » et bien d’autres. Assia Djebar sait raconter des belles histoires telle une vraie Schéhérazade. Elle sait raconter des histoires avec un très beau style littéraire et à travers une vision du monde si profonde. Une vision qui ne cesse pas de défendre les droits des femmes et leurs causes et qui ne cesse pas aussi de parler de l’amour comme un moyen de liberté personnelle et collective en même temps. C’est pour ces raisons citées ici et là qu’Assia Djebar reste et restera pour toujours comme une grande écrivaine universelle de notre temps.

III-Je viens juste de relire le roman «Chanson douce» de Leïla Slimani. Oui, bien sûr, celui qui a déjà obtenu le prix Goncourt de littérature dès le premier tour de scrutin, en 2016. Un roman qui ne ressemble à aucun des romans maghrébins qui abordent et traitent souvent les problèmes des émigrés maghrébins en France. D’ailleurs et pour cette raison même, on peut le considérer tout simplement en tant qu’un roman français tout court. Un roman qui a réussi à travers sa langue romanesque bien soignée et sa description tellement profonde des personnages, de nous offrir tout un monde romanesque très riche et très fascinant. Une fascination pleine de suspense et remplie d’ambiguïté. Leïla Slimani nous décrit, en vrai, deux mondes qui sont tout à fait déférents, au lieu d’un seul. Celui des jeunes familles dont le mari et l’épouse sont très occupés, chacun par son travail et par sa propre ambition de réaliser son rêve personnel, et celui des familles pauvres telle celle de l’héroïne de ce roman même qui travaille comme nounou chez ces genres de familles. Ces dernières, où la vie est devenue une succession de taches, selon l’expression même de l’écrivaine Leïla Slimani, d’engagements à remplir, de rendez-vous à ne pas manquer. Leïla Slimani joue, en plus, dans son roman là sur le style romanesque qui ne suit dès le premier chapitre aucune linéarité narrative. Un style romanesque qui nous plonge dans des temps très différents, celui du présent et du passé et qui nous pousse, en plus, à penser même au temps de l’avenir, notre propre temps qui est en train de se construire rapidement. Le temps d’un monde très moderne, et plus complexe en même temps.

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