République, le Cameroun n’est pas une monarchie. Mais il possède un très célèbre royaume, le royaume Bamoun, vieux de plus de sept siècles. Les détails.
En 1390, trois princes quittent leur terre natale, Mbamkim, et vont en aventure. Leur rêve : trouver une terre qui leur appartiendrait. Le prince Ncharé, fils du roi Yen, accompagné de ses deux oncles également princes, Morunta et Nguonso, atteignent le fleuve Mapé et se séparent. Morunta et Nguonso créent respectivement les royaumes de Nditam et Banso. Nchare voit plus loin. Il se laisse enchanter par les hauts-plateaux de l’Ouest, constituant l’actuel département du Noun. Son rêve le pousse à traverser le fleuve Noun pour s’accaparer des beaux paysages. En compagnie de sept personnes, entre guerriers et frères, il se dirige vers Djimom. Futé, il parvient à renverser le chef de ce village et s’autoproclame chef en 1393. C’est la naissance du Royaume Bamoun avec pour capitale Djimom. Toujours avide de plus de territoires, Ncharé poursuit sa conquête. Il annexe entre autres la ville de Foumban qui entre dans son giron et devient la nouvelle capitale de son royaume. Ses successeurs entreprendront d’autres conquêtes et multiplieront le territoire par quatre.
Aujourd’hui, la région bamoun couvre une superficie de 7 700 m² pour une population de 820 000 habitants. Il constitue 80% du territoire de la région de l’ouest. Son actuel roi, qui porte également le titre de sultan, Ibrahim Mbombo Njoya, est monté au pouvoir en 1992. Il est le 19e roi de la dynastie royale. Si l’actuel sultan des Bamoun est réputé et écouté par les autorités étatiques du pays, l’un de ses prédécesseurs, Ibrahim Njoya (1889-1933), est celui par qui le Royaume connut son apogée au début du XXe siècle.
Sous le règne de Njoya, le royaume Bamoun deviendra l’un des rares royaumes d’Afrique subsaharienne à avoir inventé une écriture. Au début du XXe siècle, alors que Njoya est en contact avec les peuls musulmans, il est séduit par le Coran et veut à tout prix inventer une écriture. Objectif : conserver l’histoire, les cultures, les us et coutumes du royaume qui n’existaient alors que par l’oralité. En 1896, naît l’écriture bamoun, le «Shü-Mom». Njoya élabore un système d’alphabet constitué de 510 signes qui sont des pictogrammes. L’écriture connaitra par la suite des évolutions et sera réduit à 80 caractères pour faciliter sa diffusion. Un livre d’histoire, de lois et de traditions des Bamouns de plus de 1.100 pages est alors rédigé au moyen de l’écriture royale. Sa réplique se trouve au Pitt-Rivers museum d’Oxford. Le sultan crée par la suite des écoles pour démocratiser l’écriture. Malheureusement, avec la colonisation, les français interdisent l’enseignement de cette écriture et favorisent uniquement le français. Ce qui limite la vulgarisation du«Shü-Mom». Njoya aura été également célèbre par la construction du palais royal actuel.
Le Royaume Bamoun aujourd’hui
Malgré tous les événements qui ont marqué le monde et le Cameroun, en particulier : la colonisation, l’indépendance, la mondialisation, ce royaume est resté attaché à son fonctionnement ancestral. Sa devise étant : honneur-travail-patrie.
En effet, l’organisation de la société est basée sur un système de castes. En bas de l’échelle, figurent les «esclaves», à l’origine le peuple des vaincus, condamnés à travailler sans rémunération. Aujourd’hui, ce sont des hommes libres ayant toutefois du mal à se départir de ce statut initial. Au milieu, le peuple. En haut de l’échelle, la noblesse qui est héréditaire. Elle est constituée de la dynastie royale y compris des serviteurs du palais.
Le pouvoir est exercé par le «mfon» ou roi, mais de manière collégiale. Sa succession est assurée par l’hérédité. C’est à lui uniquement que le peuple doit obéissance et respect. Il se charge des rapports de son peuple avec le pouvoir central du pays, les arts et la culture, la vie au quotidien. Au sein du royaume, le sultan est tenu de pratiquer la démocratie. Chaque année, il doit s’expliquer en public sur sa gestion annuelle lors d’une fête spéciale, le festival de «Nguon». L’exercice du pouvoir au sein du royaume est participatif. Chaque secteur important de la vie quotidienne est confié à un responsable nommé par le Sultan.
Aujourd’hui, sur le plan économique, les Bamoun vivent de l’artisanat, du commerce et de l’agriculture. D’ailleurs, Foumban, capitale du royaume, est considérée comme un haut lieu de l’artisanat camerounais grâce aux sculptures et au bronze réalisé dans de nombreuses fonderies de la ville…
Danielle Engolo