Les turcs se soulèvent contre l’arrestation du maire d’Istanbul

Attendons pour voir…

Nabil El Bousaadi

L’arrestation, le 19 mars, par les autorités d’Ankara, du maire d’Istanbul, Ekrem Imamoglu, a été condamnée, avec force, par la population car, dès son annonce, ce sont plusieurs centaines de milliers de turcs qui, selon l’AFP, ont pris d’assaut les rues des deux-tiers des 81 provinces du pays et que même les bastions de l’AKP, le parti présidentiel, n’y ont pas échappé en dépit des interdictions émanant des autorités et de l’impressionnant déploiement des forces de l’ordre.

Et si, aux dires de Kemal Kilicdaroglu, le président du CHP, le Parti Républicain du Peuple, social-démocrate, nationaliste et laïc, crée en 1923, par Mustafa Kemal Atatürk, parmi les 300.000 personnes qui ont marché, ce vendredi, à Istanbul, plusieurs dizaines de milliers sont parvenus à atteindre l’Hôtel de Ville en dépit des multiples barrages de police, il convient de préciser, également, qu’outre l’arrestation du maire d’Istanbul pour « corruption » et « soutien à une organisation terroriste » – entendez par-là le Parti des Travailleurs du Kurdistan, (PKK), mouvement armé d’Abdallah Öcalan qui s’est engagé, dernièrement, à déposer les armes – plus d’une centaine de personnes, principalement des proches collaborateurs d’Ekrem Imamoglu, ont été interpellées après avoir été visées par des mandats d’arrêt.

D’après ses avocats, quand le maire d’Istanbul a été transféré, samedi, après 3 jours de garde-à-vue, au Palais de Justice d’Istanbul à l’effet d’y être entendu sur son « soutien à une organisation terroriste », l’intéressé a « nié toutes les charges retenues contre lui (telles qu’) énoncées dans un document de 121 pages », dénoncé le recours à des « témoins secrets de manière abusive » et s’est insurgé, enfin, de constater que des « procès-verbaux de témoignages non signés (ont été) divulguées dans la presse » en violation des droits à la défense et du « droit à un procès équitable ». 

Mais, si, en prenant la parole, jeudi soir et pour la première fois, après le déclenchement de ces évènements, le président Recep Tayyip Erdogan, a accusé d’hypocrisie le Parti Républicain du Peuple (CHP) qui est la principale force d’opposition, en affirmant que « les problèmes du CHP ne sont pas les problèmes du pays et du peuple, mais ceux d’une poignée de personnes ambitieuses » et en déclarant qu’il n’a pas « de temps à perdre avec les spectacles de l’opposition », le ministre de l’Intérieur a annoncé, de son côté, que samedi plus de 340 personnes ont été interpelées et plusieurs journalistes ont été blessés à l’issue des incidents qui avaient éclaté entre les manifestants et les forces de l’ordre qui, comme l’ont signalé des correspondants de l’AFP, s’étaient trouvées contraintes de faire usage d’importantes quantités de gaz lacrymogène.

Or, il convient de noter, néanmoins, que la date choisie pour l’arrestation du maire d’Istanbul n’est pas anodine puisque cette interpellation a eu lieu juste avant que l’intéressé ne soit désigné comme candidat du CHP à l’élection présidentielle qui devrait se tenir en 2018 et dans le cadre de laquelle il va être appelé à affronter le président sortant Recep Tayyip Erdogan et après que, pour ériger un nouvel obstacle en travers de son chemin, son diplôme universitaire avait été annulé alors que la Constitution turque exige que tout candidat à la présidence soit titulaire d’un diplôme de l’enseignement supérieur.

Autant de raisons pour lesquelles en dénonçant, ce mercredi, « un coup d’Etat contre l’opposition » et l’annulation de « la volonté du peuple », le président du CHP, Özgür Özel, a tenu à préciser qu’ « il n’y a ni corruption, ni groupe terroriste, mais des bourreaux de la justice aux commandes » avant d’ajouter que « le seul crime d’Imamoglu est d’avoir conquis le cœur des gens (et) qu’il sera le prochain président ! ». Alors, attendons pour voir…

Nabil EL BOUSAADI

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