L’informel dans le monde rural, un véritable casse-tête pour l’Etat

En dépit des efforts consentis pour le développement du secteur agricole, l’Etat a encore du pain sur la planche. Depuis l’indépendance, le Maroc a entamé plusieurs stratégies visant à moderniser le secteur, mais des points critiques persistent encore et en premier lieu l’emploi informel.

Ces dysfonctionnements sociaux plongent des couches de  travailleurs dans la pauvreté et la précarité et plombe tout effort de développement dans le monde rural. En fait, il s’agit d’une vérité apodictique, ont souligné les participants à la table ronde, placée sous le thème «L’informel dans le secteur agricole : causes et conséquences sur l’emploi et le développement durable», organisée jeudi 18 avril par l’Association Citoyens Universel-Maroc (ACUMA) à l’occasion de la 14 e édition du SIAM.

Il va sans dire que le secteur de l’informel constitue un véritable casse-tête pour l’Etat surtout dans un secteur marqué par une dominance des petits agriculteurs, a indiqué Mohammed El Bouhdidi, président de l’ACUMA. En plus de cela, environ 47% de l’activité agricole sont destinés à l’agriculture de subsistance, a-t-il expliqué.

Mais cela n’empêche que le secteur de l’agriculture influence d’une manière dynamique la croissance économique, étant donné qu’il représente 20% du PIB et absorbe 80% de la main d’œuvre dans le monde rural. Abondant dans le même ordre d’idées, le conférencier a indiqué qu’il est difficile d’appréhender l’informel dans le secteur agricole que ce soit sous une approche social ou comptable en faisant remarquer que la majorité des travailleurs dans le monde rural, soit 80% ne sont pas affiliés à un système de couverture social.

Par ailleurs, le Président de l’ACUMA s’est attelé dans son intervention sur les causes qui poussent plusieurs employeurs à recourir à cette pratique illégale, à savoir les contraintes liées aux cadres légaux et réglementations, souplesse en matière de fonctionnement et l’absence des exigences d’engagement contractuel. Pour lui, l’économie souterraine se développe particulièrement dans les moments de crise et dans un environnement marqué par une forte imposition fiscale, d’où l’importance de trouver des solutions spécifiques notamment un monde rural, marqué par une prépondérance des petites exploitations, et ce en encourageant le regroupement des agriculteurs dans des unités bien structurées.

De son côté, Mohamed Korri Youssoufi, professeur à l’Université Moulay Ismail-Meknès a considéré que le Code du travail actuel ne fait que consacrer la précarité et l’informel notamment dans le monde rural où les relations de travail ne sont pas réglementées.  Selon lui, force est de constater que l’article 16 dispose que le contrat à durée déterminée ne pourrait être conclue que dans des situations précises, notamment en cas de l’accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise ou si le travail à un caractère saisonnier. Cependant, ce texte régissant les relations de travail ne définit point ni ce qu’on entend par  accroissement temporaire» ou «la saisonnalité».  Ce qui, laisse la porte ouverte à toutes les interprétations et pousse les entreprises à recourir massivement à ce mode de recrutement.

Chiffre à l’appui, le chercheur universitaire a fait savoir que seulement 5% des entreprises agricoles sont structurées alors que la quasi-majorité s’activent dans l’informel, a-t-il déclaré avec insistance. En fait, a-t-il expliqué, la relation entre l’employeur et le travailleur est déterminée par des pratiques qui se situent hors du cadre légal. Certains employeurs privilégient le recours au «Moukef», pour le recrutement, d’autres optent pour l’aide familiale non rémunérée…

Toutefois, le professeur a mis en garde contre certaines approches hâtives qui pourraient avoir des effets pervers, considérant que la lutte contre l’informel doit être faite d’une manière progressive et ce dans le cadre dans une approche inclusive.  Comme quoi, l’informel est aujourd’hui une nécessité impérieuse tant que ce secteur est porteur du travail.

La table ronde a été marquée également par la participation de Mohamed Abdouh, professeur à l’Université Moulay Ismail considérant que l’informel demeure un problème structurel lié à tout un système dans le monde rural, appelant à la mise en place des programmes qui offrent un enseignement de qualité. «La déperdition scolaire et la non-qualification constituent des variables déterminantes qui contribuent fortement à la prévalence des activités informelles», a-t-il noté tout en invitant les décideurs à assurer une convergence entre les politiques sectorielles et encourager les initiatives d’auto-entreprenariat dans le monde rural.

Khalid Darfaf

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