Dans tous les Etats du monde, le rôle d’une institution parlementaire consiste à représenter dignement les citoyens et ce, en interagissant positivement avec leurs revendications et leurs attentes. Le respect d’un tel principe par les représentants de la nation demeure d’ailleurs le b.a.-ba de la démocratie.
Au Maroc, il faut dire que l’instance législative a été souvent la cible des critiques les plus acerbes, au vu de sa faible performance et de son rôle passif en matière de légifération ou de contrôle de l’action gouvernementale, à telle enseigne que certains analystes l’ont qualifiée de «chambre d’enregistrement». Encore plus, d’autres observateurs du champ politique ont sans cesse mis à nu quelques pratiques émanant des députés et qui s’inscrivent aux antipodes des règles déontologiques, telles que la transhumance politique ou encore l’absentéisme, sans omettre encore le manque d’engagement et de réactivité par rapport à des dossiers brûlants se situant au cœur des préoccupations de la population.
Pour plus de rationalisation
Que l’on veuille ou pas, il faut reconnaître que l’année 2018 a été marquée par une certaine dynamique affichée par les élus de la nation. Tel est d’ailleurs le constat fait par Aicha Lablaq, présidente du groupement parlementaire du progrès et du socialisme (GPPS), qui fait observer que les locataires de l’hémicycle ont décuplé leurs efforts pour donner sens à l’action du Parlement, surtout en matière de contrôle de l’action du pouvoir exécutif, faisant ainsi allusion au rapport établi par la mission d’information sur les prix des hydrocarbures. «Le succès de la mission d’information, c’est que les députés ont réussi à débattre le contenu dudit document en session plénière. Cela constitue un pas en avant qui illustre l’interactivité du Parlement avec son environnement immédiat, surtout lorsqu’on sait qu’il s’agit d’un sujet suivi par la majorité de l’opinion publique», a-t-elle déclaré au journal Al Bayane. Et d’ajouter que «les critiques et remarques constructives faites par les députés plaidant pour une régulation plus efficace ont contraint le gouvernement à revoir sa position en s’engageant à contrôler les marges des compagnies d’hydrocarbures».
Toutefois, la députée du PPS estime qu’on n’est pas encore sorti de l’auberge. Cela étant, «l’action parlementaire a besoin de plus de rationalisation pour qu’elle soit plus efficace», note notre interlocutrice. En termes plus clairs, l’action parlementaire a besoin de plus d’encadrement et d’accompagnement quant à certains dossiers nécessitant une expertise et une compétence pointue. D’ailleurs, le taux d’encadrement des parlementaires demeure l’un des plus faibles dans la région de l’Afrique du Nord, explique-t-elle. Une telle situation ne fait que désavantager le Parlement par rapport au gouvernement et atténue, par conséquent, sa force de proposition.
Manque d’efficacité
De son côté, Abdellatif Ouammou, coordinateur du groupement de l’action progressiste à la Chambre des conseillers, considère qu’en dépit d’une certaine hésitation, le Parlement a fait preuve d’une grande volonté et d’un dynamisme fort pour se mettre au diapason des changements qui affectent la société marocaine. En fait, le débat autour d’un nouveau modèle de développement a poussé l’institution parlementaire à accélérer la cadence du processus législatif en entérinant plusieurs textes de lois relatifs à des grands chantiers, telle que la loi relative à la réforme des centres régionaux d’investissement ou encore la loi portant sur le microcrédit, entre autres. Cela témoigne d’une certaine synergie entre le gouvernement et les élus de la nation concernant les urgences et les priorités de l’agenda politique. Un tel constat peut s’appliquer, en outre, sur la loi des finances où le volet social a eu la part de lion durant les débats. Autrement dit, « a dimension sociale s’impose désormais avec force dans l’élaboration des politiques publiques, alors que ce n’était pas le cas auparavant», note-t-il. Cette nouvelle tendance a obligé le gouvernement à revoir son agenda de travail en réfléchissant à mettre en place un nouveau système social inclusif.
A l’instar d’Aicha Lablaq, le membre du BP du PPS estime que l’action parlementaire manque encore de pertinence et d’efficacité et qu’un long chemin reste à parcourir. «L’action parlementaire doit être intégrée dans le projet sociétal qui devrait être d’abord la concrétisation de la volonté urnes», souligne-t-il avec insistance. Cela requiert un travail colossal de la part des partis politiques qui doivent s’atteler à une réflexion sérieuse aussi bien au niveau de leurs programmes et leurs visions qu’au niveau de la question du renouvellement des élites. Autre point non moins important, c’est que la majorité des textes votés sont des projets de lois émanant du gouvernement, ce qui traduit la faiblesse de l’initiative des parlementaires en matière de législation. Abondant dans le même ordre d’idées, Abdellatif Ouammou souligne que le Parlement est appelé à jouer pleinement son rôle, notamment celui de contribuer à l’action législative et ce, «par l’élaboration des propositions de lois qui contribuent à l’accompagnement des chantiers de développement régional et garantissant l’autonomie de la décision des élus au niveau local afin d’ancrer davantage la démocratie participative», conclut-il.
Khalid Darfaf