Présidentielles turques : La grande inconnue du deuxième tour

Attendons pour voir…

Nabil EL BOUSAADI

Au premier tour des élections présidentielles turques du 14 mai, le président Recep Tayyip Erdogan, au pouvoir depuis 20 ans, avait recueilli 49,5% des suffrages alors que son rival, le social-démocrate Kemal Kiliçdaroglu n’avait obtenu que 44,9% des voix et que l’ultranationaliste et dissident du parti d’extrême-droite MHP, Sinan Ogan, s’était contenté de la troisième place avec 5,2% des suffrages exprimés ; autant dire que ce résultat illustre parfaitement la poussée du vote conservateur.

Mais en considérant que, pour départager les deux finalistes de cette élection, un deuxième tour devra avoir lieu ce dimanche 28 mai, Sinan Ogan a commencé à bomber le torse car, pour faire pencher la balance d’un côté ou de l’autre et remporter ce scrutin, les deux concurrents ont besoin de son appui.

Aussi, après avoir signalé, ce lundi, à ses partisans que les négociations qu’il avait eues, la veille, avec le président Recep Tayyip Erdogan ont porté sur la lutte contre le terrorisme, l’établissement d’un « calendrier » concernant le renvoi des réfugiés syriens ainsi que le renforcement des « institutions étatiques turques », Sinan Ogan, 54 ans, a invité ces derniers « à soutenir Erdogan au second tour».

Mais qui est donc ce troisième homme qui a été appelé à la rescousse et qui, dans une déclaration à l’AFP, a attribué son relatif succès au soutien accordé à son parti par « les nationalistes turcs, les kémalistes et les jeunes » qui voient en lui le représentant de « la modernité » et d’une « nouvelle politique » plus « intellectuelle » que celle que prônent ces « vieux visages de la politique » turque que sont Recep Tayyip Erdogan, 69 ans, aux commandes du pays depuis 20 ans, et Kemal Kiliçdaroglu, 74 ans, à la tête du Parti Républicain du Peuple (CHP) depuis 2010.

Affichant un nationalisme laïque, Sinan Ogan, ce quinquagénaire qui se présente comme étant un défenseur acharné de la Turquie moderne et qui est resté fidèle aux principes de son fondateur Mustapha Kemal Attaturk, s’est toujours démarqué du président Recep Tayyip Erdogan et de son parti islamo-conservateur, de la Justice et du Développement (AKP) qui prône un islam politique. 

Ainsi, alors qu’elle semblait possible voire même acquise avant le 14 mai, la victoire de Kemal Kiliçdaroglu qui, en plus de représenter une coalition de 6 partis d’opposition, avait bénéficié du soutien du parti pro-kurde HDP, est, désormais, bien compromise en l’absence du soutien du 3ème concurrent.

En saisissant cette occasion pour dénoncer « ceux qui ont vendu cette belle patrie » et pour affirmer qu’une victoire de la coalition qu’il représente va permettre de « sauver le pays du terrorisme et des réfugiés », Kemal Kiliçdaroglu s’est alors tourné vers les « huit millions d’électeurs qui ne se sont pas rendus aux urnes » lors du premier tour et vers la jeunesse du pays pour leur demander de l’aider à prendre le pouvoir afin de renvoyer chez eux les 3,7 millions de réfugiés syriens.  

S’il est clair, enfin, que si les huit millions d’électeurs « défaillants » lors du premier tour venaient à accorder leurs voix ce dimanche, à Kemal Kiriçdaroglu, ce sera lui qui sera, sans conteste, le prochain président de Turquie, rien ne permet, en revanche, d’affirmer que les 2,8 millions de votants qui avaient soutenu Sinan Ogan, au premier tour, vont tous reporter leurs voix sur Recep Tayyip Erdogan et lui donner l’occasion de rempiler pour un nouveau mandat.

En considérant que, pour l’heure, il y a encore beaucoup de zones d’ombres et qu’à ce titre tout peut arriver, attendons pour voir…

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