Vingt cinq ans après la fin d’un conflit qui a duré douze ans (1979-1992) et fait des dizaines de milliers de morts et de disparus, le Salvador pourrait replonger dans les heures sombres de son histoire puisque le 13 juillet dernier la Cour Suprême du Salvador a déclaré inconstitutionnelle la loi d’amnistie adoptée en 1993 par le gouvernement salvadorien, alors dominé par les militaires, et les guérilleros du Front Farabundo Marti de Libération Nationale qui regroupait, à l’époque, quatre groupes de guérilleros ainsi que le Parti communiste salvadorien.
La Chambre Constitutionnelle Salvadorienne a jugé cette loi comme allant à l’encontre des droits fondamentaux défendus par la Commission Inter-américaine des droits de l’Homme (CIDH) qui estime que «l’impunité est propice à la répétition», par la Convention de Genève et par le Pacte international des Nations Unies relatif aux droits civils et politiques.
Il est à signaler, néanmoins, que cette «déclaration» ne recueille pas l’adhésion de tous car nombreux sont les salvadoriens qui espéraient, grâce à cet accord de «ni vainqueur ni vaincu» – un win-win dirions-nous aujourd’hui – retrouver les restes de leurs proches, assigner en justice les responsables et «tourner définitivement» la page d’un conflit sanglant qui aura fait quelques 75.000 morts et près de 7.000 disparus dans un pays qui compte moins de 5 millions d’habitants.
Il ne faut pas oublier qu’en 1993 le rapport de la Commission-Vérité créé par les accords de paix avait dénombré 13.600 atteintes graves aux droits de l’Homme dont notamment l’assassinat en 1980 de l’archevêque du Salvador Oscar Amulfo Romero alors qu’il célébrait une messe ou encore le tristement célèbre «massacre du Mozote» durant lequel, en 1981, près de 900 paysans, de tous âges et des deux sexes, furent sommairement exécutés par la junte au pouvoir.
Humberto Corado, général à la retraite et ancien ministre salvadorien de la Défense craint, de son côté, qu’une telle décision qui va « contre l’Etat du Salvador et ses institutions » ne donne lieu à «une chasse aux sorcières» dans un pays encore instable alors que le président Salvador Sanchez Ceren craint, pour sa part, que cette décision ne mette un terme à une fragile coexistence et ne plonge le pays dans une nouvelle guerre civile.
Nabil El Bousaadi