Abbadi au nom du groupe du PPS
M’Barek TAFSI
Le secteur du tourisme aurait réalisé des résultats bien meilleurs que ceux annoncés si le gouvernement était politiquement compétent ou performant sur le plan gestionnaire, a affirmé le député Ahmed Abbadi, membre du groupe du progrès et du socialisme à la Chambre des représentants.
Réagissant au nom du groupe du PPS à l’exposé du chef du gouvernement sur le thème : « la stratégie touristique de notre pays », lors de la séance sur la politique publique du lundi 27 janvier 2025, Abbadi a indiqué qu’il importe de débattre du tourisme, avec tout ce qui se rapporte aux conditions sociales, économiques et des droits de l’homme, loin de toute approche sectorielle étroite par laquelle le gouvernement tombe dans la logique de l’autosatisfaction excessive, qui contredit la réalité des citoyennes et des citoyens qui pâtissent sous le poids de la cherté de la vie et du chômage élevé, et celle des entreprises marocaines, en particulier les petites et moyennes entreprises, qui souffrent et font faillite par milliers.
Sur cette base, et du point de vue de l’objectivité, l’on ne peut qu’enregistrer une reprise remarquable des indicateurs de la performance du tourisme, après la pandémie de Covid-19, a toutefois tenu à rappeler le député.
A l’exception des 2 milliards de dirhams qui ont été alloués à ce secteur pour pallier les répercussions de la pandémie, les réalisations dans ce secteur ne sont pas le fruit d’un effort miraculeux ou innovant du gouvernement, notamment en termes de capitalisation sur l’énorme potentiel naturel, culturel, civilisationnel, patrimonial et artistique du Maroc, a-t-il noté.
Au contraire, les réalisations sont une conséquence naturelle de l’effort individuel des opérateurs touristiques, et de conditions objectives, dont la plupart n’ont rien à voir avec ce gouvernement. Des résultats bien meilleurs auraient donc pu être obtenus si le Maroc disposait d’un gouvernement politiquement compétent ou performant sur le plan gestionnaire, a-t-il martelé.
A ce propos, Abbadi a souligné l’énorme contribution promotionnelle de l’exploit sportif que la sélection nationale a réalisé lors de la Coupe du monde 2022. Il également fait état de la reprise des voyages et de la mobilité après la pandémie du Coronavirus, notamment pour les Marocains du monde entier, tout en s’interrogeant à propos de l’étrange logique utilisée par le gouvernement pour les compter en tant que touristes, surtout lorsqu’ils visitent leur pays d’origine et séjournent avec leurs familles.
Selon lui, l’industrie du tourisme est un domaine transversal en rapport avec l’emploi, mais le taux de chômage des jeunes sous ce gouvernement est proche de 40%.
Le secteur a un lien avec l’entreprise, malheureusement en trois ans, environ 40 000 entreprises ont fait faillite, a-t-il noté. Il est lié aussi à l’investissement, qui fait face aux intérêts rentiers, à une économie informelle et aux conflits d’intérêts, a-t-il dit, soulignant que la plupart des indicateurs du climat des affaires ont reculé, comme en témoignent des institutions nationales officielles.
Quant au tourisme intérieur, a-t-il ajouté, il est tributaire du coût de la vie, qui ne cesse d’augmenter en raison de la cherté exorbitante, au point que le niveau de vie de 81% des ménages marocains s’est détérioré, selon le HCP (Haut-commissariat au plan).
Le tourisme interne est lié aussi à la situation de l’enseignement et de la formation, a affirmé le député, avant de rappeler que 4,3 millions de jeunes sont dans une situation NEET, 300 000 élèves quittent l’école chaque année et plus d’un quart des citoyens sont analphabètes.
L’attrait touristique dépend également du climat des libertés, des droits et de la démocratie, de l’intérêt du gouvernement pour la santé, la culture, les arts et les médias, à l’artisanat, aux transports, aux infrastructures, aux équipements et aux services de base, à l’environnement, à la numérisation et à la justice régionale, a ajouté, le député.
Ce sont des domaines de développement dans lesquels le Maroc a accumulé des acquis importants au fil des décennies, et l’on craint que ces derniers continueront à s’éroder sous ce gouvernement, qui doit faire preuve d’autant d’humilité que ses résultats modestes, avec des preuves et des chiffres irréfutables, comme c’est le cas avec sa prétention à atteindre la couverture sanitaire universelle, alors qu’environ 8,5 millions de Marocains ne bénéficient effectivement d’aucune assurance maladie.
Et Abbadi d’affirmer que son groupe parlementaire ne nie pas les résultats obtenus par le tourisme avant de souligner que ces derniers auraient été impressionnants si le gouvernement avait effectivement réussi à faire bon usage de ce qui fait la richesse et la singularité du Maroc par rapport aux autres en termes de potentiel merveilleux, tel que : l’immunité et la stabilité institutionnelle, la position géographique stratégique, la diversité culturelle, la profondeur de la civilisation et la nature hospitalière et ouverte du peuple marocain.
Pour le député, l’activité touristique souffre d’une concentration tridimensionnelle : concentration par pays émetteur, concentration par villes et destinations d’accueil, concentration par saisons et campagnes.
Le secteur du tourisme souffre également de difficultés d’accès des entreprises au financement, de la faible localisation territoriale des projets touristiques, de la contractualisation limitée avec les Régions et de la pénurie de ressources humaines qualifiées. Les emplois dans le secteur du tourisme sont souvent fragiles, saisonniers, mal rémunérés et pauvres en matière de protection sociale.
Oui, il y a des progrès dans le secteur du tourisme, qui contribue au PIB marocain à hauteur d’environ 7%, sachant que la moyenne mondiale est de 10%, ce qui signifie que le chemin est encore semé d’embûches pour le Maroc.
De plus, quels que soient les efforts du secteur privé pour promouvoir le tourisme, même dans le cadre de la nouvelle charte de l’investissement, les résultats de ceux-ci restent dépendants de l’investissement public dans les infrastructures dans toutes les Régions du pays, de la transparence et de la concurrence loyale, comme l’indique le Nouveau Modèle de Développement que le gouvernement a mis de côté sur les étagères.
Et le député d’appeler le Chef du gouvernement à soutenir non seulement les grands projets touristiques, mais à accorder de l’intérêt à des projets de tourisme et de loisirs durables et à petite échelle, principalement dans les zones en difficulté de développement.
Cependant, cela doit se faire sans exploitation électoraliste des programmes de soutien public, ni dans le tourisme, ni dans l’agriculture, ni dans l’emploi et le soutien aux petits projets entrepreneuriaux, qui doivent être entourés de la plus grande transparence, impartialité et objectivité, afin que tous ceux qui méritent un soutien public, qu’il s’agisse de citoyens ou d’entreprises, en bénéficient sans aucune considération liée aux échéances de 2026, a-t-il expliqué.
En matière de tourisme intérieur, il est du devoir du gouvernement de cesser de considérer la personne marocaine comme un client occasionnel ou alternatif uniquement.
Par conséquent, le gouvernement devrait s’efforcer de créer une offre touristique interne qui soit à la mesure du pouvoir d’achat des Marocains, sans perdre de vue la nécessité de développer le tourisme social et de promouvoir des refuges pour les étudiants et les jeunes.
Au lieu d’invoquer la liberté des prix et du marché, le gouvernement devrait résolument s’attaquer et contrôler l’anarchie des prix et la qualité des services touristiques. Il doit également encadrer et réglementer les plateformes numériques qui travaillent dans la présentation des offres touristiques.
Et le député d’attirer également l’attention sur le fait qu’un nombre croissant de membres de la classe moyenne préfèrent passer leurs vacances dans certaines destinations touristiques étrangères, non pas comme un luxe, mais en raison des prix compétitifs par rapport à la qualité des services.
Chaque partie du sol de notre cher Maroc, a-t-il dit, a des potentialités remarquables. Par conséquent, il est inacceptable que le gouvernement continue à ignorer la question des disparités spatiales, car pour la localisation des projets touristiques et attirer des touristes, dans des régions dont certaines ne sont visitées par personne tout au long de l’année, le gouvernement doit prêter attention aux espaces territoriaux où il n’y a pas de réseau et qui ne disposent pas des routes et sentiers nécessaires, et aux régions où il n’y a pas d’autoroute et pas de train. Même dans les villes touristiques, il est urgent d’améliorer les services de transport de toutes sortes, a-t-il estimé.
Le député a également invité le gouvernement à lever les écueils et à rattraper les retards dans la mise en œuvre du programme général de réhabilitation des zones du séisme d’El Haouz, dont beaucoup sont des zones touristiques par excellence.
Selon lui, il est possible de faire du tourisme un véritable moteur de développement à plus fort impact positif, répondant aux exigences de la concurrence mondiale.
Pour ce faire, a-t-il expliqué, il est urgent de remédier aux insuffisances constatées, notamment en stimulant les projets touristiques dans le respect des normes de bonne gouvernance, en particulier pour les très petites, petites et moyennes entreprises touristiques (d’où la nécessité d’accélérer la publication du décret de soutien à ce type d’entreprises, qui constituent environ 93% du tissu entrepreneurial national).
Aujourd’hui, a ajouté le député, le pays a une formidable opportunité, qu’est l’organisation de la Coupe du monde 2030, afin de montrer au monde l’image du Maroc avec des potentialités distinguées, au niveau des infrastructures et des équipements de base, dans tous les espaces territoriaux du pays, y compris les zones reculées avec leur manque en développement.
L’on aspire également à ce que ce défi sera l’occasion de placer le Maroc au plus haut niveau de la pratique démocratique, des droits et libertés, de la force et de la transparence de l’économie nationale et du développement de ses capacités productives, ainsi que de la qualification de la personne marocaine et de la prise en charge de ses conditions sociales, notamment en termes d’efficacité et d’équité en matière d’accès à un enseignement et à une santé de qualité.
C’est ainsi que le Maroc peut rehausser le niveau du tourisme et de tous les autres secteurs, a conclu le député.