Travail domestique: le faux procès et la solidarité sociale?

Le projet de loi sur le travail domestique continue d’alimenter la polémique. Et lorsque l’on sait que cela intervient dans un contexte pertinemment électoral, l’on pourrait comprendre certaines explications données au texte et certaines lectures ayant été faites.

Mais au-delà du texte et du contexte, il va falloir mettre cette problématique du travail domestique dans son cadre social et historique de la société marocaine. Au départ, la quasi-majorité des familles marocaines, nouvellement fondées, recouraient au service d’une tierce personne, notamment une femme ou une jeune fille, pour s’occuper des petits enfants, du ménage, du linge, des courses et dans certains cas de la cuisine. Cette femme ou cette jeune fille étaient issus de la famille du couple, une sœur de l’un des conjoints, une tante, une cousine ou une proche. La formule était dictée par les besoins des uns et la demande des autres, mais dans un cadre de solidarité sociale. Les choses ont évolué dans cet esprit qui cadre d’ailleurs avec l’étymologie même du terme. Bonne, féminin de bon, dans le sens de «femme de service». Au départ, le terme était employé dans le sens de l’amitié par les enfants et les maitres de maison dans la société française à partir de 1708. On disait «mon bon», «ma bonne», quand on s’adressait aux serviteurs. Bref, le terme désignait un employé de maison qui vit chez ses employeurs. Mais par la suite, le terme est devenu péjoratif. Au Maroc, personne n’ignore que cette question de «bonne» n’a vu le jour que vers les années 80 chez certaines familles fortunées, alors que les familles notables, la nouvelle bourgeoisie, ayant des valeurs, et toute la classe moyenne se comportaient toujours avec «les employés de maison» dans le même cadre de solidarité sociale. Bien plus, de «petites bonnes» ont grandi chez des familles notables qui leur ont organisé des cérémonies de mariages dans les règles de l’art. Et la relation se poursuivait et se développait entre la ménagère et la nouvelle femme mariée, «ancienne petite bonne». Cette dernière revenait toujours à son ancienne «maitresse» pour des conseils et lui rendait visite lors des occasions religieuses avant de se rendre chez sa mère. Dans ce même esprit de solidarité, l’épicier du coin faisait débarquer un jeune garçon de son patelin pour l’aider dans son commerce en accompagnant les ménagères pour s’acquitter des tâches d’installation de la bonbonne de gaz ou autres. Le jeune apprend ainsi un métier et le jour où il murit, son patron lui monte une affaire et ramène un autre garçon qui suivra le même itinéraire. La même formule est de mise dans le monde de l’artisanat et certains métiers de mécanique, de tôlerie et de peinture. Voilà comment les choses étaient vécues au sein de la société marocaine jusqu’au jour où des médias se focalisent sur «le mal» sans parler de son origine. Et pour dramatiser la chose, on zoomait, ainsi, sur un fait divers de viol d’une employée de maison, un crime d’ailleurs déjà puni par la loi, comme l’inceste. Les plaidoyers devraient se faire pour réhabiliter l’école publique et mettre en parallèle une formation professionnelle efficace et efficiente. En plus, les lois prennent toujours en compte les spécificités de la société, sa culture, ses traditions, ses valeurs et son idéal religieux. Une chose pourrait être autorisée et tolérée dans une société au nom des libertés individuelles, mais elle ne pourrait l’être, en aucun cas, dans une autre société au nom des mêmes libertés individuelles. Et chaque individu se conforme aux règles de sa société.

B. Amenzou

Top