Un programme informatique pour les enfants sourds

travers un ensemble de fonctionnalités interactives et d’application. Il comporte par ailleurs des jeux et exercices ludiques destinés aux enfants souffrant de ce genre d’ handicap, souhaitant atteindre ainsi une  traduction simultanée vers le langage des signes sans intervention humaine.
L’objectif de ce programme est  de  permettre aux personnes  souffrant de surdité de dépasser  les difficultés de communication et de mieux s’intégrer dans la vie sociale sachant que  leur scolarisation ne dépasse pas la plupart du temps le primaire. Au quotidien, ils endurent des difficultés dans différents domaines, vivent l’humiliation et l’isolement  alors qu’ils constituent une partie importante et intégrante de la société. Pis encore, il y’a une absence de structures d’enseignement à leur profit. Ce qui les expose à plusieurs problèmes psychologiques et sociaux et entrave leur insertion sociale.
Sans doute, les  fruits de ce travail de recherche leur seront bénéfiques, mais son effectivité nécessitera une collaboration et engagement de la part du ministère du développement social, de la famille et de la solidarité et une implication de toutes les instances étatiques : ministères de l’Education nationale, de la Sante, de la Justice et du Transport, surtout quand on sait que les sourds au Maroc n’ont pas le droit de conduire. Ces différentes instances doivent œuvrer d’une manière convergente à l’intégration sociale de ces handicapés. Le manque de collaboration  entre les différentes associations de sourds au Maroc a pour corollaire la poursuite d’objectifs divergents, bien que chacune essaie d’apporter sa pierre à l’édifice pour promouvoir l’insertion sociale des sourds.

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3 questions à Kamal Mjaoual, Directeur  administratif et  pédagogique de l’Association Marocaine pour enfants sourds de Casablanca, Institut Mouna pour enfants sourds


Al Bayane : Quelle estimation faites-vous du nombre de  sourds au Maroc?

Kamal Mjaoual : Selon l’enquête nationale sur l’handicap au Maroc menée par le ministère de développement en 2004 dans le cadre du projet MEDA, le nombre de personnes sourdes et malentendantes s’élève à 63000. Mais en tant que praticien dans le domaine de l’éducation, de la scolarisation et de l’accompagnement des jeunes sourds au niveau de la région du grand Casablanca, je dirai avec beaucoup de certitude que contrairement au chiffre mentionné dans l’enquête, le nombre de sourds au Maroc est plus élevé. C’est pourquoi, l’association marocaine pour enfants sourds de Casablanca a toujours appelé, lors de sa participation aux différentes conférences nationales et journées d’études, les instances concernées  à mener des études statistiques proprement dites sur les personnes atteintes de surdité pour pouvoir instaurer un plan d’action pour la concrétisation de leurs droits constitutionnels.

Croyez-vous que le nouveau programme informatique visant à améliorer l’apprentissage des enfants sourds va solutionner les problèmes réels que rencontrent les sourds  au Maroc ?
J’ai assisté personnellement à la journée d’information organisée par le ministère du développement social, de la famille et de la solidarité au sein de l’ENIM à Rabat. J’ai suivi avec beaucoup d’attention et d’intérêt la présentation du chercheur Abdelhadi Soudi basée sur les nouvelles technologies. Mes 17 années d’expérience dans le domaine de la surdité me permettent de relever les constats suivants :
Premièrement, personne ne peut nier l’effort déployé par le chercheur comme une vraie valeur ajoutée dans le cadre d’un consensus entre tous les intervenants de la société marocaine. Le projet est purement pédagogique  et a été développé sans le concours des différents établissements de la protection sociale opérants dans le domaine de l’éducation et de la scolarisation des enfants sourds au Maroc, notamment: l’institut Mouna pour Enfants Sourds de Casablanca, L’association Hanane de Tétouan,  La fondation Lalla Asmaa de Rabat et d’autres associations travaillant dans le domaine de la surdité au Maroc. Par ailleurs, il y’a  une quasi absence des associations œuvrant dans le domaine des classes intégrées au sein des établissements publics. On a enregistré, en outre l’absence de l’éducation nationale, l’instance concernée au premier abord par l’éducation et la scolarisation des enfants sourds. Ceci étant, le projet présenté par Abdelhadi Soudi butera à de nombreuses difficultés  au cours de son implémentation au Maroc. Je crois que le développement de sa recherche ne peut être efficient que si les différentes associations nationales parviennent à un consensus et  si le secteur gouvernemental chargé de l’éducation et de la formation s’y engage de manière inconditionnelle.
Deuxièmement,  force est de constater que le projet se restreint à l’éducation et l’acquisition de l’information alors que les sourds font face à de nombreux problèmes. Il serait plus adéquat d’énumérer les problèmes que rencontrent les sourds et les intégrer dans l’application développée.

Le manque de moyens financiers et de la logistique amplifie t-il le problème d’isolement des sourds ?

Il n’est aucunement question de finances ou de budget, mais plutôt d’une absence de volonté publique de la part du ministère de l’éducation nationale et de l’égoïsme des associations de la société civile qui n’arrivent pas à travailler conjointement dans le cadre d’un réseau national afin d’uniformiser les approches psychopédagogiques adoptées au sein des centres spécialisés pour personnes sourdes et capitaliser les expériences cumulées depuis les années soixante dix.

Propos recueillis par  M.S

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