Une nouvelle grogne populaire contre Bachar al-Assad…

Nabil El Bousaadi

«La Syrie est pour nous et pas pour la famille Assad» scandaient, à l’unisson, et pour dénoncer leurs piètres conditions de vie dans un pays dévasté par neuf années d’une guerre sans merci, des dizaines de personnes rassemblées, ce dimanche, dans les rues de Soueïda, une ville druze du sud-ouest du pays tombée il y a deux ans entre les mains du régime après avoir été le berceau de la révolution anti-Assad.

Ainsi, alors que cette semaine marque le 20ème anniversaire de l’arrivée de Bachar al-Assad à la tête de la Syrie, ce dernier se trouve dans l’impossibilité de célébrer son bilan d’abord à cause de cette guerre dévastatrice qui dure depuis neuf ans puis à cause de la révolte qui gronde au sein même de son propre clan.

A Idleb, tombée entre les mains des jihadistes, la population dépend, dans sa grande majorité, de l’aide humanitaire pour survivre. Aussi,  l’envolée du prix du pain a-t-elle fait sortir dans la rue plusieurs centaines d’habitants criant «A bas Bachar al-Assad!» et «Révolution, Liberté, Justice sociale!»; des slogans qui rappellent ceux du soulèvement de 2011 qui, après avoir été réprimé dans le sang, a déclenché cette guerre qui a fait, jusqu’à  présent, plus de 380.000 morts.

Un peu plus au nord, à Bennich, une localité contrôlée par des rebelles pro-Ankara, les commerces privilégient la livre turque à la monnaie nationale qui n’a plus aucune valeur à leurs yeux.

Fragilisée par la crise financière qui frappe le Liban voisin, la Syrie a, très rapidement, vu sa monnaie dégringoler à un rythme effréné si bien que ce mercredi, le dollar valait près de 3.000 livres syrienne soit quatre fois le taux officiel fixé par la Banque centrale à 700 livres en mars dernier alors qu’avant la guerre, le dollar valait 47 livres.

Ainsi, selon le Programme alimentaire mondial (PAM), 9,3 millions de syriens souffriraient d’une insécurité alimentaire alors que, depuis mai 2019, les prix des denrées alimentaires de première nécessité auraient subi une hausse de 133%.

Pour certains analystes, la dégringolade de la livre syrienne trouverait sa raison, d’une part, dans l’inquiétude suscitée par l’entrée en vigueur, le 15 juin prochain, des «sanctions américaines» et, d’autre part, par la disgrâce inattendue dans laquelle est tombé Rami Makhlouf, cousin du président et homme d’affaires le plus fortuné du pays.

Après avoir fait fortune à la tête du premier opérateur syrien et élargi son empire au point de devenir le principal financier du régime et de la guerre dans laquelle est plongé le pays depuis 2011 avec un empire qui s’étend des télécoms à l’immobilier en passant par le BTP et le commerce du pétrole, ce dernier est tombé en disgrâce et plusieurs cadres dirigeants de son groupe auraient même été arrêtés ces derniers jours.

En neuf années de guerre, tous les secteurs qu’ils soient agricoles, industriels ou autres, sont à terre et le seul ayant encore le vent en poupe reste celui de la contrebande puisque Washington veille scrupuleusement à sanctionner tout pays qui s’aviserait à commercer avec Damas ; ce qui, d’un autre côté,  retarde d’autant la reconstruction du pays.

Obligés d’importer tout ce qu’ils consomment alors même qu’ils sont soumis aux « sanctions » de Washington, les syriens n’ont donc aucune autre alternative que celle d’emprunter les voies de la contrebande et, bien entendu, celles de la corruption à telle enseigne qu’un rapport de l’ONG Transparency International, fait de la Syrie le deuxième pays le plus corrompu au monde.

Entre d’un côté la crise sanitaire mondiale du coronavirus et de l’autre une sérieuse crise économique avec dévaluation de la monnaie, inflation et, par conséquent, «explosion» des prix des produits de première nécessité en un moment où le confinement ne permet pas aux millions de syriens de la diaspora de faire parvenir à leurs proches l’aide financière qu’ils avaient coutume de leur adresser, la population syrienne restée au pays souffre d’une telle insécurité alimentaire que se dessinent, encore une fois, les contours d’une grande révolte populaire. Le régime de Bachar pourra-t-il la museler? Attendons pour voir.

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