Biden traite Poutine de «tueur»
Le Kremlin a accusé jeudi Joe Biden de rechercher la dégradation des relations avec la Russie en accusant Vladimir Poutine d’être un « tueur », des propos qui ont entraîné une aggravation inouïe de la crise russo-américaine.
Cette passe d’armes entre rivaux géopolitiques intervient alors que, malgré leurs multiples désaccords, les deux puissances disaient, depuis le changement d’administration américaine, vouloir coopérer sur des dossiers d’intérêts communs.
Mais après l’interview du président américain mercredi, Moscou ne cache pas son ire et parle même d’un risque « d’effondrement » des relations.
« Les propos du président américain sont très mauvais, il ne veut clairement pas améliorer les relations avec notre pays, et c’est de ce principe que nous allons désormais partir », a lâché le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov.
Moscou a dès mercredi annoncé rappeler son ambassadeur de Washington, qui partira samedi pour des consultations « sur les moyens de corriger la relation russo-américaine », selon son ambassade.
Selon elle, les « déclarations irréfléchies de responsables américains risquent d’entraîner l’effondrement de relations déjà excessivement conflictuelles ».
M. Peskov a indiqué que l’ambassadeur, qui restera en Russie plusieurs jours, allait s’entretenir, si nécessaire, avec M. Poutine lui-même.
Le département d’Etat américain a lui assuré à l’AFP qu’il ne prévoyait pas de rappeler son propre représentant à Moscou.
Le rappel d’un ambassadeur est une chose rare dans l’action diplomatique russe. « Je n’ai pas le souvenir d’une telle démarche », a relevé Maria Zakharova, la porte-parole de la diplomatie russe.
Vladimir Poutine ne s’est pas exprimé sur le sujet, mais il doit participer jeudi après-midi à une rencontre publique avec la société civile de Crimée, péninsule ukrainienne annexée par la Russie en 2014.
Mercredi, le président Joe Biden avait répondu par l’affirmative à un journaliste lui demandant si le maître du Kremlin était « un tueur ».
Puis, dans le même entretien, il dit vouloir faire « payer » au président russe l’ingérence dans les élections américaines de 2016 et 2020. Moscou a toujours démenti ces accusations.
Vladimir Poutine « en paiera les conséquences », a prévenu Joe Biden, avant de répéter, après une relance : « Vous verrez bientôt le prix qu’il va payer ».
L’ensemble de ces propos a été qualifié par le président de la chambre basse du Parlement russe Viatcheslav Volodine d' »insulte » aux Russes et d' »attaque » contre son pays.
Un vice-président de la chambre haute, Konstantin Kossatchev, a lui demandé « des explications et des excuses ».
Les relations russo-américaines en particulier et russo-occidentales en général sont délétères depuis des années : annexion de la Crimée, guerre en Ukraine, conflit en Syrie ou encore l’empoisonnement et l’emprisonnement de l’opposant russe Alexeï Navalny…
De multiples trains de sanctions et contre-sanctions ont été adoptés en conséquence. Le gouvernement américain a annoncé mercredi encore qu’il étendait les restrictions d’exportation de produits sensibles vers la Russie.
Jeudi, le G7 a lui une fois de plus dénoncé « l’occupation » de la Crimée par la Russie.
Le président Biden affiche depuis son arrivée à la Maison Blanche en janvier une grande fermeté à l’égard du Kremlin, par opposition avec la bienveillance souvent reprochée à son prédécesseur Donald Trump jusque dans son camp républicain.
Mais la brusque dégradation des rapports russo-américains depuis l’interview de mercredi pourrait menacer la coopération naissante sur des dossiers d’intérêt commun.
L’exemple le plus marquant a encore été cité par M. Biden mercredi, à savoir le prolongement en début d’année du traité de limitation des arsenaux nucléaires New Start.
D’autres sujets sur lesquels Russes et Américains tablaient sur des compromis pragmatiques sont le nucléaire iranien ou encore la crise climatique, selon Moscou.
Le président Biden a d’ailleurs réaffirmé vouloir « travailler » avec les Russes « quand c’est dans notre intérêt commun ».
Mais la Maison Blanche a également insisté sur le fait que son locataire n’allait pas pour autant « taire ses inquiétudes au sujet de ce qu’il considère être des actes néfastes ».