Par Mustapha Labraimi
Qui pourrait informer sur l’argent public au royaume ?
Sa particularité universelle d’être immatériel, beaucoup plus dans les écritures que « sonnant et trébuchant », rend son suivi complexe et incompréhensible, sauf pour une minorité experte.
Son origine dispersée, du droit d’enregistrement, aussi minime soit-il, relevé dans les factures du supermarché aux impôts, taxes et amendes prélevés donne à l’illusion de sa profusion une grandeur à la mesure de l’impact du prélèvement effectué de la poche du contribuable ou du verbalisé, qu’il soit répétitif ou occasionnel.
Sa relation fusionnelle avec l’Etat et ses institutions laisse la population dans l’étonnement et l’effarement quand il est détourné vers l’enrichissement personnel. On prête à ceux qui le font un savoir particulier pour tirer bénéfice de cet argent de tous. A force de le faire, sans se faire prendre la main dans le sac, certains sont devenus addictes et professionnels dans ce genre de ponction illégale et immorale.
Parmi eux, les experts en la matière s’octroient les marchés publics et les subventions qui vont avec. Etat-providence pour eux, aux autres l’Etat régalien qui s’endette en fanfaronnant sur la confiance qui lui est par cela octroyée. La dette publique qui fait débat pendant un court moment, lors de la discussion du projet de loi des finances, s’efface de la mémoire de la population ; beaucoup plus contrainte suite aux conséquences du creusement du déficit.
L’argent public participe à l’accumulation de l’argent privé alors que ce dernier reste réticent à développer une dynamique cohérente pour assumer une fonctionnalité de développement et d’investissements productifs. L’argent privé est frileux depuis belle lurette, il cherche toujours à amener l’argent public vers lui pour se « réchauffer ». S’appropriant l’argent public, il s’ingénie à ne pas le rendre, créant des partenariats public-privé pour assurer des performances ou des services dont les paiements sont partiellement ou totalement effectués par l‘Etat, pourvoyeur de l’argent public et démissionnaire du service public.
Mais où est donc l’argent public ?
Bank Al Maghrib suit ce qu’elle produit, dans un environnement économique et financier, fluctuant et incertain. Si de l’argent s’égare, sous la dalle ou le matelas ; épargne domestique, fraude fiscale et autres actes (mal) intentionnés, il suffit de décréter une « amnistie » pour faire apparaitre l’argent caché. Plus, la rumeur circule sur un éventuel changement de la « billetterie » pour dissuader les dissimulateurs du cash qui résistent et en finir avec cette liquidité qui inonde l’économie. Dans l’attente de l’avènement de l’argent électronique, encore retardé au probable assainissement de la situation et de la capacité de l’économie à convaincre celles et ceux qui se méfient encore de l’argent scriptural. Il se peut que le retard de l’alphabétisation joue un rôle dans cette affaire, ce qui pousse encore à disserter sur l’éducation et la formation dont les chemins tortueux empêchent, entre autres, la mise en œuvre des produits de la monétique dans l’ensemble des activités marchandes ou même charitables.
La Cour des Comptes contribue à répondre à la question en produisant un rapport annuel sur « la reddition des comptes », reconnue dans la constitution. Son diagnostic et ses recommandations alimentent, par cela, le débat public sur le devenir de la gestion de l’argent du contribuable, telle que programmée dans la loi des finances. Devrait-on comprendre que l’argent public se limite aux dispositions de cette loi annuelle sur la gestion de laquelle la Cour des Comptes a un œil ?
Devant la dépravation en cours, la moralisation de la vie publique est devenue une urgence. Et comme on dit « celui qui se fait attraper paye pour les autres » ; c’est ainsi que la justice s’empare des cas où malversations, corruption et abus des biens sociaux gangrènent la vie publique ; sans malheureusement pour cela empêcher le royaume de reculer dans le classement basé sur l’indice de perception de la corruption. Un recul de 26 places depuis 2018 ! Une régression qui favorise l’enrichissement illicite ; et certainement dilapide l’argent public.