La forte dépendance de Berlin du gaz russe

Nabil El Bousaadi

Avec l’offensive russe sur l’Ukraine, ce que l’Allemagne, qui importe 55% de son gaz de Russie, croyait être un marché win-win – sur le plan géopolitique, notamment – est apparu, dans la réalité, comme étant non seulement un levier grâce auquel Moscou peut faire pression sur l’Europe mais, également, une véritable bombe à retardement qui a plongé le vieux continent dans cette grande confusion qui a été accentuée lorsque, pour contrecarrer les sanctions que l’UE a décidé d’infliger à son pays, le président Poutine a exigé que les livraisons de gaz russe soit payées en roubles et non plus en dollars ou en euros.

Ayant donc pris très au sérieux la menace d’un arrêt imminent des livraisons de gaz russe par Moscou mais aussi le fait que le G7 a rejeté la demande russe de paiement en roubles, le gouvernement allemand, contraint de garantir la sécurité de son approvisionnement en gaz naturel, a déclenché le premier niveau de son plan d’urgence en mettant en place une cellule de crise chargée de superviser la situation.

Aussi, pour alerter l’opinion publique sur les effets d’une telle décision, le ministre de l’économie et du climat, Robert Habeck (Verts), a lancé une campagne d’information rappelant que le pays se trouve dans une situation qui impose un rationnement car «chaque kilowattheure d’énergie économisée est utile».

De son côté, face à la gravité des conséquences auxquelles l’économie allemande pourrait être confrontée, le chancelier Scholz avait affirmé, précédemment, lors d’une émission de télévision, que «la question n’est pas de savoir si nous allons baisser le chauffage de quelques degrés (mais) si nous allons pouvoir approvisionner certaines structures». Il avait même ajouté qu’un «nombre incroyable d’emplois» seront touchés «parce que beaucoup de processus industriels dépendent du charbon, du gaz et du pétrole».

Mais le rejet, par le gouvernement allemand, d’un embargo immédiat sur le gaz et le pétrole russe, ne fait pas l’unanimité dans le pays car certains considèrent que, bien qu’elle soit radicale, cette solution reste « moralement nécessaire et économiquement gérable ».

C’est à ce titre que le député conservateur Norbert Röttgen, importante figure de la CDU, faisant partie de ceux, nombreux, qui dénoncent le refus du gouvernement d’arrêter les importations d’hydrocarbures russes, a appelé ses concitoyens à faire tout ce qui est en leur pouvoir « pour soutenir les Ukrainiens dans leur combat contre Poutine et pour la liberté» en acceptant de mettre un terme, dès à présent, aux «affaires gazières et pétrolières» car « près d’un milliard d’euros sont versés, chaque jour, dans les coffres de guerre de Poutine» ; ce qui va à l’encontre des «sanctions (européennes)  contre la banque centrale russe».

En abondant dans le même sens, Christoph Heusgen, l’ancien conseiller diplomatique d’Angela Merkel, a tenu à préciser, de son côté, que l’Allemagne détient «assez de gaz pour finir l’hiver (et que) pour l’été, les allemands ont montré une telle solidarité avec les ukrainiens qu’ils soutiendraient (un embargo) même s’il fait un peu plus froid dans leur salon».

Or, même si la tâche est plus rude pour l’Allemagne, qui importe, de Russie, plus de la moitié de ses besoins en hydrocarbures, le poids de l’économie allemande en Europe et l’intégration des économies de l’UE font que l’urgence de la réaction de Berlin pour se passer du gaz russe concerne tous ses partenaires européens et ce, d’autant plus que la perspective d’être acculés à gérer une «économie de guerre» nécessite une importante coordination et une grande solidarité entre les pays de l’Union européenne.

Mais, en ayant présent à l’esprit qu’en appelant le 30 mars dernier, le chancelier allemand Olaf Scholz et le Premier ministre italien, Mario Draghi, le Président Poutine qui voulait ouvrir une brèche dans l’unité européenne avait mis à nu sa grande dépendance des ressources financières générées par le gaz russe, nul ne sait comment va se terminer le bras-de-fer auquel que se livrent Moscou et les pays de l’UE mais attendons pour voir…

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